Comment François Hollande peut-il rebondir ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  2045  mots
François Hollande obligé de réagir alors que les couacs et autres difficultés s'accumulent
Bourdes, couacs et reculades s'accumulent pour François Hollande. A tel point que toute la politique en faveur de la restauration de la compétitivité française passe totalement inaperçue. Au président d'agir. Un remaniement est en vue... Mais peut-être pas immédiatement.

Quand ça veut pas… ça veut pas. En cet automne 2013, le moteur gouvernemental est complètement encalminé. Des embarras sociétaux, avec "affaire Leonarda", aux batailles fiscales, en dernier lieu l'ecotaxe, le président et son premier ministre donnent l'impression de naviguer -ou plutôt de flotter - à la petite semaine. Les volte-face s'accumulent, d'autant plus que, selon la formule triviale de Jacques Chirac " Les emmerdes, c'est bien connu, ça vole toujours en escadrille".

Et les emm… François Hollande les collectionnent  alors que les élections municipales puis européennes du printemps prochain s'annoncent critiques pour la majorité en place. Alors le président peut-il encore se sortir de cette nasse ?

Une accumulation de couacs et de maladresses

Pour espérer y parvenir, il doit absolument, dans un premier temps, resserrer les boulons au sein de son gouvernement. Sur de trop nombreux sujets, on a assisté à une bien curieuse valse : deux pas en avant, puis un pas en arrière ou de côté.

Il en va ainsi pour la fiscalité des plus-values de cession avec le mouvement des "pigeons" ; du projet de modulation des allocations familiales, finalement remplacé par une baisse du plafond du quotient familial, de la taxe sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) abandonnée ; de la décision de supprimer la niche fiscale pour les frais de scolarité, soit 440 millions d'euros de recettes, non suivie d'effet ; du revirement de dernière minute sur la fiscalité de l'épargne (en dehors de certains contras d'assurance-vie) non soumise à impôt  ; et, enfin, de la "suspension" de l'écotaxe poids lourds décidée le 29 octobre par le Premier ministre pour calmer les esprits en Bretagne. N'en jetez plus !

"La suppression de l'écotaxe aurait pu poser un vrai problème politique avec EELV"

Sur tous ces dossiers, les ministres concernés, notamment ceux installés à Bercy, ont commencé par expliquer le bien fondé de la mesure… avant de se rétracter.

" Nous avons une immense responsabilité dans ces couacs, reconnaît un important ministre. Il faut travailler les dossiers, peser le pour et le contre, consulter, et après seulement communiquer. Sinon ça donne vraiment l'impression d'une politique de gribouille " ajoute-t-il.

En revanche, le même refuse l'amalgame avec l'affaire de l'ecotaxe

"Là, nous avons décidé de suspendre, et non de supprimer l'ecotaxe, car la suppression aurait pu poser un vrai problème politique avec nos partenaires d'Europe Ecologie-Les Verts dans la majorité. Sur le fond, j'en veux beaucoup à l'ancienne majorité, et notamment à Jean-Louis Borloo, ancien ministre de l'environnement, car c'est elle qui a fait voter l'ecotaxe à la suite du Grenelle de l'environnement. Et c'est nous qui devons assumer son application prévue pour 2013.

Or, qui est capable d'expliquer le bien fondé et la finalité de cette taxe ? Je n'ai entendu personne. Il faut donc suspendre pour calmer les esprits et reprendre la concertation. C'est ce que Jean-Marc Ayrault a décidé. Et le ministre de l'Agriculture, Stephane Le Foll, a bien fait, la veille, de préciser qu'il n'y aurait pas de suppression de l'écotaxe , puisque c'est bien le cas. Sur ce dossier précis, il n'y pas eu de cacophonie".

 

Dont acte…On verra la suite. Il n'en reste pas moins que la grogne généralisée est là et qu'une majorité de Français ont l'impression de vivre sur un bateau ivre, sans gouvernail. Pourquoi? Les raisons sont multiples. Beaucoup d'espoirs avaient été mis dans l'élection de François Hollande. Notamment parmi les plus déshérites, sensibles aux propos de justes partages des efforts nécessaires et que seuls "les riches paieront".

La maladresse de la pause fiscale

Or, il s'avère que la pression fiscale (toutes taxes confondues, au-delà du seul impôt sur le revenu qui ne touche qu'à peine plus de 50% des ménages) est loin de concerner les 10% les plus riches. Il y a aussi, depuis, les maladresse sde langage du président, parlant de "pause fiscale" dès 2014. Ce qui n'est pas, c'est le moins que l'on puisse dire, réellement ressenti.

Il y a aussi cet effet balancier... très rapide. Alors que les premiers mois le gouvernement semblait vouloir mettre à contribution les revenus des dividendes et taxer les plus-values des "riches" (d'où la crise avec les "pigeons"), très vite le discours a changé, le gouvernement Ayrault déclarant sa flamme aux entrepreneurs, et, du même coup, sollicitait les ménages.

Résultat, tout le monde a in fine l'impression d'être mal traité. C'est un précipité de tous ces ingrédients qui ont fait naitre la révolte bretonne. Lors  des manifestations, sous le même petit chapeau rouge, se retrouvaient cote à cote le salarié, l'agriculteur, l'indépendant, le chef d'entreprise... Bref, ces zig zag gouvernementaux  entrainent une défiance envers la parole politique.

Lire aussi: "En 2014  l'impôt sur le revenu augmentera pour la quatrième année"

 

L'action réelle du gouvernent sur la compétitivité reste invisible

En deuxième lieu, il apparait incompréhensible que ce gouvernement ne parvienne pas à mettre en valeur son action pour le redressement de la compétitivité française. Et pourtant, ce n'est certes pas très grand public, mais il y a de réelles actions en cours. Il en est ainsi de la création de la Banque publique d'investissements (BPI) un bel outil au service des entreprises. Des 2,7 milliards d'euros affectés chaque année au soutien à l'entrepreneuriat. Et aussi le fameux Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) qui permet aux entreprises un allègement de 20 milliards de cotisations sociales, via l'impôt sur les sociétés.

Il y a aussi toutes ces autres mesures issues du rapport de Louis Gallois, commissaire à l'investissement, qui montent en puissance. A cet égard, le 4 novembre, Jean-Marc Ayrault va présenter un nouveau plan pour la compétitivité française, concocté par Fleur Pellerin, la ministre des PME et de l'Innovation. Et que dire encore de la réflexion sur les 34 filières d'avenir lancée par Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif.

On ne peut pas reprocher à Arnaud Montebourg de ne pas faire " le job "

Certes, la personnalité d'Arnaud Montebourg - tout de même, moins démonstratif qu'au début du quinquennat- en agace plus d'un. Mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas faire " le job ". En dernier lieu, il est parvenu a reprendre langue avec Maurice Taylor, le très caractériel PDG du groupe américain de pneumatiques Titan, qui s'est déclaré de nouveau intéressé par une reprise partielle du site Goodyear Amiens-Nord… Même si cela n'évitera pas une certaine casse sociale.

Le gouvernement travaille donc. Même l'institut COE-Rexecode, pourtant pas réputé proche la majorité actuelle, le reconnaît. Dans sa dernière étude sur la compétitivité, l'institut remarque que les parts de marché de la France dans la zone euro ne reculent plus depuis 2011, stabilisées à 12,8%.

Une éventuelle baisse du chômage sera contestée

Mais tout ceci paraît encore trop abstrait. Surtout quand le chômage ne baisse pas. Il reste trois mois au gouvernement et à François Hollande pour tenir leur objectif de "stabiliser puis d'inverser la courbe du chômage". Et encore, même si ,grâce à une bonne gestion des contrats aidés - et il n'est pas honteux de recourir à de telles mesures contracycliques en période de croissance molle et de fort chômage - le nombre des demandeurs d'emploi amorce une décrue, il n'est pas du tout certain que l'image de la majorité en profite. La défiance est telle, que l'on criera encore à la manipulation et à l'esbroufe !

"Nous payons là trois ans de hausse continue de la pression fiscale, qui rappelons le, a commencé avec le précédent gouvernement", explique ce même ministre.

De fait, ce sont 33 milliards de nouveaux prélèvements qui ont été décidés depuis 2011. C'est lourd et minant. Mais, là aussi, le gouvernement pêche dans ses explications. Il donne l'impression de se concentrer sur les nouvelles recettes, sans tailler dans les dépenses.

Le sentiment que les recettes prédominent sur la coupe dans les dépenses

Pourtant, dans le cadre de la Modernisation de l'action publique (MAP), des milliards d'euros sont économisés, via la baisse des dotations accordées aux collectivités locales, les économies imposées à la Sécurité sociale, les coupes budgétaires dans l'armée, etc.

Mais quand " ça veut pas… ça veut pas". Et les Français continuent d'avoir un sentiment de gabegie devant le "mille feuilles" administratif français. Avec cet éternel débat sur la nécessité de supprimer au moins un échelon, le département en l'occurrence. Pourtant, ce n'est pas si simple. Ainsi, en Alsace, lors d'un referendum organisé en avril 2013, les Alsaciens ont répondu «"non " à la fusion entre les conseils généraux du Haut et Bas Rhin… Des économies, oui,… mais pour les autres. A cet égard, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a lancé une réflexion sur la baisse du nombre des députés, actuellement 577.

 

Vers une dissolution ou un remaniement?

Alors... un changement de politique ? C'est hors propos pour l'Elysée. La France doit, sur injonction européenne, avoir réduit son déficit à 3% du PIB d'ici 2 ans. Donc pas question de "largesses" d'ici là. Surtout quand la France continue d'emprunter à des taux très intéressants sur le marché obligataire... Tout juste une inflexion légère en cas de retour d'une croissance suffisante.

Une dissolution ? Certains en rêvent mais le président n'y songe pas à ce stade. L'exemple Chirac/Juppé de 1997 incite en effet à la prudence. Il y a quelques similitudes (et des différences) entre cette époque et 2013. Elu en 1995 sur le thème de la "fracture sociale", le nouveau président Jacques Chirac avait suscité de grands espoirs. Mais quelques mois après avoir été élu, voulant qualifier la France pour l'Euro, il a amorcé un virage à 180°. Son Premier ministre Alain Juppé privilégia alors une politique de rigueur, annonçant une réforme drastique des retraites et de la protection sociale.

On sait ce qu'il advint, avec les grandes manifestations de novembre/décembre 1995 et un taux d'impopularité record pour Alain Juppé…Puis la révolte dans les urnes en 1997 qui conduisit à l'arrivée des socialistes au pouvoir pour une nouvelle cohabitation. François Hollande et Jean-Marc Ayrault, au plus bas dans les sondages, ne vont certainement pas rééditer cette erreur de Jacques Chirac. Et ce, même si les Verts quittaient l'équipe gouvernementale.

De toute façon, à lui tout seul, le PS détient encore une courte majorité à l'Assemblée. Il faudrait vraiment des circonstance exceptionnelles - révolte populaire généralisée associant des catégories socioprofessionnelles très diverses (comme en Bretagne ) - pour que l'Exécutif se résigne à en arriver là.

Pierre Moscovici première victime? Et Michel Sapin à Bercy?

Un remaniement gouvernemental ? Il est de toute façon prévu, avant ou après les municipales.

"C'est une arme à utiliser au bon moment, explique notre ministre. Et certainement pas sous la pression des évènements. Le président, décidera à froid de l'ampleur et du moment de ce remaniement ".

C'est notamment le pôle de Bercy qui devrait subir quelques changements. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, souffre d'un déficit d'autorité et a commis une "gaffe" en évoquant les " ras-le-bol-fiscal". Il devrait être la première victime de ce remaniement. Et, de nouveau, le nom de Michel Sapin, l'actuel ministre du Travail, circule pour lui succéder.

Quid de Jean-Marc Ayrault ? Au sein du PS, certains élus plaident  pour l'arrivée à Matignon d'une personnalité plus forte, du style Martine Aubry, Laurent Fabius, Manuel Valls ou Claude Bartolone. Il n'est pas acquis que François Hollande souhaite cohabiter avec ces " caractères".

Reste, enfin, à François Hollande à forcer sa nature en tapant du poing sur la table au sein de son équipe. Il lui faut aussi adresser un message fort au pays sur le cap suivi… En attendant une confirmation du retour de la croissance mondiale.... Mais quand "ca veut pas... ca veut pas".