Le CICE, juste un pansement pour les entreprises ?

Par Fabien Piliu  |   |  825  mots
Selon une étude de l'Insee, les entreprises ont perçu 877 euros en moyenne par salarié
Début septembre, Michel Sapin, le ministre des Finances, avait annoncé qu’il n’y avait pas de lien direct entre CICE et emploi. Ce vendredi, l’Insee annonce que le taux de marge des entreprises devrait reculer cette année.

Pour l'instant, et en attendant les 41 milliards d'allègements de cotisations sociales prévus par le Pacte de responsabilité, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est la principale mesure de soutien aux entreprises décidée par le gouvernement.

Préféré pour des raisons budgétaires à un allègement pur et simple des cotisations sociales patronales et salariales, que préconisait pourtant Louis Gallois, dont le rapport a fortement inspiré le Pacte de compétitivité, le CICE doit permettre de réduire le coût du travail. Un coût du travail dont le niveau, jugé trop élevé, expliquerait selon certains économistes le décrochage de la compétitivité de l'industrie française.

Qu'offre le CICE ? Il concerne toutes les entreprises employant des salariés soumises à un régime d'imposition et qui porte sur la masse salariale n'excédant pas 2,5 SMIC. Il s'élève à 4% en 2013 et passera à 6% à partir de 2014.

Les entreprises ont touché en moyenne 877 euros par salarié

Les premiers versements aux entreprises ont été effectués en août. Quel est le montant moyen ? Selon une étude de l'Insee dévoilée en septembre, il s'élève à 877 euros par salarié dans l'industrie et 653 euros par salarié dans les services. Plus précisément, il culmine à 922 euros dans l'industrie agro-alimentaire et touche un plancher de 653 euros dans les activités de services administratifs de soutien.

Grâce à cette somme, comme l'espère le gouvernement, les entreprises doivent pouvoir mieux lutter contre la concurrence internationale. Le CICE devrait leur permettre de maintenir leur prix de vente à des niveaux bas et donc de restaurer leur compétitivité-prix sans affecter leur marge.

Las, en dépit du CICE, dont la force de frappe s'élève à 20 milliards d'euros, le taux de marge des entreprises devrait à nouveau reculer cette année. Dans son point de conjoncture dévoilé jeudi soir, l'Insee indique tabler sur un taux de marge à 29,4% de la valeur ajoutée. Il s'élevait à 29,8% en 2013 et à 30,5% en 2012.

Bien sûr, l'amélioration du taux de marge ne dépend pas seulement des remboursements d'impôt sur les sociétés (IS) versés au titre du CICE. Le repli des cours des matières premières et la dépréciation de l'euro face au dollar permettent aussi aux entreprises de reconstituer leurs marges. Or, premièrement, toutes les entreprises n'ont pas une activité industrielle. Deuxièmement, toutes les entreprises exportatrices - elles ne sont que 120.000 sur un total de 3,1 millions - ne se projettent pas hors de la zone euro. Si tel n'est pas le cas, elles ne bénéficient pas de la dépréciation de la monnaie unique face au billet vert.

Pas d'effet direct sur l'emploi ?

Michel Sapin a-t-il été maladroit ? Toujours est-il qu'en septembre, lors d'une visite du site de la société Broc Service Frais à Feyzin, le ministre des Finances a déclaré qu'il n'y avait pas de lien direct entre le CICE et l'emploi. " Ce n'est pas comme ça que fonctionne l'économie, ce n'est pas comme ça que fonctionne une entreprise: le CICE est là pour aider les entreprises à reprendre de l'initiative. L'initiative, c'est peut être un investissement, c'est peut être de sauver une entreprise", avait déclaré Michel Sapin.

Ce commentaire n'est guère surprenant, même si, l'un des objectifs du CICE est, dans l'esprit du gouvernement, de recruter et d'augmenter les salaires. La hausse quasi-continue du nombre de demandeurs emplois atteste du faible impact du CICE, que les entreprises auraient pu plus ou moins anticiper, sur l'emploi.

Certes, le dispositif est récent. Les premiers versements n'ont été effectués qu'en août. Programmé dès 2015, le passage de 4% à 6% de son taux devrait favoriser sa montée en puissance. En outre, sa notoriété auprès des entreprises devrait continuer à progresser. Dévoilé jeudi, un rapport d'information parlementaire sur l'utilisation du CICE recommande un meilleur suivi et un renforcement de la communication autour de ce dispositif.

Tensions sur les trésoreries

En attendant, le CICE, dont le coût s'est élevé à 9,76 milliards d'euros, faisant du CICE la niche fiscale la plus importante pour les finances publiques, loin devant le CIR dont le coût pour la collectivité passera de 3,35 à 5,4 milliards entre 2013 et 2014, devrait surtout réduire les tensions de trésorerie des entreprises. Plus qu'un aiguillon à la croissance, le CICE ne permet finalement que de panser les plaies des entreprises qui ont survécu à la crise. C'est déjà bien. Mais ce n'est pas assez pour hâter la reprise, reprise qui tarde toujours à pointer le bout de son nez. Pour le cinquième mois consécutif, l'indice PMI réalisé par la société Markit a reculé en septembre, plus fortement que prévu par le consensus, indiquant une nouvelle contraction de l'activité dans le secteur marchand. Reste à espérer que les allègements prévus par le Pacte de responsabilité auront plus d'effet.