Se loger reste un problème majeur pour les jeunes précaires

Par Mathias Thépot  |   |  675  mots
Selon une étude, 15% des jeunes ont traversé une période sans domicile !
Un peu moins de sept jeunes sur dix rencontrent toujours des difficultés à accéder à un logement en France, selon une étude de l'Observatoire de la Jeunesse Solidaire. Et ce problème touche aussi l'économie du pays.

De toute évidence, le problème des jeunes en situation de précarité vis-à-vis de leur logement est encore loin d'être réglé. A l'heure actuelle, un peu moins de sept jeunes sur dix ont des difficultés à accéder à un logement, selon l'Observatoire de la Jeunesse Solidaire, qui s'est appuyé sur un panel d'un peu plus de 500 jeunes.

Une situation alarmante qui participe à l'élargissement d'une fracture dans la société française, comme l'explique la sociologue Cécile Van de Velde :

"Le déclassement par le logement nourrit les frustrations sociales. « Se loger » devient une dimension concrète et centrale des inégalités, à la fois de celles entre générations, et de celles à l'intérieur même d'une génération"

Les problèmes de logement sont trop souvent traités à part

Elle regrette que l'accès au logement soit trop « souvent traité à part », alors qu'il "devrait constituer un véritable pilier de politiques « multileviers » destinées à la jeunesse. Car le logement, c'est aussi une place à soi, une place symbolique, une place sociale", ajoute-t-elle. Effectivement les difficultés des jeunes pour se loger posent une multitude de problèmes d'ordres divers, notamment économique.

En France, avec la hausse folle des prix depuis le début des années 2000, "leur effort financier requis a très probablement bondi", estime le géographe Jean-Claude Driant. "Cette situation, du coup, génère des privations sur d'autres dépenses, y compris sur celles de première nécessité ", précise-t-il.
Les dépenses de logement phagocytent d'autres dépenses qui pourraient être destinées à d'autres secteurs de l'économie française, ainsi qu'une épargne qui par exemple s'avérerait précieuse pour des jeunes qui souhaiteraient se lancer dans des projets professionnels plus risqués.

Pour les jeunes défavorisés, c'est la double peine

Pis encore, les jeunes en situation de fragilité économique subissent "une double peine" puisque l'engrenage destructeur de la précarité et du chômage ainsi que l'absence de soutien financier des parents les pénalisent fortement pour avoir accès à un logement. Une spirale négative s'enclenche.

Résultat, même au sein d'une même génération, il y a de fortes inégalités dans l'accès au logement : "Les jeunes privilégiés sont favorisés à la fois sur le marché du travail et sur celui du logement, avec des parents issus des CSP+ qui les aident", explique la sociologue Fanny Bugeja-bloch,  qui s'appuie sur les chiffres de l'Observatoire de la jeunesse solidaire.

"A l'inverse, la jeunesse défavorisée cumule les handicaps et présente plusieurs visages : elle peut être contrainte à la dépendance (et donc vit chez ses parents), subir une contrainte par les coûts (en rognant sur l'achat de produits de première nécessité), ou se voir totalement exclue du marché du logement (15% ont traversé une période sans domicile, sans oublier ces 12% de victimes de discrimination)"

La peine est même triple, selon Jean-Claude Driant, car "statistiquement, les jeunes paient les loyers les plus chers, du fait d'un prix au mètre carré supérieur (petits logements) et de leur très forte mobilité".

Les jeunes désertent le logement social

Une solution idoine serait de faciliter l'accès aux logements sociaux à ces jeunes. Mais ce n'est malheureusement pas la tendance actuelle : aujourd'hui, seulement "12% des locataires titulaires du parc social ont moins de trente ans, contre 24% en 1984", souligne Juliette Furet, responsable du département des politiques sociales de l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM. Ce sont notamment les travailleurs les plus jeunes qui sont exclus du logement social.

Une autre solution, "moins administrative", aurait consisté à "une meilleure régulation des loyers", explique Jean-Claude Driant. Mais, là aussi, les vents sont contraires : une loi sur l'encadrement des loyers en France votée l'année passée a quasiment été enterrée - sauf à Paris intramuros. Et il y a fort à parier qu'il n'y aura pas de débat national sur ce sujet dans un avenir proche.