Racket au CICE : les chefs d'entreprises parlent

Les menaces de Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie et des Finances et d’Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif semblent être sans effet sur certains chefs d’entreprises. Sous couvert d’anonymat, pour ne pas se froisser davantage avec leurs clients, laissant ainsi à la médiation inter-entreprise accomplir sa mission, trois chefs d’entreprises ont décidé de parler, d’évoquer le racket au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dont ils ont été les victimes ces dernières semaines.>> Lire aussi: Crédit d\'impôt compétivité: une fausse bonne idée?Effectif depuis le 1er janvier 2013, le CICE est disponible pour les entreprises imposées d\'après leur bénéfice réel et soumises à l\'impôt sur les sociétés ou à l\'impôt sur le revenu. En 2013, première année de montée en charge, le taux applicable est de 4% de la masse salariale brute supportée au cours de l\'année pour les rémunérations inférieures ou égales à 2,5 SMIC. Il atteindra 6% dès 2014.« La demande a été brutale et autoritaire. En mai, en quelques mots policés, un de nos gros clients appartenant au secteur du luxe nous a indiqué dans un courrier recommandé que l’argent du CICE ne nous appartenait pas. Il me demandait comment je comptais lui rétrocéder une partie du CICE sachant que je devais comprendre l’importance de ma réponse dans les relations commerciales que nous entretenons », explique un dirigeant d’entreprise de travail temporaire basée en PACA qui emploie une soixantaine de salariés permanents et plus de 3.000 intérimaires.Le 22 avril, un autre client, moins important, lui adressait un courrier électronique pour lui réclamer 50% du montant du CICE qu’il s’apprêtait à toucher. Or, pour l’instant, celui-ci n’a fait ni demande de préfinancement du CICE, ni de demande de CICE !\"J’ai pris le risque de leur répondre par la négative\"Egalement à la tête d’une entreprise de travail temporaire, un autre chef d’entreprise a connu une expérience similaire. « Les services comptables d’un de mes clients m’ont également demandé par lettre recommandée ce que je comptais faire pour eux après avoir touché le CICE. Après l’avoir bien mesuré, j’ai pris le risque de leur répondre par la négative. Je n’aurai pas eu la même attitude avec mes clients les plus importants. J’ai également envoyé promener un artisan qui dès mars réclamait ce qu’il considérait comme son dû », explique-t-il.« La pression est constante. Si ce n’est pas par lettre recommandée ou courrier électronique, le sujet est tout le temps évoqué lors des négociations commerciales. Mes apporteurs d’affaires m’expliquent que ce serait bien que je fasse un geste pour être sûr de remporter un appel d’offres ou pour voir prolonger mon contrat avec tel ou tel client. Un grand compte m’a récemment adressé un premier courrier m’expliquant que ce serait bien que je réévalue mes tarifs au regard des différents crédits d’impôts parmi lesquels le CICE, dont bénéficiait l’entreprise. Dans un second courrier adressé quelques jours plus tard, le sigle CICE avait disparu mais le mal est fait, la pression est désormais de mon côté. Je ne sais pas encore comment je vais lui répondre », indique un industriel sarthois. Exemple du courrier reçu par un dirigeant de PME Rupture de la confiancePour les chefs d’entreprises, les conséquences de ce racket sont multiples. « Il y a une rupture de la confiance. Pour agir ainsi, notre client n’a visiblement pas perçu la valeur ajoutée de nos prestations. Il ne se rend pas compte qu’en nous forçant ainsi à rogner le petit supplément de marge que peut nous offrir le CICE, il fragilise mon entreprise », déplore l’un d’entre eux. \"Cette attitude est d\'autant plus inique que nos clients peuvent aussi bénéficier du CICE. Ils peuvent ainsi gagner surles deux tableaux parce que le rapport de force est largement en leur faveur\", poursuit un autre.Qui est le fautif ? Les dirigeants interrogés font preuve d’une relative mansuétude à l’égard de leurs clients. « La concurrence est très sévère, les directeurs des achats et les services comptables sont également sous pression. Plutôt que de les montrer du doigt, il serait plus juste de responsabiliser les directions générales qui leur fixent des objectifs de rentabilité irréalistes », estime un dirigeant.>> Lire aussi: Le CICE est toujours mal connu...mais il serait efficace
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