Flat tax, IFI : ces mesures vont-elles réellement améliorer le financement de l'économie réelle ?

Par Hugo Baudino  |   |  747  mots
Les Daltons se sont lancés dans l'entrepreneuriat inclusif et résilient.
Avec la flat tax sur l'épargne et l'IFI sur le patrimoine, le gouvernement veut engager une refonte profonde de la fiscalité afin de permettre un meilleur financement de l'économie réelle. Les professionnels des différents secteurs ne sont pas encore convaincus.

C'est l'expression à la mode : financer l'économie réelle. Par la grâce de ces trois mots, le gouvernement justifie chacune des mesures annoncées et prévues en matière de fiscalité, sur l'épargne comme sur le patrimoine. Ainsi, remplacer l'actuel impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui ne taxerait donc pas le patrimoine financier, servirait à inciter les gens à investir leur argent dans des placements qui alimentent l'économie, comme l'assurance vie par exemple.

Pour la flat tax, ou prélèvement forfaitaire unique, l'enjeu était d'améliorer la lisibilité de la fiscalité sur les produits financiers. Dans son programme de candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron faisait le constat d'une fiscalité de l'épargne "trop complexe" avec des "régimes fiscaux différents" selon que l'on parle d'intérêts, de plus-values ou de dividendes. Et cette fiscalité serait de plus "inefficace" avec des "impositions marginales excessives (jusqu'à 62%), qui peuvent décourager l'investissement". L'idée d'un impôt forfaitaire unique de 30% correspondrait donc à une volonté de rendre la fiscalité "plus juste et transparent" mais aussi d'empêcher les épargnants de ne prendre en compte que les critères fiscaux lors de l'investissement.

L'avis mitigé des professionnels sur la question

Les deux nouveaux dispositifs fiscaux ont été tièdement accueillis par les professionnels du secteur. La Chambre Nationale des Conseillers en Investissements Financiers (CNCIF) a ainsi réagit à l'annonce de l'instauration prochaine de la flat tax sur le PEL et les gros contrats d'assurance vie en appelant le gouvernement à être "plus complet dans ses incitations sur le nouveau fléchage de l'épargne". Le CNCIF voudrait que les "pénalités" instaurées sur certaines classes d'actifs soient compensées par des "avantages sur des classes d'actifs que le gouvernement veut soutenir", pour reprendre les mots de son président Stéphane Fantuz. Ce dernier résume son idée en un adage : "La finance nous enseigne qu'à toute prise de risque doit être associé un rendement supérieur à celui d'un placement sans risque."

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Jean-David Chamboredon, président d'ISAI (fonds d'investissement des entrepreneurs du web), voit de son côté dans cette flat tax un rendez-vous manqué : cela aurait été "une très bonne occasion de faire évoluer la fiscalité de l'assurance vie" afin de redonner à ce placement "son rôle de financement de l'économie", nous a-t-il confié. Et pour se faire, il aurait fallu introduire, par exemple, un taux minimum d'investissement dans les sociétés non cotées afin de bénéficier de l'avantage fiscal. Une telle mesure aurait été une véritable aubaine pour le private equity made in France en lui assurant un "vrai bénéfice à long terme".

Sortir les baux commerciaux de l'impôt sur la fortune immobilière ?

Réagissant à la (future) mise en place du nouvel impôt sur la fortune immobilière, Benjamin Nicaise, président de Cerenicimo, "avoue avoir du mal à comprendre les fondements de la mesure". Selon lui, l'immobilier paye son "insolente bonne santé", en partie due au fait que la stabilité des actifs immobiliers a réussi à détourner les épargnants français des actifs financiers. Il rebondit cependant sur la volonté annoncée de "réorienter l'épargne des Français vers l'économie productive" et considère donc "juste et cohérent que les actifs immobiliers contribuant à l'économie productive et commerciale soient exonérés d'IFI". En d'autres termes, il souhaiterait que tous les actifs immobilier qui sont "sujets à bail commercial" ne rentrent pas dans le patrimoine servant de base à l'IFI. Le gouvernement n'a pas encore donné le détail des biens concernés par la mesure.

Toutefois, la mise en place de cet IFI avec comme justification la volonté de privilégier le financement de l'économie réelle insinue que l'immobilier n'en fait pas partie (ou n'en a pas besoin). Or, si le secteur de la construction bénéficie déjà des nombreuses niches fiscales sur l'immobilier neuf (Loi Pinel, PTZ, etc.), il a un réel "défaut de prise en compte du potentiel de l'immobilier ancien pour l'économie française", comme le rappelait Sebastien de Lafond, président de MeilleursAgents.com. L'immobilier ancien mobilise en effet de nombreux corps de métier, qui ont tout de "réel" : maçonnerie, plomberie, électricité, architecture, etc.