Comment préparer l'économie française au «choc du numérique» : une mission va s'y employer

Par Delphine Cuny  |   |  622  mots
" Les acteurs privés et publics n'ont toujours pas pris la mesure de ces bouleversements" du numérique selon les ministres.
Le gouvernement confie à Philippe Lemoine, le président de LaSer (Cofinoga), une mission sur « la transformation numérique » en cours ou à venir de tous les secteurs, du privé et du public, afin de préparer notre économie aux mutations des modèles économiques.

Préparer notre économie au « choc de la numérisation » : telle est la mission confiée à Philippe Lemoine, le président de LaSer (Cofinoga), par les ministres Pierre Moscovi, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin. Désintermédiation, dématérialisation, économie du partage, etc. : les mutations provoquées par la révolution de l'Internet sont multiples et souvent brutales. « Les industries culturelles ont subi ce choc de plein fouet, l'hôtellerie et le commerce sont en train de le vivre, la Poste aussi : il faut que toute l'économie s'y prépare et que les filières se nourrissent des expériences passées et des exemples étrangers », décrypte un haut fonctionnaire à Bercy. Les ministres de l'Économie, du Redressement productif et de l'Économie numérique considèrent que « les acteurs privés et publics n'ont toujours pas pris la mesure de ces bouleversements », qui affectent « tant les modes de conception et de production que les modes de distribution des biens et des services. » Le président fondateur du Forum d'Action Modernités et président de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) aura pour mission d'apporter des éclairages sur l'évolution des modèles économiques et des organisations, ainsi que de « fédérer les acteurs institutionnels, économiques et sociaux, par filière et par secteur, autour des enjeux de la transformation numérique. »

 Automobile, assurance et santé particulièrement concernés

Philippe Lemoine travaillera avec le Conseil Général de l'Economie (ex CGIET), la DGCIS, la direction du Trésor, et s'entourera d'un groupe d'experts : selon nos informations, on y trouvera de fins connaisseurs du sujet tels que Henri Verdier, le directeur d'Etalab, la mission gouvernementale sur l'ouverture des données publiques, et Nicolas Colin, co-auteur d'un rapport sur la fiscalité de l'économie numérique et organisateur de séminaires sur la disruption numérique dans différents secteurs baptisés « Les Barbares attaquent. » Des « barbares » souvent américains, mais une personnalité de chez Google pourrait rejoindre le groupe d'experts.

« Il y a des menaces mais aussi beaucoup d'opportunités. Il ne faut pas regarder ces bouleversements comme une invasion barbare ni comme des admirateurs béats et naïfs » a observé Fleur Pellerin, jeudi lors des vœux à la presse à Bercy.

Dans son rapport de mission qui sera rendu public en juillet prochain, Philippe Lemoine devra formuler des recommandations, en matière d'investissements, de formation, d'innovation ou de réglementation, et devra dresser une « cartographie de la maturité » et de la maîtrise des enjeux dans chaque secteur : le danger de ce choc de numérisation est-il proche, est-il grand ? Le gouvernement définira huit à dix secteurs prioritaires, dans lesquels devraient figurer la santé, l'assurance et les transports au sens large, en particulier l'automobile. Du covoiturage à la voiture électrique en passant par les applications de réservation de chauffeurs privés concurrençant les taxis, le secteur est en effet concerné à de nombreux titres.

Un enjeu transversal et un rôle cathartique

La mission s'inscrit dans le prolongement de la « Nouvelle France Industrielle » et des 34 plans de « reconquête industrielle » d'Arnaud Montebourg, l'objectif étant de mobiliser les filières sur cet enjeu transversal de la transformation numérique et de jouer un rôle « cathartique » sur les peurs engendrées par les bouleversements de l'Internet. Les ministres « entendent se donner les moyens d'accélérer la transformation de l'économie afin de placer la France à la pointe des économies développées en termes d'innovation, par son appropriation et son utilisation des modèles économiques générés par le numérique. » En clair, faire en sorte que ce choc ne soit pas seulement subi mais anticipé, accompagné et pourquoi pas salutaire.