Tout ce qu'il faut savoir sur la loi Macron avant le vote à l'Assemblée

Par latribune.fr  |   |  1917  mots
L'Assemblée a fini de débattre, dimanche dernier, du projet de loi Macron.
Les députés doivent voter mardi sur l'ensemble de ce texte "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" du ministre de l’Économie Emmanuel Macron, dont les mesures les plus emblématiques portent sur le travail du dimanche et les professions réglementées du droit, comme les notaires. Revue de détail.

| Article publié le 15/02 à 14h31, mis à jour le 17/02 à 16h45.

Dans la chronologie des événements, cet article a été écrit avant le vote de l'Assemblée nationale (qui n'a donc pas eu lieu) pour présenter l'état des forces en présence pour l'épreuve du vote, et afin de rappeler les mesures contenues dans la loi Macron.

Dimanche dernier, après une ultime nuit de discussions qui a conclu quelque 120 heures de séances étalées sur trois semaines, l'Assemblée a fini de débattre du projet de loi Macron. Les députés doivent voter mardi 17 février sur l'ensemble de ce texte "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" du ministre de l'Économie Emmanuel Macron, dont les mesures les plus emblématiques portent sur le travail du dimanche et les professions réglementées du droit, comme les notaires.

Quel est l'état des forces en présence ?

  • Contre

Pour des raisons opposés, "97-98%" des députés UMP, d'après leur président Christian Jacob, ainsi que le Front de gauche, la plupart des 30 à 40 frondeurs du groupe PS, d'après le député Christian Paul, ainsi que la grande majorité des 18 députés écologistes, selon l'un des coprésidents du groupe, François de Rugy, et "un peu plus d'une dizaine" de députés UDI" voteront contre.

  • Pour

Une majorité du groupe socialiste et des 18 radicaux de gauche devraient voter pour le projet de loi. Ils seront suivis par "sept à huit" députés UDI, selon un décompte de leur président Philippe Vigier, alors que la petite dizaine restant devrait s'abstenir.

S'il s'était montré confiant sur l'issu du scrutin prévu peu avant 17 heures, le gouvernement s'est rapidement inquiété. "Au moment où je parle, le texte ne passe pas. Ce serait un affaiblissement considérable", a ainsi déclaré le Premier ministre Manuel Valls lors de la réunion de groupe à huis clos.

Après le vote, le projet de loi "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" du ministre de l'Économie Emmanuel Macron partira au Sénat pour un examen au printemps, l'Assemblée ayant au final le dernier mot. Le texte comporte quelque 200 articles couvrant de nombreux domaines.

TRAVAIL LE DIMANCHE

Principe général: le nombre d'ouvertures dominicales des commerces autorisées passe de 5 à 12 par an, sur décision du maire (après avis du conseil municipal jusqu'à 5, et de l'intercommunalité au-delà de 5). Ces dimanches sont payés double.

  • Exceptions:

a) Zones touristiques et zones commerciales: ouverture autorisée tous les dimanche dans ces zones tracées par décret.

b) Zones touristiques internationales (ZTI), tracées aussi par décret: ouverture autorisée tous les dimanche et aussi le soir jusque minuit. Sont visés certains quartiers de Paris, de Nice, Cannes et Deauville.

c) Les commerces de 12 gares connaissant une affluence exceptionnelles pourront aussi ouvrir le dimanche

  • Compensations salariales :

Elles sont obligatoires mais sans plancher. Elles sont décidées par accord de branche, d'entreprise ou territorial. Volontariat obligatoire. Pour le travail de soirée (21H-24H) dans les ZTI, doublement du salaire, retour au domicile et frais de garde des enfants à la charge de l'employeur.

Par ailleurs, les salariés travaillant le dimanche matin dans les supermarchés devraient à l'avenir bénéficier d'une rémunération majorée d'au moins 30% pour ces heures-là.

Le projet de loi ne traite pas du décret de mars 2014 qui octroie une dérogation provisoire aux magasins de bricolage (après celle sur l'ameublement et les jardineries notamment) à ouvrir le dimanche.

Un amendement à l'article 10 du projet de loi dispose que les contrats entre les membres d'une coopérative ou d'un réseau de franchisés ne pourront excéder neuf ans. Une première mouture prévoyait une durée maximale de six ans.

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PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT (commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires)

- Une grille des tarifs sera fixée par décret après avis de l'Autorité de la concurrence, selon un principe de correspondance avec les coûts. Les tarifs des petits actes seront fixes, en particulier les actes d'exécutions judiciaires. Les tarifs proportionnels des transactions de moyenne importance (lors de ventes immobilières par exemple) pourront donner lieu à des remises déterminées par voie réglementaire.

- Le principe de la liberté d'installation est posé mais sera régulé par le ministre de la Justice afin de ne pas déstabiliser les professionnels déjà en place. Instauration d'une limite d'âge de 70 ans. Assouplissement des conditions d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de Cassation.

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- Création de la profession de commissaire de justice qui rassemblera les professions de commissaire-priseur et huissier.

- Les avocats pourront agir directement devant tous les tribunaux de grande instance (TGI) d'une cour d'appel, et non plus un seul TGI.

- L'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) devra mettre à disposition gratuite l'ensemble des données du registre du commerce des sociétés qui n'étaient jusque là disponibles que de manière payante via Infogreffe, société créée par les greffiers des tribunaux de commerce.

- Possibilité de créer des sociétés interprofessionnelles, ouvertes à toutes les professions du droit et aux experts comptables mais excluant les capitaux extérieurs à ces professions.

TRANSPORTS

- Ouverture à la concurrence des lignes d'autocar interurbaines. Les régions ou les départements pourront réguler les liaisons inférieures à 100 km si elles menacent la viabilité d'une ligne SNCF.

   >> A lire aussi : Libéralisation du transport par autocar : big-bang ou pétard mouillé ?

- Création par ordonnance d'une société chargée de la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et Roissy (CDG Express) et d'une société de projet pour la réalisation du Canal Seine-Nord

- L'actuelle Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) deviendra l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) avec des pouvoirs élargis. Elle pourra contenir les tarifs de péages, mettre plus de concurrence dans les marchés d'autoroutes, et donner son avis sur les lignes d'autocars nationales.

- Réforme du passage du permis de conduire pour en réduire les délais et le coût. L'objectif est de faire passer de 98 à 45 jours le délai d'attente entre deux présentations à l'examen. Les préfectures pourront recourir dans les zones les plus tendues à des agents publics ou contractuels (anciens policiers ou militaires, agents de La Poste) formés comme examinateurs. Externalisation du passage du permis poids lourd à des organismes de formation professionnelle. Le code pourra se passer dans les établissements scolaires. Suppression de la durée minimale de formation de 20 heures.

FINANCEMENT ET VIE DES ENTREPRISES, PRIVATISATIONS

- Diverses mesures visent à développer l'épargne salariale en particulier dans les PME.

- Allégement sur la fiscalité sur la distribution d'actions gratuites. Les gains réalisés lors de la cession de ces actions par les salariés bénéficiaires seront imposés comme les plus values mobilières, alors qu'actuellement ils sont soumis à la fiscalité des revenus d'activité.

- Les entreprises pourront prêter de l'argent à des fournisseurs ou des sous-traitants en difficulté de trésorerie.

- Encadrement des "retraites chapeaux" des dirigeants mandataires sociaux dont le versement sera notamment lié à la performance de la société.

- Privatisation des sociétés gérant les aéroports de Lyon et de Nice (l'Etat restant propriétaire des infrastructures), dont le cahier des charges devrait être plus strict que celui élaboré poour la privatisation de l 'aéroport de Toulouse.

- Privatisation de Nexter (ex-Giat) qui va permettre de lancer le rapprochement entre le constructeur de blindés français et son homologue allemand KMW.

- Entrée de la BPI au capital du Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB) qui fractionne du plasma et commercialise des médicaments dérivés du sang.

- Les privatisations devront avoir l'aval du Parlement dès lors qu'elles concernent des entreprises de plus de 500 salariés et réalisent plus de 75 millions d'euros de chiffre d'affaires.

- L'Etat pourra céder des équipements militaires achetés ou en cours d'acquisition à des "sociétés de projet" qui les loueront ensuite au ministère de la Défense. L'objectif est de maintenir le budget Défense 2015 alors que les sommes prévues dans la loi de programmation militaire au titre de recettes exceptionnelles, soit 2,2 mds d'euros, n'arriveront pas tout de suite.

- Les entreprises de moins de 50 salariés n'auront pas l'obligation de publier leur compte de résultat annuel.

- Les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence sont renforcés sur les implantations de magasins et les centrales d'achat. Les contrats entre magasins affiliés et enseignes sont désormais limités à 9 ans afin de stimuler la concurrence.

- Création de tribunaux de commerce spécialisés, compétents de manière exclusive pour les entreprises les plus importantes, celles dont l'implantation se trouve sur le ressort de plusieurs tribunaux.

- Dans le cadre d'un redressement judiciaire, procédure nouvelle de cession ou de dilution forcée des actionnaires majoritaires dès lors que ceux-ci ne seront plus en capacité ou ne voudront plus financer le redressement des entreprises importantes pour le bassin d'emploi alors qu'elles peuvent être sauvées. Le tribunal devra statuer s'il y a lieu à indemniser les actionnaires.

PRUDHOMMES, LICENCIEMENTS, TRAVAILLEURS DÉTACHES

- Réforme de la justice prud'homale qui vise à raccourcir les délais et à favoriser la conciliation. Instauration d'un barème indicatif sur l'indemnité à accorder au salarié en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, établi à partir de plusieurs paramètres (jurisprudence, âge de la personne concernée, ancienneté, situation par rapport à l'emploi...)

- Modification des règles de licenciements collectifs. En cas de redressement ou liquidation judiciaire, l'administration pourra homologuer un plan social en prenant en compte les moyens de l'entreprise, et non ceux du groupe, souvent plus riches.

L'employeur pourra appliquer les critères d'ordre qui déterminent les licenciements (comme les charges de famille, l'ancienneté, etc.) au niveau du bassin d'emploi (et non plus du groupe.

- Délit d'entrave. Suppression de la peine d'emprisonnement en cas de délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, mais doublement, à 7.500 euros, de l'amende prévue.

- Autorisation au gouvernement de réformer par ordonnance l'inspection du travail.

- Fraude aux travailleurs détachés. Création d'une carte d'identification professionnelle pour lutter contre les fraudes aux travailleurs détachés en France. L'amende maximum pour fraude au détachement sera portée à 500.000 euros au lieu de 10.000 euros.

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LOGEMENT ET ENVIRONNEMENT

- Le texte veut développer le "logement locatif intermédiaire" en offrant aux communes une "majoration de constructibilité" de 30%.

- Nouvelle durée des congés pour les locataires lors de ventes d'immeubles à la découpe.

- Recours aux ordonnances pour réformer certaines parties du droit de l'environnement.