Politique fiscale : moins d'impôt pour les entreprises, beaucoup plus pour les ménages

Par Ivan Best  |   |  860  mots
François Hollande a promis une pause fiscale, mais des hausses d'impôts sont à venir pour les ménages
La hausse des cotisations retraite, compensée pour les entreprises, mais non pour les salariés, est un révélateur: la politique fiscale actuelle est favorable aux entreprises, au détriment des ménages. Les premières ont droit, à ce stade, à sept milliards d'allègements fiscaux, contre plus de 20 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires sur les ménages, si l'on inclut la future hausse de TVA

Évidemment, le gouvernement ne présentera jamais les choses de cette manière. Mais la réalité des chiffres est têtue : sa politique fiscale est de plus en plus favorable aux entreprises au détriment des ménages. La réforme des retraites en est l'exemple le plus frappant : pour les entreprises, la hausse des cotisations retraite (+0,3 point à l'échéance 2017) sera compensée par une baisse équivalente des prélèvements sociaux destinés à la branche famille. Les salariés, eux, paieront… sans compensation. Sauf, éventuellement, pour une partie d'entre eux, si l'exécutif remet en place une forme de défiscalisation des heures supplémentaires. Un projet soutenu par le porte parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Thierry Mandon, que le gouvernement serait prêt à étudier, même s'il le dément aujourd'hui.

 La gauche du PS s'inquiète d'un déséquilibre au détriment des salariés

 La gauche du PS ne s'y trompe pas : « dans la période actuelle (…) il ne faut pas donner le sentiment que toute hausse de la fiscalité des entreprises serait immédiatement compensée, tandis que les salariés verraient leur pouvoir d'achat baisser sans aucune compensation » écrit le mouvement Gauche populaire, dans un communiqué. En outre, ajoute le texte, il n'est pas bon d'accréditer l'idée « que l'amélioration de la compétitivité des entreprises doit systématiquement être financée par une augmentation de la fiscalité des ménages ».

Beaucoup de hausses d'impôts sur les entreprises prennent fin en 2014

Craintes injustifiées ? Ces affirmations d'un courant du PS plutôt critique ne sont pas sans fondements. De fait, ce sont les consommateurs qui financeront l'essentiel du Crédit d'impôt compétitivité emploi destinés aux entreprises, via, surtout, le relèvement de la TVA, le premier janvier.

Oui, mais les mesures prises depuis l'été 2012 n'ont-elles pas chargé d'abord la barque des entreprises ? Les hausses d'impôts sont effectivement considérables. Cela étant, beaucoup ont eu un effet « one shot » : elles ont été exceptionnelles ou ont constitué des anticipations, des impôts payables en 2013, par avance, et qui ne le seront plus en 2014. En 2014, les entreprises auront donc moins à payer -sous réserve de mesures en discussion de cette rentrée.

Dès l'automne dernier, Bercy a publié l'impact réel des décisions votées dans les lois de finances pour 2012 et 2013, à échéance 2014. Il apparait que le relèvement de la fiscalité des entreprises représente environ 13 milliards en 2014, sur un total de hausses d'impôts de près de 27 milliards. Les entreprises paient moins de la moitié de la facture.

Un taux de TVA à 20% au moins...

Et ce déséquilibre va s'accentuer dans les mois à venir. Certes, les ménages ne paieront pas un impôt sur le revenu plus lourd en 2014, puisque le barème serait à nouveau revalorisé en suivant l'inflation, ce qui n'avait pas été le cas pour les impôts de 2012 et 2013.

Mais les consommateurs paieront plein pot la hausse de la TVA, avec un taux normal qui passera de 19,6% à 20% (ou plus, c'est encore en débat), et un taux intermédiaire qui grimpera de 7 à 10% (restaurants, travaux à domicile, transports collectifs… ). Ils s'acquitteront aussi d'une grande part de la future contribution énergie climat.

Les entreprises, elles ont au contraire droit au Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui monte en puissance. Si, en 2013, elles bénéficient d'une ristourne d'impôt sur les sociétés (ou un chèque du fisc, en cas d'absence de bénéfice imposable) représentant 4% de la masse salariale, ce taux grimpera à 6% en 2014. Au total, le CICE représentera 20 milliards d'euros d'allègement des prélèvements.

Un bilan positif de sept milliards pour les entreprises....

A ce stade, si l'on inclut ce crédit d'impôt compétitivité, le bilan fiscal des entreprises apparait positif pour près de sept milliards (13 milliards de hausses d'impôts, moins 20 milliards de CICE). Sept milliards d'euros de prélèvements en moins, à comparer à une facture en hausse pour les ménages.

.... contre une vingtaine de milliards d'euros d'impôts en plus sur les ménages

De combien, cette facture? Les mesures déjà votées comptent pour un peu moins d'une quinzaine de milliards d'euros. S'y ajouteront l'année prochaine le relèvement de la TVA et l'éventuelle taxe carbone. Soit, au total, un alourdissement de la facture d'une vingtaine de milliards, au minimum, pour les ménages.

Cet écart se justifie peut-être par la nécessité de renforcer la compétitivité des entreprises. Mais le gouvernement n'est peut-être pas près de l'assumer ainsi. "Le pouvoir d'achat des catégories populaires et moyennes doit être au centre des préoccupations de la gauche au pouvoir", affirme le courant Gauche populaire. "Cette question est cruciale pour la réussite du quinquennat : le gouvernement de Lionel Jospin avait pâti de ne pas avoir su compléter les 35 heures par une politique lisible de compensation des revenus. Dans la période actuelle, il ne peut y avoir deux poids deux mesures pour les entreprises et le ménages."