Compétences territoriales : le Sénat détricote tout le projet gouvernemental

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  713  mots
Le Sénat a refusé que les régions prennent en charge des compétences jusqu'ici détenues par les départements: voirie, collèges, etc.
Contrairement au souhait du gouvernement, le projet de loi répartissant les compétences entre communes, départements et régions ne fait pas l'objet d'un compromis au Sénat. La majorité sénatoriale a refusé d'entériner le transferts de compétences jusqu'ici dévolues aux départements au profit des régions. Il en va notamment ainsi des collèges et de la voirie.

Et dire que le gouvernement espérait parvenir à un compromis avec le Sénat sur la loi portant nouvelle organisation des territoires de la République (NOTRe). C'est raté, le Sénat - qui a rebasculé à droite à l'automne 2014 - fait de la résistance... et même plus. Il s'applique lentement mais surement à détricoter étape par étape le projet de loi défendu par la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu.
L'objet du projet de loi était de redéfinir et de clarifier « qui fait » quoi au sein des collectivités locales, a savoir les régions, les départements, les communes et les communautés de communes. L'idée centrale étaient de confier les compétences économiques aux régions et sociales aux départements. Quant aux communautés de communes, il était prévu de relever le seuil d'intercommunalité de 5.000 à 20.000 afin de donner « davantage de capacité à agir au niveau des bassins de vie ».
Mais, comme il fallait s'y attendre depuis que la commission des lois du Sénat, en décembre 2014, avait déjà profondément amendé le texte gouvernemental, les Sénateurs ne l'entendent pas de cette oreille.

Le Sénat refuse de remonter le seuil des intercommunalités

Examiné en séance publique depuis le 13 janvier, le projet de loi est censé être voté le 27 janvier avant de partir pour l'Assemblée nationale. Le moins que l'on puisse dire est que le texte qui arrivera devant les députés ne ressemblera pas vraiment à celui initialement souhaité par le gouvernement. En dehors de la suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements, quasiment toutes autres les novations souhaitées en matière de transfert de compétences ont été supprimées par le Sénat au nom de la défenses des territoires et du besoin de maintenir la « proximité ».
Ainsi, le Sénat s'est opposé à une très large majorité dans la nuit du 19 au 20 janvier au relèvement du seuil démographique des intercommunalités de 5.000 à 20.000 habitants que propose le gouvernement. Les sénateurs trouvent artificiel de vouloir marier des communes parfois très éloignées, notamment dans les territoires ruraux. Pourtant, le gouvernement avait prévu des dérogations dans les régions où la densité de population est faible.

De même, contrairement à l'avis du gouvernement, les sénateurs ont confié le service public de l'emploi sous la responsabilité des régions. Marylise Lebranchu, elle, si elle était favorable à des expériences ou des innovations locales, souhaitait tout de même que la gestion de la politique de l'emploi reste au niveau national pour assurer une certaine cohérence. Il est évident que les députés reviendront sur la décision des sénateurs.

Les collèges restent aux départements

C'est également le principe de « proximité » qui a guidé le Sénat à transférer aux régions un certain nombre de compétences jusqu'ici dévolues aux départements. Ainsi, s'il y a eu un certain consensus pour que les régions soient jugées compétentes pour gérer les transports routiers non urbains, en revanche, les sénateurs ont exclu les transports scolaires de ce transfert, ils demeurent donc à la charge des départements. Il en va de même des routes départementales qui restent aux... départements les sénateurs estimant que « la construction et l'entretien d'une voirie réclamaient une gestion de proximité pour une capacité de réaction rapide ».

Surtout, point très sensible, les sénateurs ont décidé que les collèges resteraient également de la responsabilité des départements « compte tenu du coût que pourrait faire engendre ce transfert » aux régions. Là aussi, Marylise Lebranchu s'était pourtant montrée ouverte, estimant que dans chaque région une « conférence territoriale de l'action publique » devait éventuellement régler les problèmes de répartition des compétences en décidant « qui fait quoi ». Mais les sénateurs ont préféré ériger en principe que les collèges restent aux départements.
Et ce n'est sans doute pas fini, puisque d'ici la fin de l'examen du texte la semaine prochaine, 450 amendements restent à examiner. On est vraiment bien loin du compromis...