Disparition des commerces de centre ville : la fédération de l'habillement lance un cri d'alarme

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1032  mots
La Fédération de l'habillement a rédigé un "Plan Marshall" pour sauver le commerce de centre-ville en gand danger
La Fédération nationale de l'Habillement a rédigé un "plan Marshall" du commerce de centre-ville pour sauver l'emploi dans ce secteur, très menacé. Ce plan en 58 points prône un allègement des cotisations sociales patronales et la simplification de la fiscalité mais aussi un arrêt complet des projets commerciaux en périphéries.

Bernard Morvan, le président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH), a décidé de sonner le tocsin : Le commerce de centre-ville se meurt ! Et avec sa disparition c'est non seulement toute l'animation des villes en régions qui décline mais, surtout, ce sont des dizaine de milliers d'emplois qui disparaissent. Aussi, depuis le mois de mars, le président de la FNH a décidé de prendre son bâton de pèlerin et de faire le forcing auprès des pouvoirs publics - du ministère de l'Economie à L'Elysée en passant par Bruxelles - pour tirer la sonnette d'alarme. Mais pas question d'arriver les mains vides, il faut des propositions concrètes.

Un "Plan Marshall"en 58 points pour le commerce de centre-ville

Pour ce faire, la FNH qui représente 39.000 boutiques employant 100.000 actifs, dont 80.000 salariés , a décidé de rédiger un document dénommé le « Plan Marshall  pour le commerce indépendant de centre-ville » qui a reçu le soutien d'autres Fédérations patronales concernées, telle la Fédération de la chaussure ou celle de la maroquinerie. Un plan en 58 points concrets pour tenter de redonner une chance au commerce de proximité.

Et, manifestement, il y a le feu. Selon des données de la FNH, dans le textile-habillement, 13.000 entreprises ont disparu en 2013, soit 31.000 emplois détruits, 4.000 pour les entreprises individuelles et 27.000 emplois salariés. Pis, pour la sixième année consécutive, les ventes dans les commerces indépendants de l'habillement ont baissé, notamment de plus de 2 points entre 2013 et 2012. Quant au chiffre d'affaire moyen d'une boutique employeuse, il a baissé de 8,5% en 2012 par rapport à 2010, passant de 366.000 euros à 335.000 euros. Par ailleurs, donnée peu connue, 17% des dirigeants de ces TPE ont un revenu inférieur au Smic, et près d'un tiers gagne entre 16.500 et 33.000 euros par an.

Comment expliquer une telle dégradation. Le plan Marshall de la FNH y voit de multiples raisons : la baisse de la consommation et la hausse de la fiscalité pesant sur les consommateurs ; la pression fiscale et sociale sur les commerçants, quelle soit nationale ou locale; la saturation des surfaces commerciales en périphérie qui a eu pour conséquence de vider les centres-villes ; etc.

 Urgence donc. La FNH demande aux pouvoirs publics « de mener au plus vite des actions concrètes afin de sauver des dizaines de milliers d'emplois menacés »… Les propositions de la FNH s'adressent à plusieurs acteurs : les commerçants eux-mêmes, les élus locaux et les pouvoirs publics.

 La FNH demande le gel absolu des projets commerciaux dans les périphéries

Les commerçants, reconnaît la FNH, doivent se prendre en main et moderniser leurs commerces; proposer des services complémentaires et des offres différenciées. Ils doivent aussi saisir les opportunités offertes par le net, via, par exemple, l'élaboration « d'un site vitrine qui présente avantageusement l'offre ». Les commerçants devraient aussi  être capables de se regrouper. Ils doivent aussi dynamiser le commerce de centre-ville en organisant des évènements.

Quant aux élus locaux, ils sont appelés à « avoir une meilleure connaissance de la vacance des locaux commerciaux dans les centres-villes pour prévenir la désertification ». Pour ce faire, ils devraient notamment créer des « managers de centre-ville » qui joueraient le rôle d'intermédiaire entre les commerçants et la municipalité.

Mais, surtout, point central, la FNH demande le gel absolu « des projets commerciaux en périphérie des villes », et d'intégrer « dans les plans locaux d'urbanisme des obligations de diversité commerciale en faveur des commerces de détail ou de proximité ».

 De nouveaux allègements de cotisations patronales

Le gros morceau est destiné, bien sûr, aux pouvoirs publics. La FNH n'hésite pas à formuler des propositions provocantes ou dérogatoires au droit existant. En matière sociale, notamment.

Ainsi, sur la durée du travail, en l'absence d'accord de branche, la Fédération souhaite que l'employeur d'une TPE puisse mettre en place un dispositif d'aménagement de la durée du travail, par décision unilatérale, approuvé par referendum des salariés concernés. Très concrètement, la FNH s'oppose à la disposition qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet qui oblige à respecter un temps partiel minimum hebdomadaire de 24 heures. Pour Bernard Morvan "cette disposition absurde peut tuer de l'emploi".

La FNH souhaite aussi que les mesures d'exonérations dégressives des cotisations patronales entre 1 et 1,6 Smic - dispositif « Fillon »- soient complétées par un allègement supplémentaire qui viserait les salaires supérieurs. Une disposition déjà reprise en partie dans le cadre du Pacte de responsabilité.

Elle préconise aussi de remettre en place la mesure « zéro charge » d'aide à l'embauche dans les TPE. Là aussi, le Premier ministre Manuel Valls vient en partie de répondre à ce souhait, au niveau du Smic en tout cas. La Fédération souhaite encore que soit « repenser » le Régime social des indépendants (RSI). A cet égard, après une rencontre avec Bernard Morvan la semaine dernière, l'Elysée s'est dit d'accord  pour créer un groupe de travail sur la question pour faire mieux fonctionner le RSI.

Des réponses demandées avant le 31 juillet

Sur le plan fiscal, outre un allègement de la fiscalité locale (via notamment un réexamen des règles régissant les bases locatives pour les baux commerciaux), la FNH plaide pour l'institution d'un statut juridique unique pour les commerçants indépendants. En l'occurrence, il s'agirait du statut d'Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Le plan « Marshall » demande aussi le maintien des délais de paiement en vigueur, car un raccourcissement de ces délais entraînerait des complications pour la comptabilité des commerçants.

La FNH va maintenant faire connaître son plan au niveau local mais elle souhaite surtout des premières réponses du gouvernement de façon urgente. « En tout cas avant le 31 juillet, prévient Bernard Morvan, car il y a un tel ras-le-bol chez les commerçants qu'en l'absence de mesures, j'ai peur que celà puisse déboucher sur des débordements ».