Politique économique : le gouvernement s'entête à faire des paris risqués

Par Fabien Piliu  |   |  821  mots
Pour restaurer la confiance des menages, des chefs d'entreprises et rassurer Bruxelles, le gouvernement prend des risques. Inconsidérés ?
Le gouvernement a tour à tour annoncé la reprise de l'économie, la baisse du nombre de demandeurs d'emplois et aujourd'hui, il anticipe une baisse du déficit public. A force de communiquer, l'exécutif met sa crédibilité en jeu.

Donner des gages. Depuis la fin 2012 et la prise de conscience par l'exécutif de l'état réel de l'économie française, le gouvernement a une priorité : donner des gages. A qui ? Aux Français, c'est-à-dire aux ménages et aux entreprises mais aussi à Bruxelles et aux agences de notation.

Pour quoi faire ? L'objectif est clair : restaurer la confiance des uns et des autres. C'est pour cette raison que François Hollande, le président de la République, a martelé l'année dernière que la courbe du chômage allait s'inverser fin 2013. Cet objectif s'est vite révélé impossible à atteindre. Mais parce qu'on ne déjuge pas le chef de l'Etat, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, et son ministre du Travail, Michel Sapin, n'ont pas eu d'autres choix que de faire semblant d'y croire en attendant un miracle. Un miracle qui n'est jamais venu, malheureusement pour les demandeurs d'emplois. La reprise économique, bien qu'annoncée, par l'exécutif, se fait  toujours attendre.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement se fixe des objectifs ambitieux qui se sont vite avérés irréalistes. C'est particulièrement le cas en matière de prévision de croissance. Depuis 2007, chaque année, les prévisions de PIB ont quasiment toujours été supérieures à celles observées in fine. Il suffit ensuite de faire intervenir des éléments exogènes non prévisibles - le climat, les tensions géopolitiques, le niveau de l'euro entre autres exemples déjà utilisés -  pour expliquer l'erreur de calcul.

Un pari - risqué - après l'autre

Le gouvernement a-t-il été échaudé ? Est-il prêt à faire de nouveaux paris risqués ? Apparemment, il s'entête.  La semaine dernière, Michel Sapin avait annoncé une jolie révision à la baisse du déficit public en 2015. Celui-ci devrait s'élever à 4,1% du PIB l'année prochaine et non plus à 4,4% comme initialement prévu. Mais le ministre des Finances ne s'était pas risqué à chiffrer l'amélioration attendue du déficit pour les deux années suivantes. Il avait simplement assuré que les objectifs étaient consolidés, en clair qu'il y avait une forte probabilité qu'ils soient atteints.

Il n'a pas attendu longtemps pour franchir le pas, une nouvelle fois soucieux de démontrer l'efficacité de la politique du gouvernement à l'opinion publique - l'austérité paye ! - et de rassurer Bruxelles sur la capacité de la France à tenir ses engagements communautaires en matière de déficit public. Dans un communiqué, le ministère des Finances a annoncé que le déficit public atteindra 3,6% du PIB en 2016 et 2,7% en 2017.

Une amélioration marginale du déficit

Jusqu'à maintenant, Bercy prévoyait des déficits de 3,8% et 2,8%. Cette amélioration des comptes publics s'explique par l'intégration de " l'ensemble des informations recueillies et des décisions nouvelles, intervenues depuis les précédentes estimations, annoncées début octobre ", explique Bercy dans un communiqué .

Concrètement, ces nouvelles prévisions intègrent " l'incidence du plan d'ajustement de 3,6 milliards d'euros annoncé le 27 octobre ainsi que les conséquences des amendements adoptés au cours des débats sur le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de finances rectificatif pour 2014 " , explique encore le communiqué.

Certes, le gouvernement peut arguer que cette amélioration du déficit est marginale. C'est incontestable. Mais atteindre cet objectif, même modeste sur le plan comptable, ne sera pas aisé. Pour deux raisons : d'une part, la prévision de croissance pour l'exercice 2015 du gouvernement est jugée optimiste par la plupart des économistes et les institutions.

Si le FMI table, comme le gouvernement, sur un taux de croissance de 1% en 2015 après +0,4% en 2014 -, l'OCDE et la Commission européenne anticipent respectivement une progression de 0,8% et de 0,7% de l'activité. Et après ? La reprise serait au rendez-vous si l'on se fie aux calculs du gouvernement. Actuellement, Bercy vise une croissance de 1,7% en 2016 et de 1,9% en 2017. Au regard de la situation actuelle de l'économie française, de l'absence de confiance des ménages et des chefs d'entreprises - tous les indicateurs de conjoncture sont dans le rouge - ces anticipations apparaissent pour le moins décalé. Pour l'instant.

Croiser les doigts

D'autre part, réduisant la marge de manœuvre du gouvernement pour équilibrer les comptes publics, François Hollande a annoncé d'ores et déjà qu'il n'y aurait plus aucune hausse d'impôts, ni aucune taxe nouvelle jusqu'à la fin du quinquennat. Il n'y a plus qu'à espérer que l'impact négatif du plan d'économies de 50 milliards sur l'activité, notamment dans le bâtiment et les travaux publics, soit au moins compensé par les effets des allégements de fiscalité offerts par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et le Pacte de responsabilité. Sinon, il n'y a plus qu'à croiser les doigts pour que la croissance reparte.