L’auto-entrepreneur va-t-il disparaître ?

Par Fabien Piliu  |   |  1402  mots
Laurent Grandguillaume, le député de la Cote d'Or veut simplifier et clarifier l'entrepreneuriat individuel
Le rapport remis ce mardi par Laurent Grandguillaume, le député de la Côte d’Or propose la création d’un statut juridique unique d’entreprise individuelle. L’objectif est de clarifier l’écosystème entrepreneurial et de favoriser le développement des entreprises individuelles.

Les entrepreneurs individuels et les auto-entrepreneurs en sauront bientôt plus sur leur avenir. Ce mardi, Laurent Grandguillaume, le député PS de la Côte d'Or, remet son rapport sur l'entreprise individuelle à Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat et du Commerce.

Pourquoi lui ? Proche de François Hollande, le jeune député socialiste - il a moins de quarante ans - est l'un des fondateurs du groupe de réflexion "Entreprendre à gauche" composé d'une dizaine de députés PS, dont notamment Thierry Mandon, Alain Fauré, et Sophie Errante. A l'image de Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, ce groupe tente de rapprocher le Parlement avec les entreprises pour accélérer la sortie de crise de l'économie française.

Commandé par Matignon à la fin de l'été, rédigé après une série de réunions hebdomadaires avec les principaux acteurs concernés, ce rapport a pour objectif de faire le point sur l'entrepreneuriat individuel et d'apaiser les craintes des auto-entrepreneurs, et en particulier du mouvement des Poussins, déstabilisés par les mesures contenues dans le projet de loi de Sylvia Pinel dévoilé en août.

Les sujets qui fâchent : limitation dans le temps et de plafonnement du chiffre d'affaires

Le texte initial prévoyait de limiter les seuils de chiffre d'affaires pour contraindre les auto-entreprises les plus actives à changer de statut, à devenir de « véritables » entreprises. La ministre a ensuite revu sa copie et indiqué que les seuils de chiffres d'affaires seront fixés par décret pour chaque catégorie d'activité, après l'adoption de la loi dont le vote est attendu en début d'année.

Le titre de ce rapport est évocateur : « Entreprises et entrepreneurs individuels, passer du parcours du combattant au parcours de croissance ». Il contient au total 27 mesures, toutes dictées par le même souci de simplifier et de clarifier les dispositifs actuels afin de permettre aux entreprises individuelles de grandir plus sereinement, quand elles en ont la possibilité.

Les principales étaient connues depuis la présentation du rapport d'étape le 14 novembre, notamment la création d'un statut juridique unique d'entreprise individuelle, dotée de la personnalité juridique et disposant de son patrimoine propre. Le député suggère également de rendre applicable pour ce nouveau statut juridique d'entreprise individuelle les dispositions du code de commerce, en excluant celles qui découlent de l'existence d'associés et en adaptant les autres, le cas échéant, aux risques liés aux différents volumes d'activité.

Un formalisme gradué

Le député recommande aussi d'adapter le formalisme attaché à l'entreprise individuelle à l'importance de son activité et de prévoir l'insaisissabilité par défaut de l'habitation principale pour tout entrepreneur individuel.

Pour simplifier le dispositif actuel de prélèvements fiscaux et sociaux, le rapport propose de réduire à deux le nombre de régimes fiscaux et sociaux : un régime simplifié, forfaitaire, et un régime réel.

Simplifier, simplifier, simplifier

Dans le cas du régime au forfait, ou simplifié, qui rassemblerait les personnes actuellement au micro-fiscal et les auto-entrepreneurs, le rapport propose de retenir le revenu calculé par abattement sur le chiffre d'affaires comme assiette des cotisations sociales des entrepreneurs individuels.

« Cette évolution présenterait plusieurs avantages : unification des taux d'abattement, quelle que soit l'activité, ce qui améliore l'équité entre les différentes catégories d'activité. Ce taux pourrait être fixé à celui actuellement en vigueur pour les BNC, à savoir 34 % ; unicité des déclarations dans le cas de multi-activité comme la prestation de service avec une partie d'achat/vente ; acculturation des entrepreneurs aux rudiments de la comptabilité, rendant plus facile l'évolution vers le régime réel le jour venu », précise le rapport.

Quant aux taux de cotisations sociales, ils seraient les mêmes que pour le régime réel, comme c'est le cas pour les micro-entreprises aujourd'hui.

Rationaliser les organismes sociaux de recouvrement

Dans le cas du régime réel, qui correspond globalement au régime existant pour les entrepreneurs individuels gérants majoritaires de sociétés, il est préconisé de créer un impôt sur les entreprises (IE) équivalent de l'impôt sur les sociétés, applicable aux bénéfices de l'entreprise individuelle, de lancer la réflexion de la rationalisation des organismes sociaux de recouvrement et de simplifier les cotisations sociales en régime réel en début d'activité en permettant une déclaration trimestrielle. En clair, ce n'est plus le chiffre d'affaires qui serait plus imposé puisque les équipements pourraient être amortis et les charges déduites.

Pas de limitation dans le temps

Afin de permettre aux entreprises de grandir, ce qui rend caduque la limitation dans le temps de l'auto-entreprise, mais qui ne remet pas en question la question du plafonnement du chiffre d'affaires, deux mesures souhaitées initialement par la ministre, Laurent Grandguillaume mise sur la mise en place d'incitations fiscales.

Il compte aussi sur l'accompagnement tout au long de leur parcours, via la création dans chaque région d'une politique en faveur de l'entrepreneuriat, en lien avec l'ensemble des acteurs de l'accompagnement. Il plaide aussi pour la création d'un stage préparatoire à l'installation (SPI) pour les activités artisanales modernisé et personnalisable. Actuellement, ce stage est obligatoire pour toute personne sollicitant une immatriculation auprès d'une Chambre des métiers et de l'artisanat dans le cadre d'un projet de création ou de reprise d'entreprise.

Mais les auto-entrepreneurs en sont aujourd'hui dispensés. Il suggère aussi de détecter et de prospecter les entrepreneurs au régime simplifié dont le niveau d'activité les rapproche du régime réel pour leur proposer un accompagnement personnalisé.

Un rapport bien accueilli

Le député ayant souhaité recueillir les points de vue de l'ensemble des acteurs, ce rapport surprend assez peu. Il a même été plutôt bien accueilli.

"Après plusieurs mois d'incertitudes, les plus de 950.000 auto-entrepreneurs en activité devraient pourvoir enfin respirer. Dans l'ensemble, le rapport ne remet pas en cause le régime et ses valeurs mais il exprime également la nécessité de l'inscrire dans la durée et de ne pas en modifier les seuils actuels. En outre, faire de la simplification une vertu cardinale est une excellente initiative. Mais il faut rester vigilant sur les suites qui seront données à ce rapport ", estime François Hurel, le président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE).

Pour Thibault Lanxade, président du pôle Entrepreneuriat et croissance du Medef,

" Il préserve les acquis de l'auto-entrepreneuriat en proposant des solutions réalistes aux difficultés pratiques qu'il a soulevées. Espérons que le projet de loi mettra à profit ce travail de qualité ".

 

Qu'en pensent les artisans ? Pour Alain Griset, le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA),

" Unifier les statuts est une nécessité. Nous approuvons donc la première partie de ce rapport. En revanche, dans le domaine fiscal et social, rien n'indique que l'équité soit respectée. Nous serons très vigilants sur ce point ".

Du côté des indépendants, le sentiment est également mitigé comme l'explique Jean-Guilhem Darré, le délégué général du Syndicat des indépendants (SDI).

" Il faut saluer le message d'égalité et d'équité adressé à l'ensemble des entrepreneurs individuels au travers de mesures de simplifications et de soutiens à la création et au développement des TPE. Il n'est ainsi plus question d'auto-entrepreneurs, d'artisans, de commerçants ou de professionnels libéraux, mais d'entreprises individuelles placées sur un plan d'égalité fiscale et sociale, fondé sur un principe fondamental : pas de droits sans devoirs. Je regrette toutefois que les problématiques d'accès au financement ainsi que les dysfonctionnements du RSI qui pénalisent aujourd'hui gravement la pérennité et le développement des TPE n'aient pu faire l'objet d'un traitement approfondi dans le cadre de cette mission ".

Bercy doit maintenant trancher

Une question reste encore en suspens. Quel sera l'accueil que lui réservera la ministre ? Ce rapport peut-il rejoindre l'armoire qui contient déjà celui publié en avril par  l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) sur le sujet ? La balle est désormais dans le camp de Bercy.__

Lire ci-dessous l'intégralité du rapport de _Laurent Grandguillaume____

 

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