Pour l'OFCE, l'objectif des 3% de déficit va lourdement peser sur la croissance

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  822  mots
Selon l'OFCE, l'emploi ne se rétablira pas avant 2015... et encore
Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la légère reprise de la croissance attendue en 2014/2015 ne profitera pas à l'emploi. Et la marche forcée vers l’objectif des 3% de déficit va peser sur la reprise.

Ce n'est pas un optimisme béat qui caractérise les perspectives économiques 2014/2015 de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le très keynésien institut lié à Sciences Po Paris, fidèle à ses paradigmes, estime en effet que les politiques d'austérité menées depuis 2011 vont continuer de peser sur la croissance… et l'emploi.

Selon les dernières projections de l'OFCE, en 2014 et 2015, le PIB français croîtrait respectivement de 1,2 % et 1,6%. Des prévisions certes supérieures à celles escomptées il y a quelques mois. Mais, pourtant, selon les économistes de l'Observatoire :

« la prévision décrite ici ne peut pour autant être qualifiée de reprise, ni même d'optimiste, car elle ne repose pas sur la hausse de l'emploi, la distribution de revenu, l'accélération de la consommation et la reprise de l'investissement par le jeu de l'accélérateur ».

Les entreprises vont prioritairement rétablir leurs marges

Comment expliquer ce phénomène ? En fait, les entreprises profiteraient de ce regain de croissance procuré par le relâchement de l'austérité pesant sur elles - notamment via le pacte de responsabilité - pour restaurer progressivement leur situation financière. Or, cette stratégie repose prioritairement sur l'augmentation de la productivité. D'autant plus que les entreprises disposent de marges de capacité de production sans investir qui pourront être intensifiées. Par ailleurs, selon l'Observatoire, les entreprises françaises se sont plutôt moins séparées de leurs salariés par rapport à leurs homologues européennes depuis le retournement conjoncturel de 2011. Il resterait un "suremploi de 190.000 salariés", essentiellement dans l'industrie.

La courbe du chômage va continuer de légèrement se dégrader

Résultat, en contrepartie de cet ajustement « il ne faudra pas attendre de la croissance une reprise des embauches ». Pis, selon l'OFCE, la France perdra encore des emplois marchands cette année avec 43.000 postes en moins par rapport à 2013. Heureusement, il y aura 115.000 emplois aidés de plus dans le secteur non-marchand. In fine, cependant, il n'y aurait toujours pas d'inversion du chômage… avec, au contraire, 61.000 chômeurs supplémentaires par rapport à 2013 et le taux de chômage s'établirait à 10%, contre 9,8% fin 2013. Le sursaut devrait être plutôt pour 2015… mais il serait très limité.

 Déficit: objectif 3%...

Bien entendu, l'OFCE s'est également penché sur « LE » sujet du moment, à savoir l'état des finances publiques et la marche forcée vers l'objectif à la fin 2015 de contenir le déficit à 3% du PIB. Etant entendu que les projections de l'Observatoire ont été réalisées avant la révélation par Manuel Valls, mercredi 16 avril, de son plan pour freiner les dépenses de 50 milliards d'euros. Même si l'OFCE avait anticipé ce "choc" de 50 milliards mais sans en connaître la structure.

Fin 2013, le déficit budgétaire s'élevait à 4,3% du PIB, après 4,9% en 2012, soit une baisse effective de 0,6 point. Pour l'OFCE, cette performance est  «décevante au vu de l'effort budgétaire de 1,7 point de PIB [soit environ 35 milliards d'euros] mis en œuvre en 2013, dont 1,4 point par le biais d'une hausse des prélèvements obligatoires ». Soit l'effort budgétaire annuel le plus important mis en œuvre depuis la mise en place de la rigueur budgétaire.

... via la contraction des dépenses...

En 2014/2015, le gouvernement poursuivra l'ajustement budgétaire engagé depuis 2010. Mais, souligne avec justesse l'OFCE, « la structure de la rigueur va changer, avec cette fois un accent mis sur la réduction de la dépense publique plutôt que sur l'augmentation des prélèvements obligatoires » Ces derniers ne progresseraient que de 0,15 point. Mais cette apparente stabilité des prélèvements cache de fortes disparités, puisque la fiscalité sur les ménages va s'alourdir de 12,6 milliards d'euros, principalement sous l'effet de la hausse de la TVA (5,4 milliards d'euros) et de la hausse de l'impôt sur le revenu (3,8 milliards). Simultanément, le CICE va restituer aux entreprises 7,5 milliards d'impôts sur les bénéfices.

... qui va peser sur la croissance et l'emploi

Par ailleurs, en 2014, des économies à hauteur de 15 milliards d'euros seront réalisées par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses. Selon l'OFCE:

« il résulterait de cet effort une évolution des dépenses publiques de 1,7 % en valeur sur l'année 2014, et de 0,4 % en volume. Une telle évolution des dépenses publiques représenterait un effort sans précédent, puisque l'évolution de la dépense des administrations publiques était de 4 % l'an en valeur entre 2000 et 2007, et de 2,5 % sur les trois dernières années ».

Selon l'observatoire, cette marche forcée pourrait conduire à un solde public égal à 3,7% à la fin 2014 et… à 3% fin 2015, l'objectif serait donc tenu. Mais à quel prix ! L'impulsion budgétaire, c'est-à-dire les conséquences de la politique budgétaire menée sur l'évolution de la croissance, serait de -0,7 point de PIB en 2014 et -0,6 en 2015. Et le taux de chômage resterait aux alentours de 10% de la population active…