L'accélération des prix en France ne justifie pas l'immobilisme de la BCE

Par Romaric Godin  |   |  655  mots
L'effet de récupération après les soldes explique l'accélération de l'inflation en février
En France, les prix ont progressé en février de 0,9 %, contre 0,6 % en janvier. Mais la tendance de fond reste faible, comme partout en Europe.

En février, la hausse des prix a, à nouveau, accéléré en France. Selon l'Insee, les prix ont augmenté de 0,9 % sur un an. En données corrigées des variations saisonnières, c'est une accélération notable puisque l'inflation se situait à 0,6 % en janvier. En données harmonisées européennes, le taux d'inflation passe en un mois de 0,6 % à 1,1 %. Voilà qui expliquerait en grande partie la stabilisation de l'inflation à 0,8 % enregistrée au niveau de la zone euro alors même que les prix ont décéléré en février en Allemagne (1 % contre 1,2 %), en Italie (0,5 % contre 0,6 %) et en Espagne (0 % contre 0,3 %).

Comme la BCE, la semaine dernière, s'est dissimulée derrière cette stabilisation pour expliquer son attentisme, il importe donc de connaître les causes de cette accélération des prix en France. Est-ce là un vrai tournant capable de jouer positivement sur les marges des entreprises ? Le détail des chiffres de l'Insee ne permet pas de répondre réellement positivement.

La hausse après les baisses

La hausse de février s'explique surtout par un effet de rattrapage après des soldes de janvier marqué par des rabais notables. Du coup, le secteur de l'habillement et des chaussures a vu ses prix grimper en février de 6,2 % après un recul de 15,4 % le mois précédent. Celui de l'ameublement a connu en février une hausse de 1,9 % après -2,5 % en janvier, tandis que les prix des « gros appareils ménagers » ont progressé le mois passé de 0,8 % après -2,2 % en janvier.

On le voit, ces hausses de février ne permettent pas de récupérer entièrement la baisse de janvier, loin de là, mais elles expliquent le rebond des prix des produits manufacturés (+1,3 % sur un mois). Selon les calculs des économistes de BNP Paribas, le seul secteur de l'habillement et des chaussures aurait apporté les 30 points de base de plus enregistré en février par l'inflation française. Ce qui, par contraste, signifierait que l'inflation est demeurée stable par ailleurs.

Tendance faible

A cela s'ajoute l'impact des hausses de TVA décidées le 1er janvier et qui ne se diffusent que progressivement. BNP Paribas estime que l'impact de cette hausse est de 0,25 point et que, en comparant le taux d'inflation de février (1,1 % harmonisé) à celui de décembre (0,8 %), on retrouve cette hausse. Mais là encore, ceci signifie que, par ailleurs, l'inflation demeure stable. « La tendance sous-jacente demeure très faible », expliquent les experts de la banque française. Autrement dit, cette reprise de l'inflation française ne change pas l'essentiel : la hausse des prix demeure extrêmement faible du point de vue des entreprises.

L'attentisme injustifié de la BCE

Du coup, on conçoit combien l'estimation flash d'Eurostat pour la zone euro justifiait peu l'immobilisme de la BCE. Un peu partout, le processus de désinflation se poursuit. Dans certains pays, comme l'Espagne ou le Portugal (où l'inflation est en février devenu négative à -0,1 % sur un an), la situation est préoccupante. Car, même sans recul évident des prix, une période longue de faible inflation pèse sur les marges et, à terme, sur l'investissement. Or, dans les pays les plus fragiles de la zone euro, il n'y aura de reprise durable que si les exportations se traduisent in fine par un mouvement d'investissement.

Sans compter un autre effet : la faible inflation de la zone euro renchérit les taux réels de la zone euro relativement aux Etats-Unis. Et cet écart alimente à son tour une fermeté de l'euro qui nuit évidemment à la reprise des pays périphériques et d'autres pays comme la France et les Pays-Bas. Si cette fermeté se poursuivait, elle conduirait à la nécessité de nouvelles dévaluations internes et donc à l'affaiblissement des demandes internes. Ceci ne manquerait pas de tuer la reprise naissante. Décidément, il est temps d'agir pour la BCE.