Travail du dimanche : les bricoleurs ont gagné !

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  929  mots
A la suite du rapport Bailly, les enseignes de bricolage vont ouvrir le dimanche
A la suite de la remise du rapport de Jean-Paul Bailly sur le travail du dimanche, le Premier ministre a tout de suite annoncé que les enseignes de bricolage pourront ouvrir le dimanche en attendant une loi en préparation en 2014. Globalement, ce rapport suggère de nouvelles souplesses pour l'ouverture du dimanche mais avec davantage de garanties pour les salariés.

Les syndicats de salariés ne sont pas totalement satisfaits,  les organisations patronales espéraient mieux ... mais les bricoleurs sont ravis car ils vont pouvoir faire leurs achats le dimanche! Décidément le dossier du travail dominical a l'art de susciter des controverses. Et, bien entendu, le rapport sur cette question remis ce lundi 2 décembre par l'ex-patron de La Poste, Jean-Paul Bailly, au Premier ministre n'échappe pas à la polémique.

Et ce n'est certainement pas fini car, dans la foulée de la réception du rapport - intitulé « Vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs ! - Jean- Marc Ayrault a annoncé une loi courant 2014 « pour clarifier les règles ». Il était temps, tant la situation actuelle tient de l'imbroglio comme le prouvait la situation dans le secteur du bricolage.

La spécificité du dimanche doit être préservée...

Tout d'abord, le rapport de Jean-Paul Bailly pose comme principe que

" la spécificité du dimanche doit être respectée et de fait l'activité du dimanche doit continuer de faire l'objet de régulations et de dérogations ". De quoi satisfaire les syndicats de salariés.

Mais aussitôt le rapport ajoute que la situation actuelle "se caractérise par l'incohérence, l'instabilité des pratiques et des normes ". Ce qui est exact, notamment en matière de droits des salariés. Ainsi, dans la législation actuelle, les salariés qui travaillent dans de "périmètres d'usage de consommation exceptionnels" (Puce) doivent bénéficier d'un accord salarial prévoyant un bonus pour les heures effectuées le dimanche.

Il est aussi précisé que le travail dominical doit être basé sur le volontariat. En revanche, les salariés travaillant le dimanche dans une zone touristique ne bénéficient d'aucune garantie!

... mais s'adapter au nouvelles attentes des consommateurs et au développement du tourisme

Jean-Paul Bailly constate aussi que de "nouvelles attentes" émergent de la part des consommateurs et de certains salariés volontaires pour travailler le dimanche, notamment les étudiants qui ont besoin de payer leurs études. De même, les enjeux économiques, notamment avec le développement du tourisme international (et la concurrence de villes comme Londres, Barcelone ou Berlin) plaident pour une évolution des règles.

12 dimanches travaillés au lieu de 5

Le rapport de Jean-Paul Bailly suggère donc, différentes pistes. D'abord ne plus toucher à la liste des secteurs qui bénéficient d'une dérogation permanente s'agissant du travail du dimanche (commerces alimentaires, notamment). Donc aucune extension en vue.

Ensuite, il propose de remonter de 5 à 12 jours le nombre des dimanches où les enseignes pourraient ouvrir. Sur ce total, sept dimanches seraient au choix du maire. Les 5 autres constitueraient une sorte de "droit de tirage" pour les commerces. En d'autres termes, ils seront entièrement libres d'ouvrir cinq dimanches de leur choix dans l'année, sans autorisation municipale.

Des PACT et des PACC

Par ailleurs, soucieux de différencier les territoires, Jean-Paul Bailly plaide pour la création de "périmètres d'animation concertés commerciaux (PACC), en remplacement, des actuelles Puce, ou touristiques (PACT) en remplacement des zones touristiques. La création et le périmètre de ces  PACC  et PACT devront être définis par les acteurs économiques (patronat, chambres de commerce et de métiers, syndicats) et les élus locaux, voire le préfet de région.

Tout salarié travaillant dans ces PACC ou PACT  devra bénéficier de règles de compensation au travail du dimanche. Surtout, le volontariat doit rester la clé de voute du dispositif. Il reposerait sur une déclaration positive et temporaire du salarié (avec un droit de rétractation). Un accord collectif d'entreprise devra notamment  prévoir le niveau de la compensation salariale (jusqu'au doublement de la rémunération) et le repos compensateur. A défaut d'accord, l'employeur pourra appliquer des règles unilatéralement décidées, mais elle devront être acceptées par les salariés par voie d'un référendum.

Le secteur du bricolage autorisé temporairement à ouvrir tous les dimanches

Une fois ces nouvelles règles applicables - ce sera l'objet du projet de loi annoncé par Jean-Marc Ayrault pour 2014 -, le 1er juillet 2015 au plus tard, le secteur de l'ameublement sera sorti de la liste des commerces dérogatoires permanents et devra se soumettre aux règles des PACC.

De même, grande victoire pour les enseignes du bricolage, Jean-Marc Ayrault a déjà annoncé qu'il reprenait immédiatement une des préconisations du rapport Bailly:: pour mettre fin aux situations conflictuelles : le secteur du bricolage sera "provisoirement inscrit,  jusqu'au 1er juillet 2015, dans la liste des dérogatoires". Une décision immédiatement saluée par l'association "Les bricoleurs du dimanche" ainsi que par le PDG de Bricorama qui voit là "la fin d'une injustice" Le Conseil du commerce de France (patronat), lui, juge encore les propositions trop "frileuses" et dénonce une certaine complexité.

 

A l'inverse, la CGT et, dans une moindre mesure la CFTC, regrettent  une certaine banalisation du travail du dimanche. Les syndicats se montrent notamment très sceptiques sur la notion de volontariat.

En tout état de cause, avec les préconisations du rapport Bailly et l'annonce d'une nouvelle loi, Jean-Marc Ayrault peut souffler (un peu). L'affaire a été rondement menée en quelques mois, depuis la fonde des enseignes Castorama et Leroy Merlin. Le Premier ministre peut se dire qu'il va avoir un peu la paix sur cette question pour quelques temps. Méfiance cependant, le dossier du travail du dimanche n'est jamais fermé!