Pour les classes moyennes, l'impôt est en France l'un des moins progressifs des pays de l'OCDE

Par Ivan Best  |   |  740  mots
Taux d'imposition pour un couple avec deux enfants, revenu égal à deux fois le salaire moyen. Source: OCDE
Contrairement à une idée reçue, les classes moyennes françaises sont parmi les moins taxées des pays industriels, au moins s'agissant de l'impôt sur le revenu, selon l'OCDE.

 C'est entendu, mis en avant aussi bien par les députés UMP qui ne manqueront pas de le souligner pendant le débat sur le collectif budgétaire, ces lundi et mardi, que par des experts de gauche, peu suspects de "dérive libérale", comme Henri Sterdyniak, la France a l'un des systèmes fiscaux les plus progressifs. Cela tient notamment à la forte hausse de la taxation des revenus du patrimoine décidée à la fois par Nicolas Sarkozy, qui a fait passer les prélèvements sociaux sur ces revenus de 10% à 15,5%, et François Hollande, qui les a soumis au barème de l'impôt (certes, avec de sérieux aménagements).

Un impôt sur le revenu concentré sur une petite minorité

Mais cette progressivité vaut surtout pour les plus aisés des ménages, bénéficiaires principaux des revenus du patrimoine. Qu'en est-il pour la fameuse classe moyenne, dont l'opposition ré-affirme qu'elle est étranglée par les impôts ? L'idée prévaut que l'impôt sur le revenu est, en France, beaucoup plus progressif qu'ailleurs, c'est-à-dire qu'il s'alourdit fortement et rapidement à mesure que l'on monte dans la hiérarchie des revenus. Plus de la moitié des ménages sont exonérés, souligne-t-on, les autres sont donc véritablement pressurés. Ainsi, les 10% de foyers fiscaux aux plus hauts revenus, qui touchent 34% du total du revenu imposable acquittent 70% de l'impôt sur le revenu. Mieux : la petite fraction des 1% de foyers les plus aisés paie 31,5% du total de l'impôt, selon les documents remis par Bercy au groupe chargé d'une réflexion sur la réforme fiscale.

 C'est en Grande-Bretagne que la progressivité est la plus forte

Mais on est là bien au-delà de la classe moyenne. Qu'en est-il pour celle-ci ? Est-elle vraiment écrasée par les impôts ? Et quelle est la situation dans les autres pays industriels ?

L'OCDE a consacré récemment une étude à la progressivité de l'impôt sur le revenu, qui permet de comparer la situation française à celle des autres pays industriels, s'agissant des fameuses classes moyennes. L'organisation internationale compare la pression fiscale (impôt sur les revenus, y compris la CSG en France) entre deux niveaux de revenus salariaux : un ménage à faibles ressources (la moitié du salaire moyen) et un appartenant à la classe moyenne (deux fois le salaire moyen).

Que fait apparaître cette comparaison internationale ? Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas en France que la progressivité est la plus forte : c'est au Royaume Uni. Entre ces niveaux de revenu, la taxation progresse très fortement. Pour un couple avec deux enfants (un seul salaire), on passe en Grande-Bretagne d'une taxation négative (c'est-à-dire que le salarié reçoit une subvention de l'Etat à hauteur de 24,5% de sa rémunération initiale), au niveau de la moitié du salaire moyen, à une imposition très significative de 25,7%, lorsque cette famille type atteint deux fois le salaire moyen, selon des chiffres communiqués par l'OCDE à La Tribune.

Une très faible progressivité en France

En France, la progressivité est beaucoup plus faible, c'est d'ailleurs l'une des plus faibles de tous les pays de l'OCDE. En effet, la taxation passe de 4,5% pour la rémunération basse à 12,8% pour le ménage des classes moyennes. Une taxation parmi les plus faibles de tous les pays industriels, pour ce salaire au dessus de la moyenne : elle atteint… 42,9% au Danemark, 31,4% aux Pays Bas, 31,1% en Belgique, 28% en Italie, 16% en Allemagne, et 13,2% aux Etats-Unis (cf graphique) . La moyenne des pays de l'OCDE est de 19,9%, contre 12,8% en France, donc.

L'hexagone affiche donc l'une des progressivités les plus faibles de l'impôt sur le revenu entre ces deux bornes.

Peu de taxation en bas de l'échelle, beaucoup en haut

Comment l'expliquer ? « Cela n'a rien d'étonnant » estime l'économiste spécialiste des questions fiscales Henri Sterdyniak (OFCE). « Notre système taxe très faiblement en bas de l'échelle, il impose fortement les riches, mais il est plat entre les deux ».

Effectivement, si l'on monte dans la hiérarchie des salaires, si l'on considère la taxation globale pour la fameuse catégorie des 1% les plus riches, on obtient des taux de taxation beaucoup plus élevés. Au total, c'est en France que les revenus du patrimoine, qui constituent une bonne partie des ressources des ménages les plus aisés, sont les plus taxés, selon Eurostat.