Allègement du coût du travail : un casse-tête à 30 milliards d'euros

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  945  mots
L''objectif demeure de supprimer 30 milliards d'euros de cotisations sociales pesant sur les entreprises d'ici 2017, soit léquivalent des cotisations familiales
Dans le cadre du "pacte de responsabilité", François Hollande veut alléger le coût du travail à hauteur de 30 milliards d'euros. Il devait s'agir de l'exonération des cotisations "famille". Mais devant la difficulté de l'exercice, d'autres cotisations pourraient être concernées.

Le diable se niche toujours dans les détails ! Les conseillers de la présidence de la République, chargés de mettre en musique l'engagement présidentiel de supprimer les 30 milliards de cotisations familiales pesant sur les entreprises, sont en train de s'en rendre compte.

Déjà, l'opération n'est pas simple, voire assez compliquée, faute de financement précis. Ce qui a fait dire à Pierre Gattaz, président du Medef, à l'issue des vœux de François Hollande aux acteurs de l'économie : "ça reste complètement flou sur la fiscalité et la baisse des charges et des taxes sur les entreprises "… C'est le moins que l'on puisse dire. A l'Elysée, on assure que les choses commenceront à se décanter et se préciser le 27 janvier, lorsque le Premier ministre rencontrera l'ensemble des organisations patronales et syndicales pour évoquer la mise en route du " Pacte de responsabilité". Ensuite, le gouvernement se donne jusqu'au printemps pour finaliser ce pacte qui sera présenté lors d'une "grande conférence économique et social". Un pacte qui donnera également lieu à un vote de confiance à l'Assemblée où le gouvernement engagera sa responsabilité…

Le casse tête de la fusion entre CICE et nouveaux allègements

Nous n'en sommes pas là, loin de là !! Rappelons les données du problème. Lors de ses vœux, puis de sa conférence de presse, le président de la République a proposé, dans le cadre d'un pacte de responsabilité, de supprimer les cotisations affectées à la politique familiale pesant sur les entreprises (5,25% du salaire brut en 2014), soit 30 milliards d'allègements pour le coût du travail. Le Medef, alors, applaudit ! Mais un peu plus tard, le président précise que les 20 milliards d'euros d'allègements sur la masse salariale (pour les salaires allant jusqu'à 2,5 Smic) prévus par le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sont à inclure dans cette masse de 30 milliards… Le Medef, lui, voulait croire que les deux dispositions s'ajoutaient. Résultat, c'est en fait un total de 30 milliards d'allègements qui s'appliquera d'ici 2017 et non de 50 milliards ! Soit 10 milliards de plus que ce qui était initialement prévu avec le seul CICE. Déception du côté patronal !

Comment trouver 10 milliards supplémentaires pour financer les nouveaux allègements ?

Reste qu'il faut donc trouver environ 10 milliards d'euros d'économies nouvelles puisque le président de la République a réitéré son engagement de ne pas transférer sur les ménages le financement de la politique familiale qui ne sera plus assuré par les entreprises. Or, François Hollande avait préalablement fixé les engagements de coupes dans les dépenses publiques à 50 milliards d'ici 2017, afin de résorber les déficits publics et ainsi faire rentrer la France dans les limites fixées par Bruxelles.

Pas évident en cette période de disette budgétaire et de morne croissance, même si les experts de l'Elysée estiment pouvoir disposer de quelques marges supplémentaires si le pacte de croissance redonne confiance aux entreprises et, ainsi, "booste" la croissance qui pourrait être supérieure aux prévisions (0,9% en 2014 et 2% en 2015). A voir…

Lire aussi: "François Hollande commet-il la même erreur qu'en 2012?"

Mais, surtout, comment réussir à «"fusionner" le CICE avec de nouveaux allègements de cotisations sociales patronales ? A ce stade, devant les acteurs de l'économie, François Hollande n'a pas apporté de réponse. Il a seulement évoqué trois pistes possibles : soit "pérenniser et augmenter le CICE ; nous pouvons aussi le transformer en baisse de charges dont il nous appartiendra de fixer l'ampleur. Il peut aussi être complété par d'autres allègements dont nous devrions alors fixer les modalités " Bref, on n'en sait pas plus. Et pour cause, il est assez compliqué en un laps de temps si court d'imaginer un système qui agglomère, d'une part, une baisse des coûts salariaux (6% de la masse salariale en 2015), sous forme de réduction de l'impôt sur les bénéfices, comme le prévoit le CICE, avec un allègement de 5,25% des cotisations "famille" des entreprises. C'est un peu comme additionner des pommes et des poires !!!

Problème: certaines entreprises ne paient déjà quasiment plus de cotisations "famille"

Et ça se corse encore davantage quand l'on sait que depuis 2003 et les "allègements dégressifs Fillon" de cotisations sociales, applicables sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic, les entreprises ne paient en réalité plus que 0,4% de cotisation famille au niveau du Smic, et même … 0% dans les entreprises de moins de 20 salariés.

Difficile dans ces conditions d'accorder une ristourne de 5,25% sur des salaires... déjà exonérés, totalement ou presque, de cotisations famille. "Il y a a un problème de base, d'assiette, c'est pour cela que le président a proposé de remettre sur la table tous les mécanismes d'allègements existants, au-delà du seul CICE " précise t- on à L'Elysée. Et de préciser "il ne faut pas se focaliser sur les seules cotisations familles, puisque certains salaires en sont déjà exonérés, il faut réfléchir en masse, faire 30 milliards d'exonérations supplémentaires ».

Traduction, et cela semble une nouveauté qui demande à être confirmée. Ce n'est pas forcément "que" les cotisations familiales qui seraient concernées par le futur allègement, mais leur équivalent en montant, soit 30 milliards. Donc, d'autres cotisations pourraient être aussi visées. L'important étant d'arriver à un total de 30 milliards d'allègements.  Le feuilleton est donc loin d'être terminée et les entreprises vont devoir s'armer de patience. Selon l'Elysée