Dernière chance pour la négociation sur le dialogue social

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  978  mots
Le ministre du Travail, François Rebsamen, reprendra la main et rédigera son propre textesi lpatronat et syndicats écouent dans la négociation sur le renouveau du dialogue social en entreprise
Les organisations patronales et syndicales se retrouvent les 15 et 16 janvier pour tenter de trouver un accord sur les seuils sociaux et la simplification des instances de représentation des salariés dans les entreprises. Jusqu'ici, la négociation patine.

C'est sans doute le marathon de la dernière chance ! Les organisations patronales et syndicales se retrouvent jeudi 15 et vendredi 16 janvier pour ce qui devrait être l'ultime séance de négociation sur la « modernisation du dialogue social » dans les entreprises. Concrètement, il s'agit de simplifier et d'harmoniser le fonctionnement des différentes instances de représentation du personnel : délégué du personnel, comité d'entreprise, CHSCT, etc. Et, au passage - forte demande patronale -, de limiter les effets des seuils sociaux (10, 20, 50 salariés...).

Souhaitée par le gouvernement, cette négociation a réellement débuté en septembre. Et après quatre séances... rien, ça patine. C'est même tellement au point mort, et les divergences sont telles - y compris à l'intérieur du camp patronal qui ne parvient pas à trouver une position commune -, que la dernière séance prévue pour les 18 et 19 décembre a dû être annulée.

Accord ou pas, il y aura une loi sur les seuils sociaux et la représentation du personnel

Pourtant, le temps presse. Officiellement, les organisations patronales et syndicales avaient jusqu'à la fin de l'année 2014 pour tenter de conclure un accord. Mais le ministre du Travail, François Rebsamen, a lâché un peu de lest et a laissé une dernière chance aux partenaires sociaux malgré les quinze jours de retard. De toute façon, le calendrier s'était un peu desserré depuis que le gouvernement a décidé de ne plus inclure dans la future loi Macron « sur la croissance et l'activité » l'éventuel résultat de la négociation.

Initialement, en effet, si les partenaires sociaux parvenaient à un accord, il était prévu de donner force de loi à ce texte en l'incluant dans la très volumineuse loi Macron qui commencera d'être examinée par les députés le 26 janvier.

Mais, finalement, le Premier ministre a préféré que le possible futur accord fasse l'objet d'une loi autonome, portée par le ministre du Travail au deuxième trimestre.

Quoi qu'il arrive donc, François Rebsamen présentera dans les semaines à venir un projet de loi : soit celui-ci reprendra l'accord si patronat et syndicats parviennent à conclure ; soit, en cas d'échec, il reviendra au gouvernement d'écrire son propre texte pour « alléger » les seuils sociaux et la représentation du personnel. François Rebsamen y voyant là une façon de lever des « freins à l'embauche ».

Le patronat divisé sur la représentation du personnel dans les TPE

L'un des points de blocage majeurs dans la négociation concerne la représentation des salariés dans les très petites entreprises (TPE, moins de 11 salariés), où elle est pour l'heure inexistante. Les syndicats en font la pierre angulaire d'un futur accord, quitte à se montrer « coopératifs » pour simplifier la représentation du personnel dans les plus grandes.

Le Medef, peu concerné, aurait pu être tenté d'accepter. Mais, au nom de la solidarité patronale qui avait du plomb dans l'aile, fin décembre, le chef de fil de la délégation patronale, Alexandre Saubot (Medef), a fait savoir qu'il n'accepterait "en aucun cas" de créer de nouvelles obligations en matière de dialogue social pour les TPE, soulignant qu'il existait "déjà des modalités de représentation extérieures à l'entreprise". Celles-ci pourraient être développées, une allusion notamment aux « commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat » (CPRIA), mises en place dans les entreprises adhérentes à l'UPA (Union des artisans employeurs) après un accord conclu en 2001... et fermement contesté par le Medef et la CGPME durant 10 longues années.

De fait, une chose est certaine, à la CGPME, on ne veut pas entendre parler d'une telle représentation dans les TPE:  "Notre position est très claire: pas besoin d'une représentation formalisée dans les entreprises de moins de 11 salariés au risque de détruire le dialogue social", estime ainsi Geneviève Roy, vice-présidente et négociatrice de la CGPME.

Mais la CGPME n'est pas seule à mener ce combat. Au sein même du Medef, il existe des désaccords. Ainsi, certaines fédérations, dont une de poids, celle du bâtiment, mais aussi la CNPA (réparation automobile), la Propreté, etc., ne voulaient  pas de cette représentation dans les TPE... contrairement à l'UIMM (métallurgie).

Les réunions internes au Medef se sont donc enchaînées pour essayer de trouver le plus petit dénominateur commun, de manière à formuler de nouvelles propositions aux syndicats pour la réunion du 15 janvier. Les séances du conseil exécutif de l'organisation ont même été assez "chaudes" lorsque cette question était abordée. Mais lundi dernier, lors du dernier Conseil exécutif, les esprits se sont calmés car "la proposition que la délégation patronale va mettre sur la table le 15 janvier n'entrainera aucune cotisation nouvelle et aucune élection nouvelle", précise un cadre du Medef. Ce qui a rassuré les fédérations récalcitrantes.

Sinon, pour les plus grandes entreprises (plus de 50 salariés), le Medef maintient sa proposition de fusionner dans une instance unique, appelée « conseil d'entreprise », toutes les instances actuelles: comité d'entreprise (CE), comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), délégués du personnel (DP).

Mais les syndicats se montrent méfiants, ils souhaitent que les actuels délégués syndicaux continuent d'être les seuls habilités à négocier et conclure des accords.

On est donc encore très loin d'un accord, tant les avis divergent. C'est d'ailleurs à se demander si le patronat et les syndicats ne préfèreraient pas, in fine, refiler la « patate chaude » au gouvernement... Ce que dément le Medef qui se dit "quasi certain de parvenir à un accord" tard dans la nuit du 16 au 17 janvier.