Chômage en 2013 : pas de chance, Hollande a choisi la mauvaise courbe !

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1073  mots
l'objetcif présidentiel d'inverser fin 2013 la courbe du chômage est rempli pour l'Insee/BIT mais pas pour Pôle emploi
Pas de chance pour François Hollande. Pour mesurer une éventuelle baisse du chômage fin 2013, Le président s'est davantage appuyé sur les données fournies par Pôle emploi, qui lui ont été défavorables, que sur les calculs de l'Insee pour le BIT plus encourageants

Pas de chance pour François Hollande. Il y a un peu plus d'un mois, il reconnaissait ne pas avoir réussi à inverser la courbe du chômage en 2013... Et le 6 mars, l'Insee confirmait pourtant qu'il y avait bien eu un timide retournement !

Comment comprendre ce hiatus?  Comme rien n'est jamais simple, pour mesurer le chômage, deux indicateurs existent : le nombre d'inscrits à Pôle emploi à la fin de chaque mois, qui a en effet continué à augmenter au 4e trimestre 2013 (+ 0,3%), et le taux trimestriel de l'Insee, mesuré sur la base d'une enquête trimestrielle réalisée auprès de 110.000 personnes de plus de 15 ans, qui a lui baissé de 0,1 point sur la même période pour s'établir à 9,8%.

Politiquement parlant, la coexistence de ces deux méthodes - surtout quand elles n'indiquent pas tout à fait la même chose - permettent aux pro- comme aux anti-Hollande de disposer d'arguments pour avancer « que le président n'a pas tenu sa promesse d'inverser la courbe du chômage à la fin 2013 » ou, au contraire, « que le pari est gagné »…. Et tout le monde a raison puisque les calculs effectués par Pôle emploi et l'Insee ne sont pas basées sur les mêmes données. Explications.

Pour résumer, on peut se concentrer sur le taux de chômage, qui mesure le nombre des chômeurs par rapport à la population active. Ce que font donc l'Insee et le Bureau international du travail (BIT) pour les comparaisons internationales.

On peut aussi décompter le nombre des demandeurs d'emploi inscrits dans telle ou telle catégorie(de " A" à "E ") à Pôle emploi.

Les différentes définitions du demandeur d'emploi

Pour le BIT, est considéré comme chômeur une personne de plus de 15 ans à la recherche active d'un emploi qui n'a pas du tout travaillé au cours de la semaine de référence et qui se trouve immédiatement disponible pour exercer un métier. Sont ainsi par exemple comptabilisés les jeunes à la recherche d'un premier emploi qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi faute de pouvoir percevoir une indemnisation. A l'inverse, le BIT ne considère pas comme chômeur un demandeur d'emploi qui aurait exercé une activité réduite. Alors que Pôle emploi, dans certains circonstances, le fera.

In fine, fin 2013, il y avait 2,78 millions de demandeurs d'emploi au sens du BIT et 3,3 millions au sens de Pôle emploi (catégorie A). Soit un écart de près de… 500.000 demandeurs d'emploi. L'explication réside notamment chez les chômeurs âgés de plus de 50 ans et surtout ceux proches de l'âge de la retraite. Jusqu'en 2008, ils bénéficiaient dans certaines conditions d'une « dispense de recherche d'emploi » Depuis, cette dispense n'existe plus et ces personnes restent donc inscrites à Pôle emploi en catégorie « A ». Mais quand l'Insee les interroge, elles reconnaissent ne pas être activement à la recherche d'un emploi. Résultats ces « seniors » ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Ainsi, fin 2013, 743.000 demandeurs d'emploi de plus de 50 étaient inscrits à Pôle Emploi (catégorie « A »), contre « seulement » 502.000 au sens du BIT, soit un « gap » de 200.000.

Les six catégories de chômeurs inscrits à Pole emploi

Pôle emploi, lui, se base donc sur les personnes qui se présentent à ses guichets. Il y a ceux n'ayant pas du tout travaillé, ceux ayant exercé une activité réduite, ceux en formation, etc. Au final donc, les données diffèrent et le gouvernement a normalement plutôt intérêt à se baser sur celles de Pôle emploi  - ce qu'a fait François Hollande - qui ont le mérite d'être mensuelles et surtout plus volatiles. Il est en effet plus aisé de faire passer un demandeur d'emploi d'une catégorie à une autre...

Alors qu'avec l'enquête Insee/BIT, soit on est chômeur, soit on ne l'est pas. Il n'y a pas de subtilités du style : "chômeurs dispensés de recherche d'emploi" ou encore "chômeurs en formation non immédiatement disponibles", Des catégories bien utiles qui permettent de "dégonfler" la catégorie " A "en jouant astucieusement avec les instruments de la politique de l'emploi. Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, maitrisent cela parfaitement… Sauf que fin 2013 ce ne fût pas le cas. Le nombre des demandeurs en catégorie « A » a progressé.

François Hollande  a fait le mauvais choix

A posteriori, on se rend compte que François Hollande aurait dû être plus prudent lorsqu'il a fixé son objectif de parvenir à une inversion de la courbe du chômage à la fin 2013. Pour en mesurer la réussite ou l'échec, le président s'est focalisé sur les statistiques mensuelles de Pôle emploi. D'où ce psychodrame à la fin de chaque mois quand ces données étaient redues publiques… D'où aussi cet aveu présidentiel le 28 janvier dernier quand les statistiques pour le mois de décembre 2013 sont tombées : "Nous n'avons pas réussi dans l'année 2013 à faire diminuer le chômage. A en faire diminuer le rythme d'augmentation, oui, à en stabiliser le niveau à cette fin d'année, oui, mais pas à la faire diminuer ».

A la décharge du Président, il y a encore quelques mois, l'Insee ne tablait pas sur une inversion de la courbe mais, au mieux, sur une stabilité. Depuis, la divine surprise du 4e trimestre s'est produite.

Une plus grande prudence au ministère du Travail

A noter qu'au ministère du Travail, on se montrait plus prudent, en gardant un œil sur les statistiques Insee/BIT et en rappelant que les données BIT étaient celles retenues par la commission européenne et qui permettent les comparaisons internationales. Bref, dans l'entourage de Michel Sapin, l'objectif de l'inversion du chômage devrait être apprécié à l'aune des deux méthodes : BIT et Pôle emploi.. C'est plus prudent. Ce qui a permis à Michel Sapin de dire le 6 mars « que l'engagement de François Hollande a été respecté »… Alors que le même François Hollande reconnaissait donc son échec plus d'un mois avant.

Une cacophonie de plus. Difficilement rattrapable. Les Français ont constaté que la courbe du chômage ne s'était pas inversée fin décembre. Leur expliquer maintenant, avec d'autres données, qu'en vérité le chômage a finalement baissé à la fin 2013 s'annonce comme une mission quasi impossible