Que peut-on espérer de "la Nouvelle France industrielle ?

Par Fabien Piliu  |   |  762  mots
" Les choses avancent, le lancement de cette organisation en filière de 34 projets industriels s'est fait en un temps record, on voit déjà les premiers résultats ", a assuré le Premier ministre.
Six mois après leur lancement officiel, les 34 plans industriels initiés par Matignon et le ministre du Redressement productif peuvent-ils restaurer la compétitivité industrielle de la France ? Cinq plans ont été présentés ce vendredi dans le domaine du transport décarboné.

Ce vendredi, Jean-Marc Ayrault a présenté cinq des 34 projets de la Nouvelle France industrielle, le plan de reconquête industrielle présenté en septembre par François Hollande, le chef de l'Etat. Pourquoi cinq ? Appartenant au domaine du transport décarboné - la voiture pour tous consommant moins de 2 litres aux 100 kilomètres, les bornes électriques de recharge, l'autonomie et la puissance des batteries, les satellites à propulsion électrique et l'avion électrique et la nouvelle génération d'aéronefs -, ces cinq plans sont les premiers à être opérationnels. Les 29 autres plans seront présentés d'ici l'été, assure-t-on à Matignon.

 " Les choses avancent, le lancement de cette organisation en filière de 34 projets industriels s'est fait en un temps record, on voit déjà les premiers résultats ", a assuré le Premier ministre.

A quoi peut servir ce plan, qualifié par les plus pessimistes de plan de la dernière chance pour l'industrie française ? " Ce plan fait partie d'un tout. Il vient compléter les initiatives passées, comme le Pacte de compétitivité inspiré du rapport Gallois, la Nouvelle donne de l'innovation , le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi [CICE] et à venir comme le Pacte de responsabilité ", précise-t-on à Matignon

Mobiliser les forces vives

Concrètement, il s'agit pour l'exécutif de mobiliser toutes les forces vives, c'est-à-dire les industriels et le secteur de services associés, le monde de la recherche publique et privée, afin que l'industrie tricolore soit la mieux armée pour lutter contre la concurrence sur les nouveaux marchés à l'horizon 2020. " La France a des atouts indéniables dans certains secteurs actuellement dynamiques. Il faut capitaliser dessus pour être capable d'être compétitif sur le long terme. La mobilisation doit commencer dès aujourd'hui car il s'agit pas de présenter des prototypes dans cinq ans mais des produits compétitifs sur des marchés en plein essor ", explique-t-on dans l'entourage du Premier ministre.

L'Etat est-il indispensable ?

Cette initiative amène une question : sans l'Etat, les industriels auraient-ils été incapables de détecter les marchés du futur proche et par conséquent d'activer leurs divisions de recherche et développement ? C'est probablement le cas pour les sous-traitants industriels qui participent à ces projets. Mais c'est à démontrer. Peut-on, en revanche, imaginer une seule seconde que Peugeot ou Renault aient attendu l'Etat et le ministère du Redressement productif pour accélérer leurs travaux de recherche sur la voiture pour tous consommant moins de 2 litres aux 100 kilomètres, ou que Bolloré ne poursuive pas ses efforts dans le domaine des bornes électriques de recharge ? On peut en douter, un petit peu.

Les chefs de projet sont enthousiastes

Néanmoins, interrogés, les chefs de projet sont unanimes: l'action de l'Etat a indéniablement joué un rôle de facilitateur et d'accélérateur. " Dans le domaine des satellites à propulsion électrique, nous avons gagné trois à quatre temps sur notre programme de marche. Sur un marché ultra-concurrentiel comme le notre, ce gain de temps peut-être vital ", explique Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d'études spatiales (CNES). Jean Botti, le directeur de l'innovation d'Airbus Group souligne également l'importance de l'Etat dans sa capacité à réunir tous les acteurs, parfois concurrents, d'une même filière.

Peut-on en déduire que les participants à ces plans, dont certains sont des multinationales, jouent carte sur table et dévoilent à leurs concurrents leurs propres travaux de recherche pour produire en commun les produits du futur tout en sauvant le made in France ? Peut-être…

Un cadre règlementaire et normatif à créer

Pour les participants, le rôle de l'Etat est également important dans sa capacité à créer le cadre règlementaire et normatif du futur. " De ce point de vue également, l'Etat joue un rôle d'accélérateur car ce ne sont pas les industriels et les chercheurs qui ont la main sur ces questions ", déclare Florence Lambert, la directrice du laboratoire Innovation des technologies de l'énergie du Commissariat à l'énergie atomique (CEA-Liten), chef du projet Autonomie et puissance des batteries.

Dans le domaine financier, l'Etat semble également indispensable. En effet, si certains projets ne nécessitent sont peu gourmands en capitaux - c'est par exemple le cas du projet Autonomie et la puissance des batteries pour lequel l'Etat pourrait injecter 10 millions d'euros, d'autres nécessitent un effort important que les seuls industriels ne peuvent assumer. Le coût du maillage complet des territoires en bornes électriques de recharge est estimé à au moins 1 milliard d'euros.