Le CICE ne sera pas remis en cause, pour l'instant

Par Fabien Piliu  |   |  761  mots
Le Sénat n'a pas adopté le rapport qui plaidait pour une remise à plat du CICE
Les sénateurs ont planché sur l'impact sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. Si le rapport, très tranché, n'a finalement pas été adopté par les élus de la chambre haute du Parlement, ses propositions pourraient être reprises par les partisans d'un recentrage du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Comme le crédit impôt recherche (CIR), le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) fait polémique. La raison est simple : leur coût. Il est évalué à un peu plus de 7 milliards d'euros cette année pour chacun de ces deux dispositifs sachant que le " droit de tirage " des entreprises sur le CICE est fixé à 20 milliards d'euros.

Étant donné la situation des finances publiques et la cure d'amincissement que l'Etat s'est imposée, il est donc bien normal que les élus s'interrogent sur l'efficacité de ce crédit d'impôt en vigueur depuis le 1er janvier.

Des propositions tranchées

Mardi, les sénateurs membres de la Mission commune d'information sur la réalité de l'impact sur l'emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises ont livré leurs conclusions après plusieurs mois de travaux et de discussions au sein de la chambre haute du Parlement.

Elles sont très tranchées. Michelle Demessine, la sénatrice communiste du Nord et rapporteure du rapport est très claire : " le CICE est très coûteux alors même que son efficacité n'est pas établie et qu'il y a des effets indésirables. Je ne demande pas de supprimer ces exonérations, mais de les remettre à plat et de réorienter ce volant d'argent public vers les entreprises qui font des efforts sur les salaires, la formation, l'apprentissage ", a-t-elle déclaré. Pour mémoire, le Comité de suivi chargé de son évaluation, piloté par le Commissariat général à la Prospective, prévoit de donner une évaluation précise des effets du CICE en... 2017.

Ses recommandations ayant été jugées trop agressives, capables de fragiliser des entreprises déjà en souffrance, le rapport n'a pas été adopté par les élus. Au lieu d'un rapport, seules la publication des procès-verbaux des auditions et une synthèse de 5-6 pages résumant la position de chaque groupe parlementaire seront bientôt disponibles.

" Michelle Demessine a choisi d'adopter une position tranchée. Résultat, ce rapport "très punchy" aboutissait à 11 recommandations dont plusieurs groupes étaient très éloignés ", a expliqué Charles Guené, le vice-président du Sénat, sénateur UMP de Haute-Marne.

Un impact difficile à mesurer

Selon les estimations des experts, 800.000 emplois ont été créés ou sauvegardés grâce à ce dispositif, qui permet aux entreprises d'alléger le coût du travail en France. " Depuis 1993, la France a fait des allégements de cotisations la première politique de création d'emploi. Le gouvernement poursuit les mesures d'exonération mais dans un cadre plus global ", a rappelé Yves Daudigny, le sénateur PS de l'Aisne en citant le CICE et le Pacte de responsabilité qui intègre de nouvelles mesures permettant de réduire le coût du travail.

" Il y a nécessairement un effet des exonérations sur l'emploi, même si ce dernier est difficile à mesurer. Si ces exonérations étaient supprimées, les économistes affirment qu'on irait à la catastrophe ", a déclaré Charles Guené après avoir rappelé, d'une part, que les entreprises avaient subi 15 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires en 2013 et, d'autre part, que ce sont les cotisations assises sur les salaires qui permettaient à la France de maintenir un niveau de dépenses sociales élevé. " C'est une situation possible dans un pays fermé, mais qui ne l'est plus aujourd'hui dans une économie mondialisée. Il faut arrêter de tout mettre sur l'entreprise! Notre pays ne doit pas transférer aux entreprises une fonction redistributive qui incombe à l'État ", a-t-il poursuivi.

Le CICE dans le viseur des députés socialistes frondeurs

Reste que les propositions de la sénatrice communiste, aussi tranchées soient-elles, devraient trouver un écho favorable chez les " frondeurs " du Parti socialiste favorable à la mise en place d'une politique économique plus orientée vers la demande. Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014 fin juin, une trentaine de députés socialistes ont déposé des amendements pour revoir les dispositifs d'allègements de charges consentis aux entreprises et notamment le CICE qu'ils auraient voulu recentrer vers les entreprises qui en avaient le plus besoin, notamment les TPE et les PME. Ils souhaitaient également imposer la restitution par l'entreprise des sommes versées au titre du CICE en cas de non respect de ses engagements en matière d'emploi. Non retenus, car non soutenus par le gouvernement, ces initiatives ont été vaines. Pour l'instant.