Cadeaux aux entreprises : les députés PS s'en prennent au Crédit d'impôt recherche

Par Ivan Best  |   |  801  mots
Karine Berger, secrétaire nationale du PS à l'économie, veut redistribuer des avantages fiscaux aux PME
Les députés PS, qui estiment que le budget 2014 est trop favorable aux entreprises, veulent restreindre les effets d'aubaine liés au Crédit d'impôt recherche dont bénéficient les grands groupes. L’Élysée s'y oppose.

Les députés PS jugent tous, mezzo voce, que le projet de budget 2014 est trop favorable aux entreprises, au détriment des ménages, dont les impôts augmentent. Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, n'a-t-il pas admis, ce mardi, devant l'Assemblée nationale, que les entreprises bénéficieront de 11 milliards d'euros d'allègements fiscaux nets, en 2014?

Les députés ont donc trouvé une accroche correspondant à leur préoccupation, pour animer le débat budgétaire, cette semaine à l'Assemblée nationale. Puisque le Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) n'est guère modifiable, pour sa première année de montée en puissance, les élus ont décidé de s'en prendre, contre l'avis de Matignon et de l'Elysée, au Crédit d'impôt recherche (CIR).

Treize d'entre eux, emmenés notamment par la secrétaire nationale à l'économie du PS, Karine Berger, défendent l'idée de limiter les effets d'aubaine liés à cette niche fiscale, et ont déjà tenté d'amender le projet de budget en sens, la semaine dernière, au sein de la commission des Finances.

 Un crédit d'impôt de 30%, jusqu'à 100 millions d'euros

Aux sociétés, le CIR donne droit à une réduction d'impôt équivalente à 30% des dépenses de recherche et développement, dans la limite de 100 millions d'euros. Un taux de crédit d'impôt élevé, par rapport aux systèmes existant dans les autres pays, a relevé la Cour des comptes, dans un rapport récent, réalisé à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

 Quatre ou cinq grands groupes du CAC 40 profitent d'un effet d'aubaine

Mais les députés visent plutôt ce seuil de 100 millions. Certains grands groupes le dépassent allègrement, estime Karine Berger. Comment ? Au lieu de considérer ce plafond pour l'ensemble du groupe, ils le "répartissent" dans différentes filiales. Du coup, ils peuvent aller bien au-delà des 100 millions. « Quatre ou cinq grands groupes du CAC 40 » profitent de cet effet d'aubaine, a déclaré la députée, lors d'un colloque, refusant, secret fiscal oblige, de citer les noms de ces groupes, et la somme qu'ils tirent chacun du CIR.

Sanofi aurait droit à 140 millions au titre du CIR

Selon nos informations, le groupe Sanofi aurait ainsi droit à 140 millions d'euros par an de ristourne sur son imposition des bénéfices, au titre du CIR. « 400 à 500 millions » pourraient être économisés sur le CIR, en imposant que le plafond légal de 100 millions d'euros soit apprécié seulement au niveau des groupes, estime Karine Berger.

Une somme non négligeable au regard du coût du CIR : 5,4 milliards d'euros en 2014, plus de 7 milliards en 2015. Le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Bruno Le Roux, soutient cette démarche. Celle-ci s'appuierait, aux dires des élus PS, sur les évaluations de la Cour des comptes montrant que, si les PME et entreprises de taille intermédiaire ont accru leurs dépenses de recherche grâce au CIR, ce n'est pas le cas des groupes. Ceux-ci encaisseraient le crédit d'impôt, sans investir un euro de plus dans la recherche. Un pur effet d'aubaine.  Des grands groupes qui au total s'accapareraient 70% du montant global du CIR. "Pour eux, c'est simplement une aide destinée à renforcer leur bénéfice après impôt" estime Philippe Pouletty, co-fondateur de Truffle Capital, président d'honneur de France BIo Tech. "lls font du chantage à la délocalisation des centres de recherche, et obtiennent ainsi le maintien de ce régime très favorable"...

 La Cour des comptes prudente

En réalité, la Cour des comptes se montre assez prudente sur le sujet. Certes, elle souligne que ce sont les PME qui ont le plus augmenté leurs dépenses de recherche, de 26% entre 2008 et 2010, contribuant pour plus des deux tiers à la croissance de ces dépenses. Les entreprises de taille intermédiaire font un peu moins bien. Et les grands groupes beaucoup moins.

Au total, le ratio dépenses de recherche des entreprises/PIB est resté stable ces dernières années -autour de 1,4% du PIB-.Mais dit-elle, il convient de prendre en compte le recul du poids de l'industrie dans l'économie française, une industrie où les grands groupes sont sur-représentés.

Financer une baisse d'impôt au profit des PME

L'objectif de Karine Berger n'est pas de faire des économies mais de retirer quelques centaines de millions d'euros à ces groupes, afin de financer une baisse de l'impôt sur les sociétés qui frappe les PME.

Les petits contre les gros, le débat, même s'il est technique, peut faire florès dans l'opinion… Mais François Hollande a promis une stabilité du CIR. Et il n'entend pas céder de sitôt.