Programme de stabilité : La France peut-elle tenir ses objectifs ?

Par Fabien Piliu  |   |  840  mots
Michel Sapin, le ministre des Finances table sur une hausse du PIB de 2,25% en 2016 et 2017.
Pour respecter ses engagements vis-à-vis de Bruxelles, le gouvernement a révisé à la hausse ses prévisions de croissance et abaissé ses objectifs de réduction de déficit public. Pourtant, en dépit de ces précautions, la tâche s’annonce ardue.

Quand la pente est trop dure, pourquoi ne pas choisir un parcours moins abrupt et s'offrir un petit remontant ? C'est exactement ce que le gouvernement a décidé de faire en présentant le programme de stabilité de la France sur la période 2014-2017 qui sera voté par le Parlement mardi prochain et transmis à Bruxelles le 7 mai.

Concrètement, le déficit public devra atteindre 3,8% du PIB en 2014 et non plus 3,6% comme initialement annoncé. Pour atteindre cet objectif, 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires viendront s'ajouter aux 50 milliards d'euros déjà prévues et annoncées la semaine dernière par manuel Valls, le Premier ministre.

En 2015, Michel Sapin, le ministre des Finances se laisse également une petite marge de manœuvre. Le déficit public devra atteindre 3% du PIB et non plus 2,8%. Ensuite ? Le déficit public serait abaissé à 2,2% en 2016 et à 1,3% en 2017. Quant à la dette publique, elle se stabiliserait à 95,6% du PIB en 2015 avant de reculer progressivement chaque année pour atteindre 91,9% du PIB en 2017.

Les effets de la politique de l'offre

Pour atteindre ces objectifs communautaires, le gouvernement ne compte pas seulement sur l'austérité. Il fonde beaucoup d'espoirs sur sa politique de l'offre mise en place dès novembre 2012 dans le cadre du Pacte de compétitivité puis renforcée par le Pacte de responsabilité et ses allègements de charges des entreprises. Or, le Haut Conseil des finances publiques remet en cause ces anticipations. Selon l'institution de contrôle des engagements budgétaires de la France créée en application du traité budgétaire européen, rien n'indique que l'impact négatif sur la croissance de l'ajustement structurel prévu par le gouvernement d'ici à 2015 - 0,8 point, puis de 0,5 jusqu'en 2017 - soit compensé par les baisses de charges accordées aux entreprises prévues par le pacte de responsabilité. "Ce scénario suppose un enchaînement favorable où l'effet de la confiance restaurée permettrait de jouer sur les baisses de prélèvements, l'emploi, le pouvoir d'achat et l'investissement des entreprises", explique ainsi le Haut Conseil des finances publiques. Or, " les effets d'entraînement de la politique de l'offre pourraient survenir avec retard, d'autant plus que les mesures d'économies sont concentrées sur le début de la période 2015-2017 ", ajoute-t-il.

Baisser le taux de chômage, la priorité

En dépit de ces aléas, le gouvernement mise néanmoins sur un retour progressif de la croissance, le fameux petit remontant dont dépend la baisse du taux de chômage. Une baisse du taux de chômage qui conditionne l'avenir politique de François Hollande. "Si le chômage ne baisse pas d'ici à 2017, je n'ai, ou aucune raison d'être candidat, ou aucune chance d'être réélu", a déclaré la semaine dernière le chef de l'État lors d'un déplacement à Clermont-Ferrand. En clair, il espère maintenant que l'objectif d'inverser la courbe du taux de chômage qui devait être atteint fin 2013, le soit avant mai 2017. Selon les calculs de François Rebsamen, le ministre du Travail, le Pacte de responsabilité permettrait la création de 190.000 emplois d'ici 2017.

En 2014, après avoir visé une hausse de 0,9% du PIB, Bercy table désormais sur une croissance de 1%. L'objectif semble atteignable. Fin juin, l'acquis de croissance devrait déjà s'élever à 0,7%. En 2015, la prévision de croissance, fixée à 1,7 %, est en revanche inchangée. Ces prévisions sont-elles réalistes ? Le Haut Conseil des finances publiques a jugé ce mercredi que la prévision de croissance du gouvernement en 2014 était "réaliste". Et en 2015 ? Elle n'est pas "hors d'atteinte". Le propos est donc nuancé. En revanche, le Haut conseil présidé par Didier Migaud estime optimistes les prévisions de croissance pour 2016 et 2017 relevées de 2% à 2,25%. " Le Haut Conseil juge optimiste le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2016-2017, car il repose sur des hypothèses favorables tant pour le soutien apporté par l'environnement international que pour le dynamisme de la demande intérieure. En particulier, le contexte de faibles marges des entreprises françaises pourrait conduire à une croissance moins dynamique de la masse salariale marchande et de l'investissement productif ", précise l'institution.

La faute de l'euro fort ?

Le gouvernement est-il persuadé d'atteindre ces objectifs ? Lors de son audition devant les députés de la Commission des finances de l'Assemblée nationale ce mercredi matin, le ministre des Finances Michel Sapin a pris quelques précautions, peut-être pour prévenir un nouveau dérapage des finances publiques ou pour anticiper une croissance plus faible que prévu. "La France (et ses partenaires) souffrent d'un niveau trop élevé de l"euro", a-t-il déclaré, rappelant que la Banque centrale européenne (BCE) s'était dite "prête à injecter des liquidités" pour empêcher toute appréciation supplémentaire. "C'est une chance que nous devons saisir ", a-t-il poursuivi même si l'appréciation de l'euro "ne devait pas être une excuse pour ne pas engager de réformes destinées à renforcer la compétitivité des entreprises françaises".