Que va changer la "Grande coalition" en Allemagne ?

Par Romaric Godin  |   |  1004  mots
Les automobilistes étrangers devront payer une vignette pour rouler en Allemagne à l'avenir
Angela Merkel et la SPD se sont mis d'accord sur un programme commun de gouvernement. Mais il devra encore être validé par les militants sociaux-démocrates.

Après des heures de négociations, CDU, CSU et SPD sont parvenus cette nuit à un accord pour la formation d'un gouvernement de grande coalition. Voici les grands axes de ce « contrat » de coalition qui - c'est une première outre-Rhin - devra encore être approuvée par les militants sociaux-démocrates. Ce n'est qu'après cette sanction des militants SPD que, le 17 décembre prochain, Angela Merkel pourra être élue, pour la troisième fois, chancelière par le Bundestag.

Un Salaire minimum minimal

Les Sociaux-démocrates ont obtenu satisfaction sur leur principale revendication : un salaire minimum à 8,50 euros par heure. Il sera mis en place à partir de 2015, avec la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords de branche inférieur à ce niveau jusqu'en 2017.

Autrement dit, cette base salariale minimale sera amortie par le temps afin de permettre aux entreprises de se préparer et, éventuellement, à l'inflation, de réduire les effets sur leurs marges. Apprentis et stagiaires seront exclus de ce salaire minimum, bien qu'ils représentent la moitié des salariés payés moins de 8,5 euros de l'heure.

Les Conservateurs ont, en revanche, obtenu satisfaction sur la méthode de révision de ce salaire minimum. Une commission de 7 personnes composées de représentants du patronat, des syndicats et d'experts économiques devra décider, « à intervalle régulier » de la mise à jour de ce niveau de salaire minimum. La SPD réclamait une révision automatique par la loi.

Retraites : tout le monde est content

La CDU obtiendra sa promesse d'un supplément retraite pour les mères ayant eu des enfants avant 1992. De son côté, la SPD a imposé son idée d'un départ possible à la retraite dès 63 ans pour les personnes ayant cotisé 45 ans.

Aujourd'hui, les salariés allemands peuvent partir à 65 ans après 35 ans de cotisations. Les partis de la « grande coalition » mettront également en place un minimum retraite de 850 euros par mois à partir de 2017.

Une vignette pour les routes allemandes

Malgré sa promesse de campagne ne pas introduire de péages en Allemagne, les partis de la coalition ont convenu d'introduire une vignette pour toutes les automobiles circulant sur le territoire de la République fédérale. Une loi devra régler les détails en 2014, mais l'idée est celle avancée par la CSU bavaroise : faire payer les automobilistes étrangers, pas les allemands. Il y aura sans doute une forme de compensation fiscale pour les détenteurs de véhicules immatriculés outre-Rhin.

Le but de cette vignette est de financer les investissements nécessaires pour renouveler des infrastructures de plus en plus défaillantes. Problème : Bruxelles pourrait voir dans cette « vignette à deux vitesses » une discrimination entre citoyens européens et interdire une telle loi…

Energie : plus d'énergies renouvelables, mais aussi plus de centrales à charbon

La grande coalition entend permettre de porter la part des énergies renouvelables dans le total de la production allemande à 60 % en 2030. La CDU et la CSU voulaient un niveau de 55 %, la SPD de 75 %. Mais les Sociaux-démocrates ont dû accepter que l'Allemagne investisse non seulement dans de nouveaux parcs éoliens, mais aussi dans des centrales conventionnelles à charbon.

Europe : un nouveau traité sera proposé par l'Allemagne

Les Sociaux-démocrates n'ont pas fait de difficultés pour rendre les armes sur la politique européenne de l'Allemagne. Le mot clé de celle-ci sera donc la continuité. La logique du refus radical de l'union des transferts, du soutien à l'euro et à la politique d'austérité dans les pays périphériques sera maintenue.

L'Allemagne durcira même l'addition avec la proposition d'un nouveau traité permettant aux Etats de conclure des « contrats » contraignants avec la Commission pour le respect de règles budgétaires et de « réformes structurelles. » Quant à l'Union bancaire, elle pourrait bien rester un tigre sans dents puisque dans les derniers projets de contrat de coalition, elle n'était pas même évoquée…

Double nationalité acceptée

C'est sur ce point une victoire de la SPD qui donne un grand coup de canif dans ce qui restait du « droit du sang » outre-Rhin. Tous les enfants nés en Allemagne de parents étrangers après 1990 et qui satisfont certains critères de résidence pourront garder leur nationalité allemande après 23 ans. Jusqu'ici, certains d'entre eux devaient choisir entre leur nationalité d'origine et la nationalité allemande.

Finances publiques : 23 milliards d'euros à trouver

La réforme des retraites sera coûteuse : près de 26 milliards d'euros, elle sera financée par les cotisations patronales et salariales, mais il n'y aura pas de remise à niveau des cotisations (la part patronale est inférieure à la part salariale), comme le demandait la SPD.

Reste que le projet coûtera 23 milliards d'euros supplémentaires. La SPD n'est pas parvenue à imposer son idée d'un financement par les hausses d'impôts. Il faudra donc encore réduire les dépenses. Une grande partie des mesures a été repoussé à 2017 - autrement dit à la veille des prochaines élections - comme le souhaitait la CDU afin de réaliser des « réserves » de 16 milliards d'euros pour couvrir ces dépenses.

 Une chose est certaine : avec Wolfgang Schäuble conservé aux Finances, l'Allemagne ne dérapera budgétairement. Ce  gouvernement doit, du reste, être celui qui mettra en œuvre en 2016 le « frein à l'endettement » voté en 2009 et qui prévoit un niveau maximal de 0,35 % du PIB pour le déficit structurel de l'Etat fédéral.

Postes ministériel à pourvoir

Les choix de personnes devront se faire après le vote des militants SPD. Mais on sait déjà que  les Sociaux-démocrates auront six postes, soit trois de plus que les Libéraux entre 2009 et 2013, dont l'emploi et les Affaires étrangères. La CSU bavaroise gardera trois portefeuilles, la CDU en glanera cinq.

Les Conservateurs seront donc deux de plus que les Sociaux-démocrates au cabinet, ce qui est une proportion flatteuse compte tenu de l'écart de voix entre les deux camps (25 % pour la SPD, 42 % pour la CDU). Seule certitude : Wolfgang Schäuble restera aux Finances.