Auto-entrepreneurs : qui sont-ils, combien sont-ils et que gagnent-ils ?

Par Adeline Raynal  |   |  960  mots
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Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat, rencontre ce jeudi matin les "poussins", les bruyants défenseurs du statut de l'auto-entrepreneur. Une nouvelle étape dans cette bataille qui a pris un caractère polémique depuis une dizaine de jours. L'occasion de faire une photographie de ce nouveau monde un peu rapidement baptisé entrepreneurial. Et de tordre le cou à certaines idées reçues.

Depuis plusieurs jours, les projets de modification du régime de l'auto-entrepreneur font beaucoup de bruit et ont même provoqué quelques couacs gouvernementaux. Pour tenter de calmer l'agitation, la ministre du Commerce et de l'Artisanat, Sylvia Pinel, reçoit ce jeudi 6 juin, séparément, les anti et les pro-auto-entrepreneuriat, regroupés au sein du mouvement des poussins" .

A 9h se tiendra une réunion de travail sur l'évolution du régime de l'auto-entrepreneur avec les représentants de l'Union professionnelle artisanale (UPA), l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Puis à 11h30, Sylvia Pinel s'entretiendra avec Adrien Sergent, à l'initiative du mouvement des "Poussins". Enfin à 17h15, elle assistera à une réunion sur cette même thématique avec les représentants de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE) et de la Fédération des auto-entrepreneurs (FEDAE).

En attendant de connaître les contours de la réforme du statut, évoquée dès sa campagne pour l'élection présidentielle par François Hollande, La Tribune dresse un bilan de ce régime, quatre ans et demi après son instauration le 1er janvier 2009.

Que représentent les auto-entreprises parmi l'entrepreneuriat total?

Le dernier bilan du dispositif fait état de 895.000 auto-entrepreneurs administrativement actifs au mois de février 2013, selon la caisse nationale du réseau des Urssaf, l'Acoss. Le régime séduit plus ou moins selon les années : si en 2010, 358.588 auto-entreprises avaient été créées selon l'Insee, il n'y en a eu que 291.721 en 2011 mais 307.478 l'année dernière. Selon des données IGAS (l'Inspection générale des affaires sociales), l'activité en auto-entreprise génère 0,23% du Produit intérieur brut français.

En 2012, 56% des créations d'entreprises se sont faites sous le régime de l'auto-entrepreneuriat, une proportion importante (et conforme à celle de la période 2009-2011) que l'on visualise dans ce graphique diffusé par l'Insee :


Mais au dernier trimestre 2012, le statut a semblé s'essouffler. Le nombre total d'entreprises créées a chuté de 12,1% entre octobre et novembre selon l'Insee, essentiellement du fait de l'effondrement du nombre de nouvelles auto-entreprises.

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Pourtant, le statut semble intéressant à une large majorité des auto-entrepreneurs. Au printemps 2012, 88% d'entre eux se disaient satisfaits de ce statut, 68% d'entre eux considéraient que cela favorise la diminution du travail illégal en France et 68% pensaient que cela permet à beaucoup de personnes de sortir de leurs difficultés financières, selon un sondage Opinion Way publié en juin 2012.

Qui sont les auto-entrepreneurs ?

Ce sont majoritairement des hommes (57%), dont l'âge est compris entre 40 et 59 ans pour la moitié d'entre eux, selon l'Observatoire de l'auto-entrepreneur daté de juin 2012, réalisé par Opinion Way pour l'Union des Auto-Entrepreneurs (UAE). On compte tout de même une part plus importante de femmes parmi les auto-entrepreneurs que parmi les entrepreneurs en général (34% de femmes contre 29% de façon générale) selon l'Insee. Il y aussi plus de jeunes : 43% des créateurs ont entre 20 et 34 ans, contre 34% pour les autres statuts d'entreprises.

Base: ensemble des auto-entrepreneursen activité en mai 2012 Source: Observatoire de l'Auto-Entrepreneur de juin 2012

Les auto-entrepreneurs choisissent de créer leur entreprise afin de développer une activité de complément (pour 40% d'entre eux) ou d'assurer leur propre emploi (40% également). Selon un note de l'Insee datée de février 2012, trois auto-entrepreneurs sur quatre n'auraient pas créé d'entreprise sans ce régime et quatre secteurs concentrent les auto-entreprises : le soutien et le conseil aux entreprises, les services aux ménages, le commerce et la construction (BTP). Environ 5,5% des auto-entrepreneurs font du développement de sites web.

Que gagnent-ils ?

Depuis le 1er janvier 2011, tout auto-entrepreneur est soumis à l'obligation de déclarer son chiffre d'affaires à chaque échéanc trimestrielle, quel qu'en soit le montant, même s'il est nul. Moins de la moitié (49%) des auto-entrepreneurs dégagent un chiffre d'affaires. Leurs revenus s'avèrent donc souvent faibles et irréguliers. Selon une étude Insee publiée en septembre 2012, à peine un quart du millions d'auto-entrepreneurs existant sont parvenus à dégager un revenu continu sur ses trois premières années d'existence. Dans 9 cas sur 10, ce revenu ne dépassait pas le SMIC en 2011. Au dernier trimestre 2012, la majorité de ceux qui ont dégagé un chiffre d'affaires ont réalisé des recettes comprises entre 1 et 1.500 euros sur l'ensemble de la période.

Un rapport de l'Insee portant sur le revenu moyen des auto-entrepreneurs et daté de septembre 2012 révèle que 70% d'entre eux cumulent un salaire, une pension de retraite ou une ressource autre en plus du revenu de leur activité d'entrepreneur. Cela se confirme quand on sait que seuls 21% des auto-entrepreneurs consacrent 100% de leur temps à cette activité, selon le 7e Observatoire du statut, réalisé par Opinion Way en avril 2012.

Globalement, dans un même secteur d'activité, les auto-entrepreneurs gagnent moins que les autres entrepreneurs. L'Insee indiquait en septembre 2012 que moins d'un sur dix percevait un revenu comparable à celui des autres non-salariés du secteur. "En 2011, le revenu non salarial des auto-entrepreneurs ayant débuté en 2009 atteint très rarement un niveau comparable à celui d'un non-salarié du même secteur en 2009" notait l'Institut. Les indépendants "classiques" gagnent sept fois plus que les auto-entrepreneurs, selon une note de l'Insee de mai 2013.

Des entrepreneurs comme les autres ?

Bien que la grande majorité (74%) d'entre eux disaient se sentir "des entrepreneurs comme un autre" en mai 2012, ils étaient en même temps seulement 24% à vouloir évoluer vers un autre statut.

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