Florange : récit d'une pièce dramatique en cinq actes

Par Romain Renier  |   |  769  mots
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ArcelorMittal abandonne le projet Ulcos. Les hauts fourneaux de Florange ne redémarreront pas. Retour sur une pièce dramatique en cinq actes qui a fait tourner bien des têtes au gouvernement...et ailleurs.

Cinq jours auront suffi à ArcelorMittal pour enterrer le projet Ulcos qui devait permettre aux hauts-fourneaux de Florange de repartir. Sans même qu'ArcelorMittal n'ait besoin de prendre la parole. C'est la Commission européenne qui a annoncé jeudi que l'aciériste indien jetait l'éponge dans la course au projet Ulcos.  "A cause des difficultés techniques", a expliqué le porte-parole de Connie Hedegaard, la commissaire européenne chargée du Climat. Retour sur une pièce en cinq actes durant laquelle Lakshmi Mittal a fait tourner les têtes des membres du gouvernement Ayrault.

Acte I - Mittal refuse de vendre le site de Florange

Mittal annonce à l'automne son intention d'arrêter l'activité des hauts fourneaux de Florange. Le gouvernement plaide pour la vente du site par ArcelorMittal, afin de protéger les emplois. Mais l'idée est rejetée en bloc par Lakshmi Mittal, qui fait alors peser l'argument selon lequel la vente des activités aval mettrait "en péril les activités du groupe en France". Arnaud Montebourg va alors jusqu'à annoncer une loi qui forcerait un propriétaire de site industriel rentable à le céder en cas de repreneur intéressé. Proposition restée pour l'heure lettre morte.

Acte II - La course contre la montre

Le 1er octobre, la direction d'ArcelorMittal annonce son intention de fermer définitivement les hauts fourneaux de Florange et donne deux mois au gouvernement pour trouver une entreprise susceptible de reprendre l'exploitation de la phase liquide de l'usine. Mais il refuse toujours de céder l'ensemble du site, c'est à dire les hauts fourneaux et la filière froide. Commence alors une chasse au repreneur pour Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif.

>> Florange: le gouvernement a deux mois pour trouver un repreneur

Acte III - Les rumeurs sur les repreneurs

Dans le courant du mois d'octobre, un premier nom de repreneur circule. Selon le quotidien les Echos, un Russe, Severstal, serait en discussion avec ArcelorMittal. Les salariés de Florange se mettent alors à espérer. Problème, Severstal serait intéressé par la reprise totale du site, et non pas seulement des hauts fourneaux. L'affaire est classée sans suite. La course contre la montre se poursuit pour le ministre de Redressement productif qui évoque le 21 novembre deux offres de reprise. Sans ne citer aucun nom. Le Monde confirme alors la piste Severstal et ajoute le nom de Ascometal pour la piste française. Mais ArcelorMittal déclare aussitôt ne pas en avoir connaissance.

>> Qui est le Russe Severstal, cette "étoile du Nord" qu'on dit intéressé par Florange ?

Acte IV - La nationalisation avortée

Voyant la date butoir approcher à grands pas, Arnaud Montebourg brandit la menace d'une nationalisation temporaire du site, le temps de trouver un repreneur. "On est plus à une époque où on nationalise la sidérurgie", rétorque Michel Sapin, le ministre du Travail, dés le lendemain matin. Pour lui, seule une reprise par une entreprise privée est envisageable. La proposition du ministre du Redressement productif trouve toutefois un écho positif dans l'ensemble de la classe politique, tous bords confondus. Le suspens dure jusqu'au dernier soir de l'ultimatum fixé par ArcelorMittal. Jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé. Il n'y aura pas de nationalisation, et les hauts fourneaux seront maintenus à l'arrêt le temps de réaliser les investissements nécessaires à leur reconversion. L'ensemble de l'opération repose sur le projet Ulcos.

Acte V - La fin d'un projet qui devait sauver au moins un haut-fourneau

Le projet consiste à capter le CO2 en sortie d'au moins un des deux hauts-fourneaux pour le compresser et l'injecter dans des aquifères salines à 2000 mètres de profondeur. Outre une réduction de 50% des émissions de CO2 liées à la fabrication de l'acier, cette technologie doit permettre de diminuer de 25% la consommation de coke tout en augmentant le rendement des réacteurs. De quoi rendre le site compétitif. Seule ombre au tableau à ce moment là, le cours du carbone plafonne autour de 7 euros la tonne, alors que le captage et le stockage de CO2 ne sont rentables qu'à partir de 30 euros la tonne. Pour cela, il faut que les hauts-fourneaux fonctionnent et que Bruxelles finance une partie de cette remise à niveau... Mais déjà, la mise en oeuvre du projet est incertaine et les syndicats n'y croient plus. Leurs doutes ont été validés ce jeudi, même si dans sa lettre envoyée à la Commission européenne et publiée par les Echos, ArcelorMittal se dit toujours intéressé par cette technologie... pour plus tard. Le gouvernement, lui, garde espoir.