Impôts : vers une suppression déguisée de l'ISF avec Macron ?

Le programme du président comporte une refonte de la fiscalité sur le patrimoine, l'ISF devant évoluer vers un impôt centré sur la propriété immobilière. Censée favoriser les investissements dans l'économie réelle, cette mesure présente toutefois une faille qui pourrait bien remettre en cause tout l'ISF.
Hugo Baudino

C'était, avec François Fillon, un des seuls candidats favoris à l'élection présidentielle qui prévoyait de remettre en cause l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Si le candidat les Républicains souhaitait purement et simplement le supprimer, Emmanuel Macron veut pour sa part le réformer et le recentrer sur l'immobilier. Le nouveau président de la République a en effet inscrit dans son programme une réforme de l'ISF, qui deviendrait un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ce nouvel impôt sera, comme son nom l'indique, « assis sur les seuls actifs immobiliers » des ménages, comme le mentionne le programme d'Emmanuel Macron. Il fonctionnera de la même manière que l'ISF actuel, c'est-à-dire que tout foyer fiscal avec un patrimoine immobilier supérieur à 1,3 million d'euros y sera assujetti. Le barème et l'abattement de 30 % sur la résidence principale seront également maintenus tels quels.

Toutes les valeurs mobilières détenues par les ménages ne seront donc plus intégrées au calcul de ce nouvel impôt sur le patrimoine. Les différents contrats d'assurance vie, les PEA, PEL, comptes à terme et actions échapperont ainsi totalement au remplaçant de l'ISF. Cette refonte de la fiscalité sur le patrimoine permettra, selon Emmanuel Macron, de « soutenir ceux qui prennent des risques, ceux qui permettent de créer et de développer notre économie et d'orienter l'épargne vers le financement de nos entreprises et l'investissement ».

Un geste pour les "moins riches" parmi les riches ?

La mesure serait donc, telle qu'elle était présentée dans le programme du président élu, un moyen de favoriser l'épargne et les placements en actions qui contribuent au financement de l'économie, fidèle ainsi à son idée d'opposer le risque et la rente. Selon Emmanuel Macron, l'ISF encore en vigueur actuellement pénalise l'investissement parce qu'il s'ajoute à tous les autres taxes et impôts déjà existants, pouvant ainsi « aboutir à annuler complètement le rendement des investissements, surtout en période d'inflation faible ». Cette réforme aura donc forcément un impact sur les stratégies d'optimisation fiscale destinées à éviter l'ISF, à l'image de celles qui ont permis aux plus grandes fortunes de France d'y échapper. Elle conduira aussi à un réexamen des dispositifs de pacte d'actionnaires type Dutreil, même si l'ISF n'est pas la seule raison de leur existence. Parfois, l'objectif principal est d'assurer la stabilité d'un actionnariat familial dispersé.

Avec la création de l'IFI, Emmanuel Macron table sur une réduction de la facture fiscale pour 50 % des contribuables actuellement assujettis à l'ISF, en gros tous ceux qui détiennent une part importante de valeurs mobilières dans leur patrimoine. Selon son programme, les « 50 % les moins fortunés ont un patrimoine qui n'est constitué d'immobilier qu'à 55 % environ ». L'IFI serait donc un coup de pouce fiscal pour les très riches certes, mais aussi pour les moins riches parmi les redevables actuels de l'ISF.

Le barème et le seuil de l'ISF n'évoluant pas, la mesure va impacter les finances publiques. Sur le site d'En Marche !, le coût pour le budget de l'État est estimé à 2 milliards d'euros par an. Emmanuel Macron compte combler ce manque à gagner par son nouveau prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital, qui fusionnera impôt sur le revenu et prélèvement sociaux. C'est surtout la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) à hauteur de 1,7 point qui va permettre de rapporter davantage au fisc.

Le bémol, pour les finances publiques, c'est que la mesure pourrait présenter une faille... et une aubaine pour les contribuables. L'ISF portant actuellement sur l'ensemble du patrimoine, si l'impôt ne porte plus désormais que sur la partie immobilière du patrimoine, la tentation sera grande pour les contribuables concernés de transférer leurs actifs immobiliers dans une société et ainsi échapper intégralement à l'impôt sur le patrimoine.

Pour éviter une perte beaucoup plus importante de recettes fiscales, le nouveau président de la République devra donc mettre en place des garde-fous solides pour éviter que les biens immobiliers ne soient transférables dans une société et ainsi être considérées comme des valeurs mobilières exonérées. Sinon, le coût de la mesure va augmenter et l'ISF disparaître quasi totalement, en plus de changer de nom...

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BARÈME 2016 : 
FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE / TAUX APPLICABLE

  • Jusqu'à 800.000 euros / 0%
  • Entre 800 000 et 1,3 million (inclus) / 0,50%
  • Entre 1,3 million et 2,57 millions (inclus) / 0,70%
  • Entre 2,57 millions et 5 millions (inclus) / 1%
  • Supérieure à 5 millions et inférieure ou égale à 10 millions / 1,25%
  • Supérieure à 10 millions / 1,50%

Source : Ministère des finances et de l'économie

Hugo Baudino
Commentaires 5
à écrit le 20/05/2017 à 21:12
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Macron est notre Hoover juste avant le Krach obligataire , il dérégule au lieu de réguler il défiscalise à fond les plus riches (isf) qui placent leurs profits dans les "paradis fiscaux" ,l'économie réelle s'assèche et la planche à billet en est à 70...

à écrit le 13/05/2017 à 7:50
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L'ISF est un impot mathématiquement idiot: on ne peut pas taxer en même temps les flux et les stocks. Il faut choisir.

à écrit le 13/05/2017 à 7:28
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Une perte de recettes fiscales de 2 milliards (pour ma part, je crois que cela sera plus, probablement au moins 3 milliards sur les plus de 5,2 milliards). Cela fait effectivement une belle somme, environ 2/1200, donc 0,16% de la dépense publique... ...

à écrit le 12/05/2017 à 19:54
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On supprime l'ISF pourquoi pas , mais alors pourquoi taxer les retraités et les cadres avec la CSG ? D'un coté les actionnaires qui viennent de recevoir 75 milliards d'euros de dividendes des sociétés du CAC 40 de l'autre un retraité avec 1700 euros ...

le 14/05/2017 à 13:26
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Et encore, si cette CSG augmentée est déductible, ce que ne dit pas le roman. (vous oubliez les revenus de placements mobiliers et immobiliers ainsi que les autres populations concernées professions libérales etc.) Donc, pour calculer rond un retra...

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