Politique budgétaire : les deux options de François Hollande

Par Ivan Best  |   |  870  mots
L'exécutif peut accentuer les économies dans les dépenes, afin de financer les nouveaux allègements d'impôts et charges annoncés. Il peut aussi, deuxième option, destinée à donner de l'air à l'économie, renoncer pour partie aux 50 milliards d'euros annoncés de coupes dans les crédits publics, et financer entièrement les baisses d'impôts par le déficit . François Hollande naviguera entre ces deux options extrêmes

L'engagement avait été pris par François Hollande pour 2013. Puis pour 2015. Ce sera -sans doute ?- pour 2016. Voire 2017 ? Il s'agit bien sûr de la réduction du déficit public sous les 3% du PIB, limite fixée à Maastricht.

Comment croire qu'il est possible de passer d'un niveau de 4,3% du PIB, constaté en 2013, à 2,8% en 2015, comme c'est encore officiellement prévu, jusqu'à la présentation du nouveau programme de stabilité courant avril ? Compte tenu de ce chiffre pour 2013, et d'une croissance encore très molle, la tendance actuelle du déficit est sans doute plus proche des 4% du PIB que des 3,6% annoncés en septembre, pour 2014. Comment ramener cette impasse de 4% à 2,8% en une seule année, pour respecter l'échéance de 2015, sans hausses d'impôts, et avec des baisses de dépenses servant à financer des allègements de prélèvements obligatoires ? Equation impossible.

 Négociations difficiles à Bruxelles

Ce sera donc pour plus tard, même si cela passe par des négociations difficiles à Bruxelles. C'est le sens de la phrase de François Hollande, lundi soir, Hollande qui entend mettre en avant les réformes engagées en France, en faveur de la compétitivité,  pour obtenir ce délai : « le gouvernement aura aussi à convaincre l'Europe que cette contribution de la France à la compétitivité et à la croissance doit être prise en compte dans le respect de ses engagements ».

 Deux options pour une politique budgétaire

La question, pour François Hollande et son nouveau Premier ministre, n'est donc plus de savoir si les déficits rentreront dans les clous de Maastricht dès l'an prochain, se rapprochant de l'équilibre budgétaire, imposé par les traités européens - ce ne sera pas le cas, c'est acquis-, la question est celle de la politique budgétaire désormais mise en œuvre.

Grosso modo, deux options se présentent à l'exécutif. La première est de continuer dans la voie tracée ces derniers mois. Autrement dit, de gager les allègements fiscaux annoncés -pour les salariés, une baisse, mise en œuvre rapidement, des cotisations sociales et un allègement d'impôt avant 2017, pour les entreprises, diminution des charges et allègement de la taxation des bénéfices- par autant d'économies budgétaires. Cela suppose d'aller au-delà des 50 milliards d'euros de coupes dans les dépenses publiques annoncés pour la période 2015-2017.

Les keynésiens pour les baisses de charges, mais contre les coupes dans les dépenses

Soit, deuxième option, compte tenu d'une croissance trop faible, François Hollande renonce à une grande partie des économies, comme l'y incitent certains économistes keynésiens : les experts de l'OFCE approuvent ainsi l'idée d'alléger les charges des entreprises, afin de les aider à rétablir leurs marges, mais sans que ces baisses des recettes publiques soient compensées par des coupes dans les dépenses.

C'est l'option « la rigueur ne marche pas », la meilleure façon de réduire le déficit, c'est de donner de l'air à l'économie. De fait, les données publiées lundi matin par l'Insee concernant le déficit de 2013 apportent de l'eau à ce moulin. Alors que François Hollande avait imposé un plan de rigueur à hauteur de 40 milliards d'euros (deux points de PIB) , fait avant tout de hausses d'impôts, le déficit public n'a été réduit que de… 11,1 milliards. Le constat est alarmant concernant les recettes. Alors que les impôts ont été augmentés de quelque 35 milliards d'euros, les  prélèvements obligatoires effectivement encaissés n'ont progressé que de 31 milliards. Autrement dit, la très légère croissance (+0,3% en volume pour le PIB, soit 1,3%, tout de même, en valeur) n'a produit aucune recette. Inquiétant.

Défendu par de nombreux députés à la gauche du PS, ce choix de moins couper dans les dépenses, notamment pour préserver le modèle social (60% des dépenses publiques sont à caractère social)  repousse apparemment la réduction des déficits. Pas tant que ça, aux dires des keynésiens, puisqu'il permet de renouer plus rapidement avec la croissance, gage de recettes fiscales en hausse, pour le coup.

 Entre ces deux options

François Hollande naviguera sans doute entre ces deux options, entre la rigueur poursuivie et le vrai bol d'oxygène. Il l'a laissé entendre lundi soir. « Le gouvernement aura à mettre en œuvre le programme d'économies budgétaires que j'ai annoncé », a-t-il déclaré. Soit les 50 milliards d'euros évoqués en janvier. Mais, a poursuivi le chef de l'Etat, « il ne s'agit pas de faire des économies pour faire des économies. Il ne peut être question de fragiliser la croissance qui repart. Il s'agit de transformer notre Etat. Il s'agit de réformer l'organisation de nos territoires. Il s'agit de préserver notre modèle social. Bref, d'être plus juste et plus efficace. »

Autrement dit, pas question de courir outre mesure après les économies. Une grande partie des allègements supplémentaires d'impôts seront financés par l'emprunt, ou, en 2016-2017, par une hypothétique croissance retrouvée.
Depuis le début de son quinquennat, François Hollande parie sur une amélioration de la conjoncture, à terme.