Lutte contre la fraude fiscale : les défaillances de l'administration pointées

Par Ivan Best  |   |  683  mots
Les admninitrations au sein de Bercy sont insuffisamment coordonnées, souligne la Cour des comptes (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2012. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)
La lutte contre la fraude fiscale souffre notamment d’une coordination défaillante entre administrations, souligne la Cour des comptes

C'est une tradition bien française : les administrations, plutôt que de se coordonner, se font concurrence. La cour des comptes fait ce constat à propos de la lutte contre la fraude fiscale internationale, dans un référé rendu public ce jeudi.

« Il est essentiel que les services du ministère des finances puissent utiliser les informations obtenues par d'autres services de l'État ou par des organismes de contrôle » relèvent, poliment, les magistrats. En effet, nombreuses sont les administrations à être en charge du dossier fraude fiscale, entre les services relevant du ministère de l'Intérieur (DCRI), Tracfin, et, bien sûr, la direction générale des finances publiques (DGFIP). Or, elles échangent peu d'information.

Le fisc ne demande pas d'informations à Tracfin....

« La recherche du renseignement doit s'appuyer plus fortement sur la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et sur la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Tracfin) », relève la Cour. « Des échanges d'informations entre la DCRI et la direction générale des finances publiques (DGFIP), ainsi que l'exercice d'un droit de communication fiscal à l'égard de la DCRI, permettraient de renforcer la lutte contre la fraude fiscale. S'agissant de Tracfin, la DGFIP a la possibilité légale de lui demander la transmission de renseignements, mais elle ne le fait pas ».

... ni aux douanes

Au sein même de l'administration fiscale, la coordination laisse à désirer. La direction nationale des enquêtes fiscales, qui dispose seule aujourd'hui du droit de réaliser les perquisitions fiscales, ne coopère pas assez avec les services en région.

La DGFIP et la direction générale des douanes et des droits indirects jouent trop souvent cavalier seul. Notamment s'agissant des échanges d'informations. « Une meilleure efficacité commanderait que les deux administrations optent pour des accès croisés plus systématiques et plus rapides à leurs données », relèvent les magistrats.

Des bases de données obsolètes

S'agissant de l'organisation propre à la DGFIP, « l'architecture des systèmes informatiques utilisés dans le cadre du contrôle fiscal continue de reposer sur des bases de données et des applications très nombreuses, anciennes, peu ergonomiques et souvent non interconnectées », souligne la Cour. « L'administration fiscale devrait recourir plus fréquemment aux techniques modernes d'exploitation de ces bases. » C'est ainsi que la Belgique a notamment su réduire fortement les fraudes à la TVA.

 Les banques mal contrôlées

Quant à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), chargée de contrôler un secteur évidemment sensible, s'agissant de fraude, à savoir les banques, la Cour des comptes souligne sa timidité. « Sa compétence couvre imparfaitement les filiales et succursales bancaires implantées hors de l'espace économique européen ». En outre, relèvent les magistrats, l'ACP pourrait faire beaucoup plus de déclarations de soupçons qu'elle n'en effectue actuellement. Elle les limite elle-même, en insistant d'abord sur « la procédure contradictoire du contrôle bancaire ».

 Le monopole du fisc pour les poursuites pénales

Enfin, la Cour des comptes touche du doigt un sujet toujours polémique, à savoir le monopole des poursuites pénales dont bénéficie le fisc. « Cette situation est aujourd'hui préjudiciable à l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale », écrivent les magistrats, qui abondent dans le sens du dernier rapport sur les paradis fiscaux d'Alain Bocquet et Nicolas Dupont Aignan . « En effet, malgré la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, les plaintes pour fraude fiscale demeurent peu nombreuses, mal ciblées et tardives ».

Il faudrait donc ouvrir « aux parquets le droit de poursuivre, sans dépôt de plainte préalable par l'administration fiscale, certaines fraudes complexes, afin de traiter un plus grand nombre de dossiers, d'intervenir plus rapidement et de mieux assurer le recouvrement des sommes dues. Cette possibilité nouvelle donnée aux parquets, qui complèterait utilement la possibilité de poursuivre les faits de blanchiment de fraude fiscale, serait de nature à améliorer significativement l'efficacité de l'action de l'État au prix de risques limités. »