Commerce extérieur : quand cessera la chute ?

Par Fabien Piliu  |   |  798  mots
La balance commerciale tricolore est dans le rouge depuis 2003
En janvier, le déficit commercial s’est élevé à 5,7 milliards d’euros, soit 500 millions de plus qu’en décembre. Selon une étude de COE-Rexecode, les parts de marchés des exportations françaises dans les exportations de la zone euro, qui s’étaient stabilisées à un faible niveau depuis 2010, sont reparties à la baisse à la fin de l'année dernière.

En 2017, le solde de la balance commerciale des produits manufacturés sera équilibré. C'est le pari fait par Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur. Il semble osé, terriblement osé : la France ayant affiché en 2013 un déficit commercial dans le domaine industriel de 35,3 milliards d'euros. Un chiffre à comparer au déficit global, facture énergétique inclue, qui s'est élevé à 61,2 milliards d'euros en 2013, 67,3 milliards d'euros en 2012 et 74 milliards d'euros en 2011. Il faut remonter à 2002 pour observer le dernier excédent de la balance commercial tricolore. Il avait atteint 3,5 milliards d'euros. A titre de comparaison, l'Allemagne a dégagé un excédent de 200 milliards d'euros en 2013.

Un mauvais début d'année

L'objectif fixé par Nicole Bricq est d'autant plus ambitieux qu'aucune amélioration ne se dessine. En janvier, le déficit commercial s'est élevé à 5,7 milliards d'euros, soit 500 millions de plus qu'en décembre, marqué par une baisse de 1,4% des exportations sur un an. " Après un net rebond en décembre, les exportations se replient partiellement. L'évolution concerne au premier chef les biens manufacturés, mais le retour à la normale des ventes d'œuvres d'art et de matériel de guerre pèse également sur la tendance ", expliquent les services des Douanes. Une tendance sur laquelle devrait peser le niveau élevé de l'euro face au dollar, qui plombe la compétitivité-prix des produits made in France, n'en déplaise à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif.

Arnaud Montebourg part en guerre contre l'euro fort

A plusieurs reprises, le ministre s'est en effet exprimé dans les médias en faveur d'une dépréciation de la monnaie unique, citant les chiffres de la direction du Trésor qui, dans le projet de loi de finances 2014, estime qu'une dépréciation de 10 % permettrait d'accroître le taux de croissance de l'économie française de 1,2 % et la création de 150.000 emplois.

Les parts de marché dans la zone euro baissent à nouveau

En attendant un repli très hypothétique de l'euro face au billet vert, les parts de marché de la France dans la zone euro reculent à nouveau. En recul depuis 1999, elles ont cessé de se replier en 2010 pour se stabiliser à un très faible niveau, estimé à 12,7% par une étude de COE-Rexecode, contre 17,5% en 1998. " Cet effritement en fin d'année 2013 s'explique principalement par le repli des performances relatives sur les marchés hors zone euro. Le rapport des exportations françaises de marchandises aux exportations allemandes est passé en dessous de 40% tout au long du second semestre 2013 ", explique Denis Ferrand au COE-Rexecode.

Deux décennies perdues

Le constat est donc clair. Depuis deux décennies, la France n'a donc pas su s'adapter à la mondialisation des échanges. Elle a donc perdu du terrain chez ses voisins européens, elle a subi la concurrence chinoise sur son pré carré africain - premier exportateur en 2002, elle est passée au cinquième rang en 2011 derrière la Chine, l'Inde, les États-Unis et l'Allemagne et sa part de marché a connu un recul continu depuis le début des années 2000, passant de 10,1 % en 2000 à 4,7 % en 2011 explique le rapport Védrine - , elle n'a pas réussi à augmenter le nombre d'entreprises exportatrices, qui n'a jamais dépassé les 130.000, contre plus de 400.000 en Allemagne, elle n'a pas su réorienter ses exportations vers les marchés en forte croissance, notamment les pays asiatiques, et enfin, elle n'a pas su favoriser la montée en gamme de ses produits manufacturés.

Le gouvernement est-il impuissant ?

Dans ce contexte, que peut faire le gouvernement ? Pas grand-chose, diront les mauvaises langues. Il faut bien avouer que les multiples plans exports lancés par les ministres du Commerce extérieur successifs n'ont pas produits les résultats escomptés. Souhaitée par Bercy, la réorientation des échanges vers les pays dits Grand large reste sans effet, 60% des exportations prenant la direction de l'Union européenne. Quand à l'efficacité du soutien public à l'export, elle est régulièrement mise en cause, notamment par la Cour des comptes, malgré les réformes engagées au sein d'Ubifrance, l'agence pour le développement international des entreprises.

Alors que la simplification du soutien public à l'export est en passe de s'intensifier, et en attendant que le mesures prises en faveur de l'innovation portent enfin leurs fruits - citons la simplification du crédit impôt recherche, la création des pôles de compétitivité, le lancement du Grand emprunt... -  une autre piste pourrait être étudiée par l'exécutif. Dans le cadre d'un remaniement ministériel, il pourrait être tenté de fusionner le ministère du Commerce extérieur avec le quai d'Orsay, de c'est-à-dire rapprocher la diplomatie économique et le commerce pur et simple pour renforcer la force de frappe du made in France hors de nos frontières.