Les prélèvements sur les entreprises continueront-ils d'augmenter en 2015 ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  824  mots
Pour Geoffroy Roux de Bézieux vice-président du Medef, même avec le CICE , les prélèvements sur les entreprises ont encore progressé de plus de 30 milliards depuis 2011.
Alors que va débuter la semaine d'action du patronat pour dénoncer le "ras-le-bol fiscal", le Medef a fait ses calculs : malgré le CICE, les prélèvements sur les entreprises ont progressé de plus de 30 milliards d'euros entre 2011 et 2014

Une fois n'est pas coutume. Les trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) appellent l'ensemble des chefs d'entreprise à une semaine d'action à compter du 1er décembre. L'objectif de cette mobilisation unitaire : exprimer haut et fort le ras-le-bol fiscal des patrons. Et pour bien montrer que la hausse des prélèvement obligatoires sur les entreprises n'est pas une lubie, le Medef, sous la houlette de son vice-président en charge de la fiscalité, Geoffroy Roux de Bézieux, s'est livré à un travail de fourmi en collectant toutes les données possibles de Bercy.

Soucieux d'afficher son apolitisme, l'organisation patronale a  fixé le point de départ de sa démonstration à 2010, quand François Fillon était encore Premier ministre. « C'est lors des deux dernières années de sa présence à Matignon que les prélèvements ont commencé à vraiment grimper et ça a continué sous les gouvernements socialiste », explique Geoffroy Roux de Bézieux.

Surtout, ce que le Medef veut absolument faire entrer dans les esprits, c'est que, si le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte de responsabilité vont permettre de baisser les prélèvement obligatoires de 41 milliards d'euros sur trois ans, ce montant n'est pas suffisant. Il permettra, au mieux, en 2017, de revenir au niveau des prélèvements de 2010.

Plus de 30 milliards d'imposition supplémentaires entre 2011 et 2014


Donc, le Medef a tout compilé : l'impôt sur les sociétés, les taxes nationales, notamment celles pesant sur la production, les taxes locales, les taxes sectorielles, les augmentations d'assiettes, les baisses de déductibilité, les hausses de taux, les cotisations sociales, etc. Au total, selon le Medef, ce sont 90 nouvelles mesures fiscales et sociales supplémentaires entre 2010 et 2014 qui sont venues alourdir les prélèvements des entreprises.

Selon les calculs de l'organisation patronale, ces prélèvements ont crû de 8,6 milliards d'euros en 2011 (sous François Fillon, donc), puis de 21, 8 milliards en 2012 (en cumulé, c'est-à-dire avec les 8,6 milliards de 2011) et encore de 36,1 milliards en 2013 (toujours en cumulé) et enfin de 37,6 milliards en 2014. Toutefois, pour cette dernière année, le Medef se voulant totalement honnête, a tenu à défalquer les premiers effets du CICE. Dans ce cas de figure, le montant des prélèvements n'a crû « que » de 31,1 milliards (toujours en cumulé depuis 2010).

Même raisonnement pour 2015, pour Geoffroy Roux de Bézieux : "Malgré toutes les promesses de François Hollande, les prélèvements vont continuer d'augmenter en 2015 pour atteindre en cumulé 42,1 milliards d'euros supplémentaires." Au total, le Medef estime en effet que 7,2 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires vont affecter les entreprises en 2015, dont 2,6 milliards de taxes afférentes aux impôts sur les sociétés, 1 milliard de taxes de production (notamment la hausse de la cotisation au service public de l'électricité), 1,9 milliard de cotisations sociales (notamment l'augmentation de la cotisation retraite).

Sauf que... avec la montée en puissance du CICE et les premiers effets du pacte de responsabilité (baisse des cotisations sociales patronales), les prélèvements vont en réalité baisser sur l'année 2015. Le Medef le reconnaît, mais estime qu'ils seront tout de même supérieurs de 25,6 milliards à ceux de 2010. "Donc l'effet sur la compétitivité n'est pas suffisant",  explique le Medef. Et Geoffroy Roux de Bézieux d'asséner : "Avec le plein effet du pacte de responsabilité et du CICE, il faudra attendre 2017 pour revenir au niveau de 2010. Ce sera de toute façon trop peu et trop tard. Sept années de perdues."

Certes, mais le Medef oublie sans doute deux choses. D'abord, aucun gouvernement n'a jamais présenté un plan d'allègement  - plus de 40 milliard d'euros - des prélèvement pesant sur les entreprises d'une telle ampleur. Et ce, d'autant plus que le président de la République a annoncé qu'après 2017, le CICE serait pérennisé sous la forme d'allègements de cotisations sociales supplémentaires. Ensuite, les ménages, eux, ne sont pas près de retrouver un niveau de prélèvements égal à celui de 2010.

La CGPME dans la rue

En tout état de cause, voilà pourquoi le patronat rechigne à prendre des engagements sur l'emploi, estimant que le pacte de responsabilité et le CICE ne sont pas suffisants pour améliorer la compétitivité française. « Il faut aller plus loin, estime Geoffroy Roux de Bézieux. Nous voulons une baisse de l'imposition en commençant par supprimer les impôts qui pèsent sur la production, puis en limitant la fiscalité locale qui devrait être plafonnée en fonction de la croissance du PIB. »

C'est ce message que les organisations patronales veulent faire passer à compter du 1er décembre. Avec une petite différence de stratégie. Le Medef veut se cantonner, via des réunions et des forums, à un travail de pédagogie, alors que la CGPME fera descendre ses adhérents dans la rue, notamment à Paris et à Toulouse.