"Pause fiscale" François Hollande a techniquement raison, mais politiquement tort

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  895  mots
En parlant de "pause fiscale" à plusieurs reprises, le président de la République a commis une imprudence
En annonçant la "pause fiscale" pour 2014, le président avait techniquement raison puisque le taux des prélèvements obligatoires ne progressera que de 0,15 point. Mais ce sont les ménages, et non les entreprises, qui vont porter l'essentiel de l'effort. D’où une grande difficulté à faire passer le message.

Mais quelle mouche a piqué François Hollande en annonçant une " pause fiscale"  pour 2014 ? Alors que pour la quasi-totalité des quelque 50% de ménages imposables, le sentiment est exactement à l'opposé : la pression s'accentue. Comment le président, animal politique madré, a-t-il pu tenir de tels propos, alors que le « choc » fiscal 2012-2013, de plus de 30 milliards d'euros, est encore dans tous les esprits et que quasiment personne ne voit de ralentissement se profiler pour 2014? 

D'autant plus que François Hollande a récidivé, croyant tenir ainsi un message rassurant. Dans un entretien au quotidien " Le Monde ", d'abord, où il évoque la fameuse "pause fiscale". Sur le plateau de TF1, ensuite, où il explique à Claire Chazal que le niveau des prélèvements, "c'est beaucoup, donc c'est trop ".

Fait inédit, c'est le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, pour une fois plus "politique" que le président, qui tentera de corriger le tir en expliquant que la pause fiscale, ce sera plutôt pour 2015. S'en suivront des débats et interrogations assez stériles sur le fond.

Le niveau des prélèvements obligatoires n'augmente que de 0,15 point en 2014

Mais alors, décidément, comment comprendre la "sortie" du président ? Réponse : tout simplement parce que, techniquement, c'est la vérité. Mais, politiquement, il convient de choisir le bon moment pour s'exprimer. Et, là, manifestement, François Hollande s'est trompé.

François Hollande, féru de fiscalité et doté d'un réel savoir faire en économie, a techniquement raison car en 2014, les prélèvements obligatoires ne progresseront en effet que de 0,15 point - une quasi stabilisation donc, inconnue depuis des année - pour s'établir à 46,1% du PIB. Certes, mais ce sont surtout les entreprises qui vont bénéficier de cette "pause ", l'État transférant vers les ménages l'équivalent de 10 milliards d'euros qui pesaient jusqu'ici sur elles.

Mais les ménages sont davantage mis à contribution que les entreprises

Et c'est là l'erreur de François Hollande : les ménages ne constatent pas de pause fiscale. D'abord parce qu'ils reçoivent en ce moment même leur avis d'imposition 2013 qui, notamment en raison du gel du barème, révèlent de fortes hausses d'impôts.

Ensuite, parce que ces même ménages imposables entendent parler depuis des semaines de ce qui les attend pour 2014 : hausse de la TVA au 1er janvier - impôt indirect pesant sur tous les consommateurs - qui rapportera 6 milliards d'euros, suppression d'un certains nombre de niches, suppression des déductions d'impôts pour les enfants scolarisés, fiscalisation de la cotisation à la prévoyance collective….

Les fameuses classe moyennes sont aussi impactées

Sans parler de la hausse de la cotisation vieillesse de 0,15%. Alors, certes, cette pression supplémentaire vise, globalement, les plus hauts revenus (le revenu médian en France s'établit à 1.650 euros nets mensuels) mais, à la différence des propos tenus par François Hollande et Jean-Marc Ayrault en 2012, elle est loin de concerner les seuls 10% les plus riches. Les fameuses classe moyennes sont aussi impactées.

Lire aussi: "Hollande et la fiscalité,le rendez-vous manqué"

Le ministre de l'Economie lui-même parle de "ras-le-bol fiscal"

La parole, déjà difficilement audible de François Hollande, porte donc de moins en moins. Même si, prudemment,  il na pas promis grand-chose durant sa campagne électorale, il y a un sentiment de trahison. D'autant plus quand le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici lui-même, évoque un " ras-le-bol fiscal que je ressens".

Quand le grand argentier de France tient de tels propos, on s'attend à des actes… Pour cela il faudra attendre 2015. Laurent Fabius, lui, lorsqu'il était ministre des Finances du gouvernement Jospin en 2000 avait annoncé "pour préparer l'avenir" une baisse des impôts pour 2001. Et ce fût fait, non sans faire hurler d'ailleurs une partie de la gauche.

Parler d'un "ras-le-bol fiscal " sans parvenir à une baisse réelle des prélèvements obligatoires et donc une faute qui va accentuer le " ras-le-bol "…  vis a vis des politiques et nourrir les extrêmes.

La croissance et le chômage doivent être au rendez-vous

Il reste deux chances à François Hollande et à son équipe. D'abord que le frémissement de croissance se confirme. Le locataire de l'Elysée s'y emploie, quitte même à endosser le surnom de "président des entreprises," maintenant qu'il bichonne Pierre Gattaz, le président du Medef, en le recevant à dîner… Exactement comme le faisait après 1982 François Mitterrand avec Yvon Gattaz, le père de Pierre, président du CNPF de l'époque.

Si la croissance revient, l'emploi devrait suivre. Et le retournement de la courbe du chômage, envisageable pour la fin de cette année, grâce aux mesures contracycliques, deviendra alors pérenne. François Hollande pourra alors, comme prévu, entamer en 2015 la deuxième période de son quinquennat, celle de la "redistribution". Et donc, diminuer la pression fiscale pesant sur les ménages ! Tout en surveillant de près les déficits publics pour tenir les engagements européens.

S'il échoue, la crédibilité présidentielle sera définitivement réduite à néant. Dans ce cas, comme le dit Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, "ce qui ne sort pas socialement, sortira dans les urnes". Bref, ce sera soit la rue, soit les élections… Soit les deux.