Retraites : le rachat des trimestres d'études, une fausse bonne idée

Par Hélène Haus  |   |  915  mots
Une aide sera fournie aux jeunes actifs souhaitant racheter des trimestres d'études pour compléter leurs retraites / Reuters
Le gouvernement vient d'annoncer qu'il allait fournir une aide de 1.000 euros aux jeunes souhaitant racheter un trimestre d'études pour compléter la durée de cotisation de leur future retraite. Ce soutien financier se limitera à quatre trimestres, soit 4.000 euros et devrait concerner les rachats effectués dans les dix années suivant la fin des études. Un moyen de compenser l'augmentation de la durée de cotisation à 43 ans pénalisant surtout les jeunes, qui rentrent de plus en plus tard sur le marché du travail. Sauf qu'à cette période de leur vie active, la retraite n'est pas forcément leur priorité.

A quel âge commence-t-on vraiment à penser à sa retraite? A l'heure où la crainte du chômage reste la préoccupation principale des jeunes diplômés, le gouvernement ne les a pourtant pas oubliés de sa nouvelle réforme des retraites, présentée mardi dernier par le Premier ministre. Si le gouvernement a décidé d'allonger la durée de cotisation à 43 ans pour les personnes nées à partir de 1973, Jean-Marc Ayrault, a toutefois annoncé qu'une aide financière serait versée aux jeunes actifs souhaitant racheter une partie de leurs trimestres d'études pour compléter leur taux et/ou leur durée de cotisation et prendre ainsi leur retraite plus tôt. La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a précisé, jeudi, que cette aide serait de 1.000 euros par trimestre, dans la limite de quatre trimestres. Soit 4.000 euros au total.

Depuis la réforme des retraites de 2003, il est possible de racheter jusqu'à 12 trimestres d'études ayant abouti à un diplôme, à condition de n'avoir cotisé à aucune caisse de retraite durant les trimestres concernés. Les étudiants ayant pris un "petit boulot" ne peuvent donc pas en profiter.

Les jeunes commencent à cotiser plus tard

D'après le rapport Moreau sorti en juin 2013, le nombre de trimestres validés avant l'âge de 30 ans a baissé de 11 trimestres entre la génération née en 1950 et celle née en 1978. Cela équivaut à près de trois ans de différence. Avant, les jeunes de 30 ans cotisaient en moyenne 42,6 trimestres contre 31 aujourd'hui. Ils entrent désormais dans la vie active vers 22 ans. Selon l'Unef (Union nationale des étudiants de France), les jeunes ayant effectué des études obtiennent en moyenne un poste stable à 26 ans.

Actuellement, le tarif de rachat des trimestres varie selon l'âge et les revenus. Plus les acheteurs sont jeunes, plus le prix est intéressant. Il reste cependant "relativement élevé", selon le Premier ministre, ce qui le rend trop peu attractif. En 2013, un trimestre coûtait ainsi entre 1.564 à 2.085 euros pour une personne de 20 ans, entre 2.204 à 2.938 euros à 30 ans et de 3.060 à 4.080 euros à 40 ans.

"C'est un pari risqué"

Les trimestres vont désormais coûter moins cher, mais le gouvernement a précisé qu'il décernerait cette aide sous certaines conditions. Marisol Touraine a ainsi expliqué que les jeunes devront acheter ces trimestres dans les "5 à 10 années" suivant la fin des études pour en profiter. Le délai exact sera inscrit dans le projet de loi. Une personne diplômée d'un master de 23 ans devrait ainsi pouvoir en bénéficier jusqu'à ses 33 ans. A cet âge-là, elle pourra racheter son trimestre entre 1.454 à 2.272 euros (en fonction de ses revenus) contre 2.454 euros à 3.272 euros auparavant.

"C'est une idée saugrenue", critique Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et co-auteur de Quel avenir pour nos retraites?. "Lorsque vous entrez dans la vie active, vous avez d'autres priorités: fonder un foyer, développer votre carrière..." Une idée d'autant plus absurde, selon l'économiste, que les acheteurs ne savent pas quelle sera la législation au moment de leur départ à la retraite. "La législation évolue. Notre système de retraite est basé sur le collectif. Ce n'est pas pour y ajouter une cotisation personnelle en rachetant ses trimestres de son côté… Et c'est un pari risqué. Les femmes, par exemple, ne savent pas combien elles auront d'enfants. Or, cela entre en compte dans leur cotisation", souligne Henri Sterdyniak. "Les jeunes ayant fait de longues études ont généralement des emplois moins fatigants physiquement que les ouvriers. Ils doivent accepter de travailler plus", ajoute-t-il.

Le système des retraites reste méconnu des jeunes

Des propos qui ne plairaient sans doute pas à l'Unef, qui a qualifié l'annonce de Jean-Marc Ayrault de "fausse bonne idée" et demande au gouvernement d'aller plus loin. Sa revendication? Que chaque année d'étude compte pour trois trimestres, financés par une "cotisation de 0,15% de la valeur ajoutée au niveau de chaque entreprise".

Face à l'arrivée peu probable d'une telle mesure, les jeunes vont-ils profiter du coup de pouce du gouvernement ? Il faudra d'abord qu'ils soient correctement informés de ce dispositif. D'après le rapport Moreau, seuls 15% d'entre-eux ont une "bonne connaissance du système des retraites". 81% n'ont d'ailleurs pas confiance en l'avenir du système par répartition. Depuis la réforme de 2003, les cotisants reçoivent automatiquement à 35 ans leur relevé de situation individuelle récapitulant les droits qu'ils ont acquis depuis leur entrée sur le marché du travail. Un âge auquel ils ont généralement quitter l'université depuis plus de 10 ans...

Un prêt étudiant à rembourser en priorité

Selon le rapport Moreau, 66% des 18-24 ans comptent en fait sur leur épargne pour financer leur retraite. Mais avant de pouvoir épargner, les jeunes les plus précaires devront d'abord rembourser le prêt qu'ils ont souscrit pour financer leurs études. D'après l'Observatoire de la vie étudiante, 6,4% des étudiants font des prêts. Leurs montants avoisinent en moyenne moins de 10.000 euros, mais peuvent être bien plus élevés pour rembourser certaines écoles de commerce ou d'ingénieur.

Vient ensuite souvent l'envie d'acquérir un bien immobilier. La durée du crédit permet généralement aux cotisants de rembourser leur maison avant leur départ à la retraite et de disposer, alors, d'un revenu supplémentaire en ne payant plus de loyer. Un investissement qui reste, sans aucun doute, plus sûr sur le long terme.