La gauche redécouvre les vertus de l'entreprise

Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, mais aussi plusieurs députés socialistes ont pris l'initiative de faire du Palais Bourbon un lieu d'échanges sur le thème de l'entreprise. Leur idée force : démontrer après l'affaire des Pigeons que la gauche et l'entreprise ne sont pas incompatibles.
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Du coin des lèvres et sous les ors de la République, la majorité commence à l'admettre : l'entreprise, son fonctionnement, ses problématiques, sa capacité à créer de la valeur étaient un peu sortis de son esprit. Et si la révolte des Pigeons, jugée outrancière par le gouvernement et les parlementaires de la majorité, avait finalement réveillé certaines consciences au sein d'une partie de la gauche ?

Un petit retour en arrière s'impose. En octobre, quelques chefs d'entreprises auto-baptisés Pigeons se révoltent contre l'article 6 du projet de loi de finances 2013 qui prévoit l'intégration obligatoire dans le revenu imposable des plus-values de cessions d'entreprises. Les Pigeons ont obtenu en partie gain de cause.

Tirer les enseignements de l'affaire des Pigeons

Pourquoi le gouvernement a-t-il reculé ? Parce que les arguments des Pigeons étaient justes ? Le gouvernement l'a admis implicitement en battant rapidement en retraite sur une partie du texte initial. Cette reculade trouve aussi son origine dans le mouvement de sympathie entrepreneuriale qui a accompagné les Pigeons.

Certains chefs d'entreprises mécontents se sont même engouffrés dans la brèche pour tenter de faire plier l'exécutif. Avec plus ou moins de succès, des « moutons » et des « moineaux » ont ainsi fait l'actualité cet automne. Mais il n'y a pas que les chefs d'entreprises qui ont soutenu les Pigeons. Alors que le nombre de demandeurs d'emplois ne cesse de grimper, de nombreux Français ont vu d'un mauvais ?il toute mesure susceptible de fragiliser les entreprises.

Y-a-t-il eu une erreur de casting?

Comme si les Français, dont une majorité des électeurs avait voté pour François Hollande en mai, ne reconnaissait pas au chef de l'Etat et à son gouvernement la capacité de redresser l'économie ! Comme s'il y avait eu une erreur de casting ! Comme si la gauche pouvait rendre la société française plus juste tout en étant incompétente à réformer l'économie !

Ce procès d'intention était-il justifié ou apparaissait-il trop facile ? La droite était-elle vraiment la seule compétente en ce domaine ? Les think tank classés à gauche (Terra Nova, la Fondation Jean Jaurès, La fabrique de l'industrie, le Laboratoire des idées...) étaient-ils à court de suggestions pour créer de la richesse ? Certes non.

Néanmoins, Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, admet les errements récents d'une partie de la majorité. « Pendant trop longtemps, les hommes et les femmes de gauche au pouvoir ont concentré leurs efforts sur le service de l'Etat, délaissant de facto l'entreprise », a-t-il affirmé cette semaine lors d'un diner de la présidence auquel participaient des députés, des chefs d'entreprises et l'économiste américain Dan Breznitz, professeur au Georgia Tech Institut et au MIT, spécialiste de l'innovation.

Des phrases hors contexte

En outre, rappelant quelques exemples de citations, repris selon lui hors contexte dans les médias et relayés par l'opposition - le « je n'aime pas les riches » de François Hollande en 2007 » ou la taxation à 75% des revenus -, Claude Bartolone a déploré la mauvaise image de la gauche dans le domaine économique. Comme si le rocardisme des années 1970 qui, au nom du pragmatisme, plaidait pour une adaptation des idées de gauche à l'économie de marché, n'avait pas eu d'héritiers au sein de la majorité ces dernières années.

« Il faut que la gauche adopte un nouveau discours, plus offensif. Il faut cesser de ressasser la gloire passée de notre industrie. Cette situation est désormais intenable. Nous devons changer car le monde bouge et la France doit évoluer au même rythme », a-t-il plaidé.

Un nouveau club au sein de l'Assemblée nationale

Mettant ses idées en pratique, Claude Bartolone a annoncé la création prochaine d'un club de réflexion au sein de l'Assemblée auquel participeraient des chefs d'entreprises, le monde associatif, des chercheurs et les partenaires sociaux. « L'Assemblée nationale doit ouvrir ses portes et ses fenêtres au monde. Elle doit être un lieu d'échanges naturel pour faire progresser la France », a-t-il martelé.

Egalement convié par le président de l'Assemblée nationale, le groupe « Entreprendre à gauche » qui réunit une dizaine de parlementaires n'a pas d'autres ambitions. « Il est hors de question de laisser notre image aussi écornée dans le domaine économique. La polémique des Pigeons a été un excellent révélateur. Elle nous donne l'occasion, s'il en était besoin, de nous réapproprier l'ensemble des questions économiques pour que nous participions tous ensemble au redressement productif de notre pays. Il faut tisser des liens de confiance et montrer que parler des entreprises et être de gauche n'est pas incompatible», explique Laurent Grandguillaume, le député socialiste de Côte d'Or, cofondateur de ce groupe avec Thierry Mandon, le député socialiste de l'Essonne et porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale.

Finalement, c'est à un véritable "aggiornamiento" que sont en train de se livrer les socialistes.
 

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