La Banque de France démonétise le bitcoin

Par Adeline Raynal  |   |  722  mots
La quantité de bitcoins est limitée à 21 millions par le programme informatique qui la régit, ce qui induit des fluctuations dans le rythme de création monétaire au cours du temps.
La Banque de France fustige le "risque financier certain" que représente le Bitcoin dans une note publiée jeudi 5 décembre et met sérieusement en garde contre l'utilisation des monnaies virtuelles en général.

La Banque de France voit le bitcoin d'un mauvais œil. Dans une note publiée ce 5 décembre, elle met en garde contre "les dangers liés au développement des monnaies virtuelles", prenant l'exemple de cette monnaie lancée en 2009 sur la toile.

Il n'est pas étonnant que l'institution s'inquiète de ces nouvelles valeurs d'échange: elles échappent totalement à sa supervision et commencent à être acceptées par des commerçants de l'économie réelle, en dénote cet affichage sur la devanture d'un restaurant californien:

 

"Les annonces récentes d'acceptation de ces monnaies virtuelles par des commerçants de la sphère réelle et la mise en place de services permettant leur convertibilité contre les monnaies ayant cours légal nécessitent que les utilisateurs soient pleinement informés des dangers induits par le développement de ces monnaies non régulées" commence par écrire la Banque de France en préambule de son focus n°10.

Le bitcoin a une valeur extrêmement volatile

L'institution identifie plusieurs types de risques. D'une part, elle fait remarquer le caractère "hautement spéculatif" du bitcoin. Sa valeur est effectivement très volatile. La quantité de bitcoins est en effet limitée à 21 millions par le programme informatique qui la régit, ce qui induit des fluctuations dans le rythme de création monétaire. Le bitcoin a dépassé fin novembre la barre des 1.000 dollars pour la première fois, contre environ 200 dollars un mois auparavant.

Ce graphique illustre cette flambée depuis le début de l'année

Un risque juridique et financier

D'autre part, elle souligne le « risque financier » que prennent les acteurs qui en détiennent. La Banque de France rappelle qu'il n'y a aucune garantie de prix ni de liquidité lors de l'échange de devises ayant cours légal avec des bitcoins. Elle souligne même un « risque juridique important lié à son statut de monnaie non régulée ».

Surtout, la conversion de Bitcoin en une monnaie ayant un cours légal doit s'analyser comme un service de paiement, insiste la Banque de France, ce qui implique pour les plates-formes servant à ces opérations la nécessité d'obtenir un agrément de prestataire auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, requis pour effectuer de tels services.

Enfin, la Banque de France émet une critique déjà maintes fois évoquée au sujet du bitcoin : cette monnaie serait utilisée pour des activités illicites :

« L'anonymat des transferts de bitcoin constitue avant tout un risque d'utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles (vente sur internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme », considère l'institution.

Au final, elle freine des quatre fers face à l'engouement que les monnaies virtuelles ont suscité en 2014, jugeant que « l'opportunité de développer l'utilisation des monnaies virtuelles en tant qu'alternative à la monnaie légale et à ses moyens de paiement scripturaux est très limitée et fait face à des risques substantiels qui devraient en limiter significativement l'utilisation ».

Des critiques qui arrivent un peu tard

Toutefois, il n'est pas certain que ces critiques suffisent à enrayer l'ascension fulgurante du bitcoin. Les monnaies virtuelles n'entrent pas dans le champ d'exercice de la supervision et de la surveillance des autorités compétentes en matière de paiement, comme le reconnait l'institution de régulation dans sa note.

« Les États ne peuvent plus contrôler cette monnaie et les banques la voient d'un mauvais œil car elle leur fait de la concurrence, mais le bitcoin a pris une telle ampleur qu'il n'est désormais plus possible de passer à côté » jugeait ainsi au début du mois de novembre le chercheur en finance Philippe Herlin dans une interview accordée à La Tribune.

A l'étranger, l'Allemagne a reconnu officiellement le bitcoin au mois d'août, espérant prélever des taxes sur ces transactions. Les autorités américaines ne refusent plus le bitcoin non plus. Le département de la Justice américain l'a qualifié de « légitime » et mi-novembre, le président sortant de la banque centrale américaine, Ben Bernanke, jugeait même que cette monnaie « a du potentiel ». Un potentiel déjà « flairé » par Google et eBay.

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