Patronat : l'UIMM avait une caisse noire, elle a maintenant une grosse cagnotte

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  799  mots
L'UIMM a recyclé une partie des 580 millions d'euros de sa caisse noire dans des actions de valorisation de la métallurgie
Après le scandale de l'UIMM qui a éclaté fin 2007, avec la découverte de l'existence d'une caisse noire (Epim), le nouveau président de l'organisation Frédéric Saint Geours a décidé de recycler dans des actions de promotion de la profession une partie des 600 millions de la caisse noire. Actuellement, ce sont environ seulement 230 millions qui ont été ainsi "réaffectés". ,

 Que sont devenus les fameux 600 millions d'euros de l'Epim (comme "Entraide professionnelle des industries de la métallurgie", cette fameuse "caisse noire" du patronat de la métallurgie (UIMM) qui a tant défrayé la chronique en 2007 ? Créée en 1972 et alimentée par une cotisation "facultative" des entreprises de la métallurgie, cette caisse devait servir à "soutenir" les entreprises confrontées à d'importants conflits sociaux, comme chez PSA par exemple.

Mais depuis " l'affaire UIMM" qui a éclaté en 2007 après une enquête menée par Tracfin, la cellule anti blanchiment de Bercy, on sait qu'une partie de cet argent (au moins 16,5 millions d'euros) a également servi à " fluidifier les relations sociales", selon l'expression de Denis Gautier-Sauvagnac, alors président de l'UIMM, ainsi qu'à assurer "des complément de rémunération" en liquide à certains cadres de l'organisation patronale. Ce qui vaut actuellement à Denis Gautier Sauvagnac (surnommé DGS) et 8 autres membres de l'UIMM de se retrouver devant le tribunal correctionnel de Paris.

Certes, mais 16,5 millions d'euros sur 600 millions, c'est quasiment "une paille »" Ou est passé le reste de l'argent ? Explication

Des "réserves financières de 580 millions d'euros"

D'abord, très exactement, d'après la balance des comptes de l'Epim au 31 décembre 2006, le solde des fonds s'élevait à environ 301 millions d'euros. Mais, d'après DGS lui-même, cette somme placée sur divers produits financiers, atteignait in fine une valeur de marché d'environ… 600 millions d'euros !

Après la chute de DGS fin 2007, Frédéric Saint Geours (PSA) est élu président de l'UIMM. Il tient absolument à redorer le blason de la puissante fédération patronale. Ceci passe par une transparence des comptes (qui sont désormais expertisés) et par le nécessaire recyclage de l'argent de l'Epim. Pour ce faire, un groupe de travail interne est constitué. Et celui-ci remet son rapport le 25 septembre 2008.

Il estime alors que les "réserves financières" - petit nom pudique donné aux fonds de l'Epim - s'élèvent très exactement à 580 millions d'euros. L'UIMM décide des les " affecter à des projets d'avenir ".

Deux Fondations sont créées...

Six projet sont alors lancés. En premier lieu, il est institué une fondation destinée à renforcer les liens entre le monde de l'industrie et l'enseignement supérieur, notamment en finançant des chaires dans les universités et les écoles. La dotation initiale de cette fondation s'élève à 10 millions d'euros et nécessite un abondement de 2 millions par an pendant cinq ans. La seconde fondation a pour but d'œuvrer " pour la formation, la professionnalisation, l'insertion et l'emploi industriel ". Sa dotation initiale s'élève à 20 millions et elle bénéficie de 10 millions d'euros d'abondement durant cinq ans.

Nous en sommes donc, à ce stade, à un total de 90 millions d'euros affectés.

... un programme de communication est adopté, ainsi qu'un dispositif de capital développement...

A cela s'ajoute "un programme de communication" orienté vers des nouveaux publics pour "contribuer à changer l'image de l'industrie et améliorer l'attractivité de ses métiers et de ses filières". Un budget de 10 millions d'euros par an pendant 5 ans y est affecté. Nous atteignons donc maintenant 140 millions.

L'UIMM a aussi créé un dispositif de capital développement pour accompagner le développement des entreprises du secteur, notamment les TPI et les PMI. Une équipe de spécialistes est entièrement dédiée à cette mission. Le coût : un investissement initial de 50 millions et un financement de  la "task force " estimé à 1 million d'euros durant 5 ans.

Cette fois, le montant global atteint donc : 195 millions d'euros.

... Sans parler du think tank "la fabrique de l'industrie".

Vient ensuite, le " Dispositif de solidarité professionnelle à destination des adhérents ". Là, il s'agit d'apporter un appui ( conseils, prévention, aide financières, etc.) aux entreprises adhérentes devant faire face "à des difficultés ponctuelles ". Un budget de 5 millions d'euros lui est dédié durant cinq ans. On atteint donc le cap des 220 millions d'euros.

Enfin, " afin d'optimiser les moyens de la professions en modernisant les structures de l'UIMM ", un think tank est créé " pour fédérer les programmes de réflexion et d'influence de l'UIMM ". Ce think tank a un nom : "La Fabrique de l'Industrie", il est présidé par Louis Gallois. Il bénéficie d'un million d'euros par an durant cinq ans.

Le grand total s'élève donc à 230 millions d'euros.

Au total, l'UIMM a recyclé 230 millions d'euros

L'UIMM est donc une organisation très riche qui dispose encore au bas mot de 350 millions d'euros de réserves financières (sans doute plus avec de bons placements). Bien entendu, une partie de ces réserves va continuer à financer les programmes lancés. Mais il est intéressant de constater que pas une seule entreprise n'a demandé de récupérer ses billes après le scandale de 2007.