Assurance chômage : le Medef persiste et signe sur les intermittents

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  992  mots
Le Medef veut que l'Etat participe au financement du régime chômage des intermittents du spectacle
Ce qui devrait être l'avant-dernière séance de négociation entre patronat et syndicats sur la convention d'assurance chômage qui fixe les droits à indemnisation a été "polluée" par la volonté patronale de remettre en cause le régime spécifique des intermittents du spectacle. Pour les syndicats, ce n'est ni le moment ni la question centrale.

C'est dans un climat assez délétère que s'ouvrait ce 27 février ce qui devrait être normalement l'avant-dernière séance de négociation entre le patronat et les syndicats sur l'assurance chômage. La dernière réunion étant toujours prévue pour le 13 mars. Mais il n'est pas certain que cette séance soit réellement la dernière, car les choses n'ont pas beaucoup avancé. Or, les règles actuelles qui fixent les règles d'indemnisation au chômage des demandeurs d'emploi arrivent à échéance le 31 mars. Le temps presse donc.

Les syndicats adeptes du statu quo par rapport aux règles actuelles

Du côté syndical, on souhaite une sorte de statu quo, en raison du très grand nombre actuel de demandeurs d'emploi - les chiffres de janvier connus hier montrent que 3,31 millions de chômeurs sont inscrits en catégorie "A" (aucune activité) qui incite à ne pas baisser les prestations pour préserver le rôle "d'amortisseur social ". Medef et CGPME, eux, insistent au contraire sur le besoin d'apurer les finances du régime. De fait, l'Unédic a connu en 2013 un déficit supérieur à 4 milliards d'euros et cumule une dette de plus de 18 milliards d'euros.

Aussi, mercredi 26 février, le Medef a transmis aux syndicats un projet d'accord dans lequel il réitère ses propositions d'économies qui avaient suscité un tollé lors de la précédente séance : suppression des régimes spécifiques des intermittents et des intérimaires, modulations des allocations en fonction de la conjoncture (le nombre de jours indemnisés varierait selon que le taux de chômage est de 9%, 11%... ou 12%) , réforme des règles de cumul allocations- activité à temps partiel, réforme du calcul du montant de l'allocation (basé sur le salaire net et non plus le salaire brut).

C'est notamment les propositions patronales de revoir le régime spécifique des intermittents du spectacle (les fameuses annexes "8 et 10") qui ont mis le feu aux poudres et ont jeté les intermittents dans la rue, venus manifester devant le siège du Medef.

La spécifique question des intermittents du spectacle

Le camp patronal - Medef, CGPME, UPA (artisans employeurs) - propose notamment qu'une "concertation" soit engagée avec l'Etat pour que celui-ci finance le surcoût lié au régime des intermittents.

"Ce n'est pas à l'Etat de financer l'assurance chômage des intermittents, ni de quiconque d'ailleurs", a réagi mercredi la ministre de la Culture Aurélie Filippetti sur i>Télé. "Si jamais les propositions du Medef par un effet désastreux étaient mises à exécution, ça serait la destruction de la culture, de tout le réseau culturel sur l'ensemble du territoire français", a-t-elle dit. Une position qui a reçu le soutien de Martine Aubry, maire de Lille mais surtout ancienne ministre du Travail, qui veut absolument sauver cette spécificité culturelle. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait lui aussi accusé le patronat de jouer au "casse-cou" et "déconseillé au Medef de persévérer dans son erreur" sur les intermittents.

Le régime des intermittents: un problème à 1 milliard d'euros ou à 230 millions?

Quel est la nature du problème ? Selon un très contesté rapport de la Cour des comptes de janvier 2013, le régime spécifique d'indemnisation du chômage des intermittents du spectacles (artistes et techniciens) enregistre un déficit annuel d'environ 1 milliard d'euros.... Et ce pour à peine plus de 106.000 bénéficiaires. Ce déficit représente donc à lui tout seul environ 20% du " trou" annuel de l'Unedic. Actuellement, pour percevoir l'assurance-chômage, les intermittents doivent justifier de 507 heures travaillées dans les 10 derniers mois (techniciens) ou 10,5 mois (artistes). Autre fait, en 2010, les allocations versées aux intermittents ont représenté 1,26 milliard d'euros... alors que les cotisations perçues se limitaient à ...232 millions d'euro.

Des données contestées par le député PS Jean-Patrick Gille, rapporteur de la mission d'information sur les métiers artistiques qui a demandé, dans le cadre de ses travaux, à l'Unedic de simuler le basculement de tous les intermittents dans le régime général de l'assurance chômage. Verdict: les intermittents représenteraient alors un surcoût de seulement 320 millions d'euros par an. "Ce montant correspondrait donc au coût réel des règles particulières de l'intermittence. Il n'est sans doute pas anodin, mais bien éloigné du montant d'un milliard d'euros".

Les syndicats émettent d'autres propositions

FO et la CGT proposent de lutter contre les entreprises qui abusent du statut de l'intermittence et d'instituer une nouvelle - il en existe déjà une - "surcotisation" à l'assurance chômage pour elles. Les deux organisations souhaitent également que les ruptures conventionnelles soient davantage taxées au profit de l'assurance-chômage.

Pour sa part, la CFDT reste très attachée à l'introduction du mécanisme des "droits rechargeables". En outre, pour trouver quelques économies, elle n'est pas contre un allongement du différé d'indemnisation (actuellement plafonné à 75 jours) pour les salariés ayant perçu au moment du départ de leur entreprise une très forte indemnité de rupture supra--légale.

Last but not least, la CFDT ne ferme pas complètement la porte à un examen du régime particulier d'indemnisation des intérimaires et du cumul entre une activité réduite et une allocation chômage. Mais pas maintenant. La centrale de Laurent Berger propose que ces sujets soient abordés au troisième trimestre 2014. Idem pour les intermittents. La CFDT se dit favorable à l'ouverture d'une concertation avec l'Etat. Mais, là aussi, en dehors de l'actuelle renégociation de la convention d'assurance chômage, afin que ce sujet ne vienne pas "polluer " les débats.

Bref, les discussions sont loin d'être abouties. Mais gageons que, in fine, les règles actuelles d'indemnisation, devraient peu évoluer, tant cette période de fort chômage n'est pas du tout favorable à un changement drastique des règles du jeu.