Des députés de la majorité adressent une lettre contre l'austérité à Manuel Valls

Par Romain Renier  |   |  655  mots
L'aile gauche du parti socialiste craint que la réduction des dépenses publiques ne vienne freiner la reprise et les chances de réduction du taux de chômage. (Photo : Reuters)
Une douzaine de députés a signé une lettre appelant le Premier ministre Manuel Valls à revenir sur son objectif de réduction des dépenses de 50 milliards d'euros d'ici à 2017. Seloneux, au delà de 35 milliards, la facture risque d'être salée pour les électeurs.

"Au delà de 35 milliards, nous croyons que reculs sociaux et mise à mal des services publics seront inéluctables." C'est le message qu'ont lancé aujourd'hui une douzaine de députés de la majorité, qui contestent le plan d'économies de 50 milliards d'euros d'ici à 2017 dans une lettre adressée jeudi à Manuel Valls.

Le plan d'économie "contraire aux engagements pris devant les électeurs"

S'exprimant "au nom de l'appel des cents" députés qui avaient déjà exhorté l'exécutif à mener une politique en faveur de la croissance avant le vote de confiance au gouvernement, ils estiment "dangereux économiquement" ce plan de réduction des dépenses car il conduira inéluctablement à une asphyxie de la reprise et de l'emploi. Selon eux, un tel engagement pour contenter les partenaires européens et Bruxelles, serait contraire aux "engagements pris devant (les) électeurs".

Parmi les signataires de cet appel à l'exécutif, on trouve notamment les députés aubrystes Christian Paul et Jean-Marc Germain, mais aussi Laurent Baumel, Pouria Amirshahi, ou encore le vice-président de la commission des Finances et économiste, Pierre-Alain Muet.

D'autres élus, qui ne sont pas signataires de la lettre, ont tenu par ailleurs à apporter leur soutien à cette démarche. C'est le cas notamment de la sénatrice Marie-Noëlle Liennemann, de l'aile gauche du parti socialiste, qui considère que la "la résorption massive des déficits et le suivi de la feuille de route imposée par Bruxelles constitueraient un handicap majeur pour le redressement de l'économie française".

Décaler l'objectif de 3% dans le temps

"Nous nous opposons au gel des prestations sociales, qui atteindrait des millions de familles modestes", déclarent les onze députés après l'annonce mercredi par Manuel Valls de son plan de 50 milliards d'économies.

En outre, l'effort demandé aux collectivités locales "fait courir le risque de briser l'investissement local", préviennent ces députés, qui demandent de le ramener à 5 milliards, au lieu de 11 milliards prévus. Ils estiment que des "marges de manoeuvre nouvelles" peuvent être dégagées, en particulier "en présentant, dans le pacte de stabilité, une trajectoire plus crédible de réduction des déficits". "L'objectif de passer sous la barre des 3% (du PIB) pourrait être maintenu mais décalé dans le temps", selon eux. Egalement sur les aides aux entreprises, "on peut faire mieux avec moins", suggèrent-ils en proposant de réduire de 30 à 20 milliards le montant des baisses de cotisations prévues.

Ces élus veulent "aller plus loin et plus vite sur le pouvoir d'achat", avec "un effort supplémentaire de 5 milliards d'euros", et demandent de débloquer "une enveloppe de 1 milliard d'euros pour 50.000 emplois d'avenir supplémentaires et un plan pour les chômeurs de longue durée". En clair, les députés appellent l'exécutif à ménager la demande intérieure, principale moteur de la croissance en France.

L'OFCE craint aussi pour la croissance et l'emploi

Un peu plus tôt dans la journée, l'Observatoire français de conjoncture économique (OFCE) en est lui aussi allé de sa critique à l'encontre d'une réduction des dépenses trop violente induite par le maintien de l'objectif d'un déficit public à 3% fin 2015.

Selon l'Observatoire, un plan de 50 milliards d'euros permettrait bel et bien d'atteindre les objectifs de réduction des déficits. Mais cela se traduirait par une perte de -0,7 point de PIB dés 2014, et de -0,6 point de PIB en 2015. Le taux de chômage, qui ne bénéficierait pas de la faible reprise surtout favorable à la reconstitution des marges pour les entreprises, resterait durablement au dessus des 10%. Bref... comme on pouvait s'y attendre, le plan présenté par Manuel Valls ne fait pas l'unanimité à gauche et chez les économistes keynésiens de l'OFCE.

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