Pacte de responsabilité : la focalisation sur les contreparties pollue le débat

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1108  mots
Le Medef (ici son président Pierre Gattaz) conteste l'idée de fixer des contreparties précises à un nouvel allègement des cotisations patronales
Les débats sur les "contreparties" demandées par les syndicats au patronat en échange d'un nouvel allègement des cotisations sociales tend à obstruer les autres points fondamentaux du futur pacte de responsabilité: mécanisme du nouvel allègement, fiscalité des entreprises, etc. Tout doit être bouclé pour le 15 avril.

Le patronat (Medef, UPA, CGPME) et trois syndicats (CFDT, CFTC et CFE-CGC) ont abouti mercredi à un accord sur les contreparties du pacte de responsabilité, a annoncé le Medef à l'issue d'une nouvelle séance de négociation. Le texte doit encore être soumis aux instances dirigeantes de ces organisations. La CGT et Force ouvrière ont émis, elles, un avis négatif sur le projet présenté par le patronat.

"Il n'y a pas d'engagements chiffrés" sur les créations d'emplois attendues des entreprises en échange de 30 milliards de baisses de cotisations promises par le gouvernement, a expliqué le chef de la délégation du Medef Jean-François Pilliard. Mais "le texte détaille de façon rigoureuse les dispositifs qui seront en place au niveau des branches (professionnelles) pour aller vers des objectifs" en matière d'emplois, a-t-il indiqué.

Le gouvernement, qui considère le pacte comme son arme ultime contre le chômage, avait demandé aux partenaires sociaux de parvenir à un accord d'ici à la fin mars sur les contreparties.

C'est François Hollande qui est à l'origine de ce pacte de responsabilité qui consisterait, en plus des 20 milliards actuels déjà alloués dans le cadre du Crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), à accorder 10 milliards d'euros supplémentaires pour baisser le coût du travail. Soit un total de 30 milliards d'euros, ce qui représente le montant des cotisations « famille » versées par les entreprises.

Un "psychodrame" sur les contreparties

Certes, politiquement parlant, il est toujours plus agréable pour un gouvernement d'avoir le consentement des partenaires sociaux avant de lancer un grand projet qui concernera les entreprises et les salariés. Mais, en l'occurrence, il ne faudrait pas que les bisbilles entre syndicats et patronat (voir même au sein de chaque camp) viennent perturber un calendrier déjà très serré. Il ne faudrait pas non plus que les propos présidentiels du 31 décembre 2013, annonçant le pacte de responsabilité, donnent l'impression d'être restés en suspension et que rien de concert n'avance.

La pression accrue de Bruxelles

Après tout, fin 2012, quand le gouvernement a décidé d'instaurer le CICE, le débat sur les éventuelles contreparties a été réduit à la portion congrue. Le plus important c'est de mener à bien et dans les délais requis une décision politique du président de la République. En l'occurrence, tout doit être bouclé pour le 15 avril au plus tard. C'est à cette date, en effet, que le gouvernement transmettra au Parlement et à la Commission européenne ses « nouvelles trajectoires pour les finances publiques » qui comprendra le pacte de responsabilité et ses effets escomptés. Et ce alors même que la Commission européenne vient de placer la France sous surveillance renforcée pour son « manque de compétitivité , le niveau de sa dette et de ses déficits ».

En d'autres termes, la question des contreparties discutée par le patronat et les syndicats ne constitue que l'un des quatre « ingrédients » - selon une formule gouvernementale - devant conduire à l'élaboration du pacte de responsabilité. Et ce n'est pas forcément la plus importante. Quels sont donc les trois autres « ingrédients » ?

Le financement de la protection sociale doit être repensé

Il y a d'abord les travaux du "Haut conseil pour le financement de la protection sociale ». Saisi par le gouvernement, ce Haut Conseil doit rendre dans la deuxième quinzaine de mars un rapport permettant de clarifier le financement de la protection sociale, dès lors que les entreprises connaitraient un nouvel allègement de 10 milliards d'euros qu'il faut bien compenser. Etant entendu que François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont pris soin de préciser qu'il n'était pas question que les ménages soient mis à contribution. Ce qui semble exclure une hausse des cotisations « salariales » où une augmentation (voir une progressivité) de la CSG. On sait que le gouvernement réfléchit à un scénario de « barémisation » des cotisations patronales qui deviendraient donc progressives - et non plus proportionnelles - en fonction du salaire. Si cette piste était suivie, elle obligerait à refondre totalement le dispositif « Fillon » d'allègements dégressifs des cotisations patronales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic. Ce dispositif, instauré en 2003, « coûte"  actuellement à l'Etat - afin de compenser le manque à gagner à la Sécurité sociale - 22 milliards d'euros. Les travaux du Haut conseil sont donc fondamentaux car ils vont permettre au gouvernement d'arrêter précisément le nouveau mécanisme d'allègements des cotisations. Un point primordial pour les entreprises qui attendent avec impatience de le connaître .

La question de la fiscalité pesant sur les entreprises

Le deuxième « ingrédient », on le retrouve avec les « Assises de la fiscalité » ouvertes début février. Ces assises, promises par le gouvernement au Medef, ont pour but d'étudier et de mettre à plat toute la fiscalité pesant sur les entreprises afin de la rapprocher autant que faire se peut du niveau européen. La cinquantaine de taxes - au rendement pas toujours très efficient - pesant sur les facteurs de production sont notamment dans le collimateur. Mais une réflexion est également entamée sur le taux de l'impôt sur les sociétés. Les conclusions de ces assises sont attendues, elles aussi, pour la deuxième quinzaine de mars. De toute évidence, la fiscalité des entreprises constitue un point majeur de la compétitivité, au même titre que le coût du travail et la « montée en gamme » des produits « made in France »

La simplification de la "vie" des entreprises

Last but not least, le troisième « ingrédient » du pacte de responsabilité aura pour origine les propositions émises par le député Thierry Mandon et le chef d'entreprise Guillaume Poitrinal en matière de simplification « dans la vie des entreprises ». Sachant qu'un projet d'une entreprise met deux fois plus de temps à aboutir en France, comparé aux autres pays européens à économie similaire. Les deux responsables doivent étudier et repérer toutes les « tracasseries » qui empoisonnent le fonctionnement des entreprises « à toutes les étapes de leur vie », c'est-à-dire pour leur création, leur fonctionnement, en cas de projet d'acquisition, d'achat, d'implantation. Et, il y a du pain sur la planche. Une fois encore, les conclusions de la commission sont attendues pour la fin mars.

Une fois les « quatre ingrédients » réunis, la sauce pourra prendre et le gouvernement dévoilera le contenu exact du pacte de responsabilité. On le voit, le psychodrame social bien français sur les éventuelles contreparties n'est peut être pas la question qui doit le plus focaliser les esprits. …