Et si la fin des cotisations "famille" ne coûtait rien aux finances publiques ?

Par Ivan Best  |   |  587  mots
Annoncée par François Hollande, la disparition du Crédit d'impôt compétitivité emploi, transformé en allègement de cotisations famille, augmentera mécaniquement l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Au point de rendre la nouvelle étape de baisse des charges quasiment neutre pour les finances publiques... et les entreprises

 Et si la suppression annoncée des cotisations familiales ne coûtait rien -ou très peu- aux finances publiques, par rapport au dispositif du CICE déjà voté et budgété ? Et si, du coup, les entreprises ne gagnaient quasiment rien dans l'opération annoncée ce mardi par François Hollande, à savoir la suppression des cotisations famille ?

La question peut se résumer en une opération simple, dont le solde correspond à ce que pourraient toucher, in fine, les employeurs : 30-20-10=0. Le nombre 30 représente le montant, en milliards d'euros, de l'allègement de prélèvements obligatoires promis par François Hollande à l'horizon 2017, via la suppression des cotisations famille à la charge des employeurs. Ce montant est peut-être plus proche de 35 milliards, mais cela ne change pas foncièrement la donne.

Le -20 correspond au montant, là aussi, bien sûr, en milliards d'euros, du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), une fois sa montée en charge terminée. Il disparaîtrait dans l'opération, puisque il serait transformé en « baisse de cotisation » à partir de 2016, selon François Hollande. Un allègement fiscal qui disparaît, c'est donc une hausse de prélèvements.

La transformation du CICE en baisse de cotisations entraînerait une hausse de l'impôt sur les sociétés

Quant au -10, c'est simplement la hausse d'impôt liée au passage d'un système de crédit d'impôt à celui de l'allègement de charges. En effet, le CICE est bel et bien calculé sur la base de la masse des salaires, mais il est défalqué directement de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises : il n'a pas d'impact sur le bénéfice fiscal.

En revanche, une baisse de charges augmente mécaniquement les profits d'une entreprise -toutes choses égales par ailleurs. Elle doit du coup payer plus d'impôt sur ces bénéfices. Certes, l'allègement de la masse salariale pourrait passer des 6% programmés dans le cadre du CICE à 9% (ce qui correspond au passage de 20 milliards d'euros à 30 milliards de charges en moins). Mais ces 9% de masse salariale économisés seraient, désormais, imposés (à la différence de ce qui se passe avec le CICE). Etant imposés à hauteur d'un tiers, il resterait donc, en 2017, 6% d'allègement. Contre... 6% aujourd'hui. 6=6. CQFD

La réforme annoncée serait donc quasiment neutre pour les finances publiques - à quelques milliards près-, et pour les entreprises. Le gouvernement n'avait-il pas fait valoir, lors de son annonce, qu'un « CICE à 20 milliards était équivalent à une baisse de charges sociales de 30 milliards », compte tenu de cet effet d'IS ?

 Aucun problème technique... plus difficile politiquement

  D'un point de vue technique, par rapport à la situation actuelle, la sécurité sociale verrait ses recettes amputées de 10 milliards d'euros, tandis que l'Etat engrangerait une dizaine de milliards d'euros de recettes supplémentaires au titre de l'impôt sur les bénéfices. Rien de plus facile que de brancher un canal entres les deux. Cette annonce serait cohérente avec la confirmation par François Hollande, mardi, de 50 milliards d'euros d'économies (53 milliards, exactement) sur trois ans: ce montant avait déjà été programmé, et il ne pouvait financer 10 à 15 milliards d'allègements de charges en plus.

D'un point de vue politique, il va sans dire que l'opération sera difficile à vendre au Medef. Le gouvernement pourra lui rétorquer que le patronat a toujours réclamé la suppression des cotisations famille. Et qu'il l'a obtenue.