Baisse du chômage ? François Hollande et l'Insee ne parlent pas de la même chose

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  696  mots
Il y a plusieurs méthodes pour mesurer l'étendue du chômage
L'Insee, dans sa dernière note de conjoncture, estime que le taux de chômage restera à peu près au même niveau au moins jusqu'à la fin du premier semestre 2014. François Hollande, lui, continue de parler d'une inversion de la courbe... Mais le président et l'Institut ne s'appuient pas sur les mêmes données.

" Même si l'Insee parle d'une stabilité, je confirme que tout est fait pour que l'inversion de la courbe du chômage puisse être réalisée", a déclaré François Hollande ce 20 décembre en marge d'un sommet européen. De fait, dans sa dernière note de conjoncture, l'Institut de la statistique table sur une stabilisation du taux de chômage à 10,9% (avec les Dom) à la fin 2013 avant d'atteindre 11% (toujours avec les Dom) à la mi-2014.

Pour l'Insee, donc, il n'y aurait pas d'inversion de la courbe du chômage dans les six mois qui viennent, notamment en raison du trop faible nombre de créations d'emplois attendues (36.000, notamment grâce aux contrats aidés dans le secteur non-marchand).

 Différentes méthodes pour apprécier l'étendue du chômage

Alors, qui a raison entre le Président de la République et l'Insee ? Réponse : … les deux ! Car ils ne parlent pas de la même chose. Il y a en effet plusieurs méthodes pour apprécier l'étendue du chômage. On peut se concentrer sur le taux de chômage, qui mesure le nombre des chômeurs par rapport à la population active. Ce que font donc l'Insee et le Bureau international du travail (BIT) pour les comparaisons internationales.

On peut aussi décompter le nombre des demandeurs d'emploi inscrits dans telle ou telle catégorie(de " A" à "E ") à Pôle emploi. C'est sur ces dernières données que le gouvernement et le Président se fondent pour apprécier l'évolution de la courbe du chômage. Plus précisément, c'est même la catégorie " A " qui sert de baromètre, c'est-à-dire celle où s'inscrivent les demandeurs d'emploi n'ayant exercé aucune activité le mois précédent. Et la différence est de taille entre la méthode Insee/BIT et celle de Pôle Emploi.

Les différentes définitions du demandeur d'emploi

Pour le BIT, est considéré comme chômeur une personne de plus de 15 ans à la recherche active d'un emploi qui n'a pas du tout travaillé au cours de la semaine de référence et qui se trouve immédiatement disponible pour exercer un métier. Sont ainsi par exemple comptabilisés les jeunes à la recherche d'un premier emploi qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi faute de pouvoir percevoir une indemnisation. A l'inverse, le BIT ne considère pas comme chômeur un demandeur d'emploi qui aurait exercé une activité réduite. Alors que Pôle emploi, dans certains circonstances, le fera.

Quant au taux de chômage du BIT,  il est calculé par enquête (effectuée en France par l'Insee qui vient d'ailleurs de modifier son questionnaire, ce qui aura une incidence d'environ 0,3 point à la baisse sur les futurs taux de chômage) trimestrielles auprès d'un échantillon de 100.000 personnes, priées de déclarer leur situation.

Les six catégories de chômeurs inscrits à Pole emploi

Pôle emploi, lui, se base sur les personnes qui se présentent à ses guichets. Il y a ceux n'ayant pas du tout travaillé, ceux ayant exercé une activité réduite, ceux en formation,etc. Au final donc, les données diffèrent et le gouvernement a plus intérêt à se baser sur celles de Pôle emploi qui ont le mérite d'être mensuelles et surtout plus volatiles. Il est en effet plus aisé de faire passer un demandeur d'emploi d'une catégorie à une autre.

Alors qu'avec l'enquête Insee/BIT, soit on est chômeur, soit on ne l'est pas. Il n'y a pas de subtilités du style : "chômeurs dispensés de recherche d'emploi", par exemple au sein de la catégorie " E ", les titulaires d'un contrat aidé, tels les bientôt 100.000 contrats d'avenir, ou encore "chômeur en formation non immédiatement disponibles, par exemple au sein de la catégorie "D", les demandeurs d'emploi en formation. Des catégories bien utiles qui permettent de "dégonfler" la catégorie " A "en jouant astucieusement avec les instruments de la politique de l'emploi. Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, maitrisent cela parfaitement.