Demain matin, la France sera plus riche !

Par Fabien Piliu  |   |  905  mots
Selon l'Insee, l'augmentation du niveau du PIB provoquée par ces révisions comptables pourrait être de 1 à 4 points de PIB
Demain jeudi, l’Insee publiera une nouvelle version des comptes nationaux, actualisée et modifiée. L’immatériel sera désormais considéré comme de l’investissement. Les ratios qui prennent le PIB pour dénominateur reculeront donc.

Demain, jeudi 15 mai, le niveau du PIB français devrait décoller brutalement. Des gisements de pétrole ont-ils été détectés dans l'Hurepoix ? Une entreprise française lancera-t-elle une innovation de rupture révolutionnant des pans entiers de l'économie mondiale ? Même pas. Demain, l'Insee publiera une nouvelle version des comptes nationaux, actualisée sur les trois dernières années, et reposant sur une nouvelle base qui prend en compte les modifications de tous les grands agrégats (PIB, consommation, investissement…). Conséquence de ces modifications comptables, « il en résultera une révision substantielle à la hausse du niveau du PIB, pour un impact nettement plus modeste sur les taux d'évolution ".

Selon les estimations de l'Insee, l'augmentation du niveau du PIB pourrait être de 1 à 4 points de PIB, 1 point de PIB représentant 20 milliards. Conséquence, les ratios qui prennent le PIB pour dénominateur reculeront précise l'Insee, notamment ceux qui auront le déficit public, la dette publique et les prélèvements obligatoires au numérateur.

Les exercices 2011, 2012 et 2013 révisés

Plusieurs changements interviendront. Les données macroéconomiques des comptes nationaux seront actualisées sur les trois dernières années, soit 2011, 2012 et 2013, afin de tenir compte des nouvelles informations arrivées depuis le précédent millésime des comptes nationaux. Les concepts qui gouvernent l'établissement de ces chiffres feront aussi l'objet d'un toilettage lié à changement de base - de 2005 à 2010 -, entraînant la modification de la définition exacte de nombreuses données et le contour de tous les grands agrégats (PIB, consommation, investissement, solde des administrations publiques,...).

Concrètement, à partir de demain, lors de la publication de la base 2010, les actifs produits, entendus comme les biens matériels ou immatériels utilisés de façon répétée et continue dans des processus de production pendant plus d'un an, verront leur périmètre élargi pour inclure, au titre de la propriété intellectuelle, un certain nombre d'actifs immatériels comme les résultats des activités de recherche et développement (R&D), les bases de données, et les biens d'équipement à usage exclusivement militaire. " On entend par là les navires, sous-marins, avions, blindés ainsi que certains missiles à fort pouvoir destructeur équipant les forces armées ", explique l'Insee.

La consommation intermédiaire est prise en compte

En étendant le périmètre des actifs produits, les dépenses engagées pour acquérir ces actifs - dépenses de R&D, achats de base de données ou d'équipements militaires - sont dorénavant comptabilisées en formation brute de capital fixe (FBCF), c'est-à-dire en investissement, et non plus en consommation intermédiaire. Le PIB est relevé d'autant.

Jusqu'à présent, la consommation intermédiaire, c'est-à-dire la valeur des biens et services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production, n'était pas prise en compte dans le calcul la valeur ajoutée et le PIB. " L'augmentation de la valeur ajoutée concerne aussi bien les administrations publiques, pour les achats de systèmes d'armes ou le financement de la R&D non marchande, que les sociétés non financières, pour la R&D marchande et les bases de données ", détaille l'Institut.

Le poids de l'immatériel est désormais reconnu

Pourquoi ce changement ? L'Insee appliquera les nouvelles normes de comptabilité nationale édictées par le Système de comptes nationaux (SCN 2008) et sa déclinaison européenne, le Système européen de comptes (SEC 2010). " Le cadre comptable doit en effet s'adapter pour refléter au mieux les mutations de l'économie. Traiter en investissement les dépenses de R&D permet par exemple de mieux rendre compte du poids de plus en plus important des actifs tirés de la propriété intellectuelle dans l'économie d'aujourd'hui ", explique l'Institut.

Cette prise en compte de l'immatériel suit les nombreuses recommandations d'experts et d'institutions pour une meilleure prise en compte de l'immatériel dans la création de richesses.

Créée en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, menée par  les économistes et prix Nobel Joseph E. Stiglitz, de l'université de Columbia, et Amartya Sen, de l'université de Harvard,  ainsi que Jean-Paul Fitoussi, de l'Institut d'Études Politiques de Paris, président de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE), faisait notamment fait des propositions sur ce point.

La France suit le mouvement

Aux Etats-Unis, la récente révision quinquennale de la comptabilité nationale permet également d'évaluer le PIB différemment. Ainsi, depuis le 31 juillet, le Bureau of Economic Analysis (BEA) - l'équivalent américain de l'Insee - inclut l'apport de la production intellectuelle afin de reconnaître les dépenses en recherche et développement, dans le domaine du divertissement, de la création littéraire et artistique comme des investissements à part entière. Les États-Unis ne sont pas les seuls à appliquer ce changement de méthode comptable, recommandé par les Nations unies en 2008. L'Australie et le Canada l'ont également adopté.

Les pays européens devant suivre en 2014 - ils doivent transmettre les données harmonisées avancent septembre à la Commission européenne -, la France ne sera pas la seule pays à voir son stock de richesses augmenter cette année.