Libéralisation du transport par autocar : big-bang ou pétard mouillé ?

Intégrée au projet de loi pour la croissance et l'activité, cette mesure pourrait créer plusieurs milliers d'emplois et faciliter les mobilités à un coût abordable selon le gouvernement. Est ce si certain ?
Fabien Piliu
Les TER ne seront pas concurrencés par les nouvelles liaisons en autocar

C'est une mesure qui a surpris tout le monde. Alors que le disruptif est sur toutes les bouches, que les acteurs de la French Tech présents à Las Vegas tentent de séduire les investisseurs du monde entier, le numérique 4.0 et les objets connectés s'apprêtent à envahir notre quotidien et à guider nos vies, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie envisage de stimuler la cinquième - ou la sixième on ne sait plus - économie mondiale en libéralisant le transport par autocar. Qui y aurait pensé ? Personne jusqu'ici. Même les membres de la Commission pour la libération de la croissance française dirigée par Jacques Attali et leurs 316 propositions n'avaient pas eu cette idée.

Le potentiel économique serait- il si élevé ? Selon l'étude d'impact du projet de loi, la mobilité via les services réguliers par autocar d'initiative privée, exécutée dans le cadre du cabotage international - la seule autorisée - , n'est pas connue précisément. Elle représenterait moins de 0,05% du nombre total de voyageurs transportés. Au total, 110.000 voyageurs se sont déplacés en autocar en 2013, dernier chiffre connu.

Plusieurs objectifs sont définis

En autorisant le cabotage sur le territoire national, le gouvernement vise plusieurs objectifs. Il espère augmenter la mobilité de la population, désenclaver certains territoires, abaisser les coûts de déplacement et développer le secteur du transport régional. Un exemple ? Pour relier par le train Clermont-Ferrand à Périgueux, distant de 252 kilomètres, les usagers ne peuvent compter que sur un seul train par jour qui fera le trajet en cinq heures avec une correspondance.

" Les services réguliers par autocar offrent de réels atouts par rapport aux services ferroviaires en matière de couverture du territoire : le réseau d'infrastructure (autoroutes, routes nationales et départementales) est dix fois plus long que le réseau ferroviaire, ce qui permet un nombre accru de liaisons ; des flux de trafic de bien plus faible densité peuvent suffire à soutenir une exploitation financièrement rentable ; la flexibilité d'exploitation des autocars est plus élevée : l'offre peu évoluer plus facilement à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins de la clientèle, y compris afin de prendre en compte les variations infra-annuelles ", explique le gouvernement, précisant que " la mobilité reste très fortement dépendante du niveau de revenu, même si on la limite aux voyages effectués à titre personnel ", explique le gouvernement.

Pour un aller-retour entre Lille et Paris pour quatre personnes, il faut actuellement débourser 396 euros en TGV, pour une heure de trajet, contre 114 euros, pour trois heures de trajet.

Des effets incertains

Selon les estimations du gouvernement, l'enjeu global de cette mesure oscillerait entre 1,2 et 1,7 milliard d'euros. L'impact en termes d'emplois n'est pas précisé. L'impact écologique ne l'est pas davantage, sachant que les études menées sur le sujet ont délivré des résultats contradictoires.

Au regard de ces éléments, quel peut être l'effet global de cette mesure ? Tout dépendra en fait du nombre d'autorisations que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) accordera. Mais, comme le prévoit l'étude du gouvernement, et comme l'ont confirmé les parlementaires à la CGPME lors de son audition portant sur certains points de la loi Macron, aucune autorisation ne sera délivrée dans les zones desservies par le réseau de TER.

" Il convient de rappeler que les services publics de transport fonctionnent sur un principe de
péréquation entre les lignes, ou sur une même ligne entre les trajets. Aussi, est-il tout à fait
envisageable que sur un trajet économiquement rentable, un autocariste privé vienne perturber
l'équilibre économique d'autres liaisons, bénéficiant de la péréquation, en venant faire diminuer le trafic sur ce trajet ", explique l'étude d'impact de Bercy. En clair, l'ARAF ne prendra pas le risque de fragiliser cette activité de la SNCF dont le budget 2015 prévoit la suppression de 1.100 postes cette année au sein du réseau.

En revanche, les nouvelles liaisons par autocar pourront concurrencer le TGV. " Si l'exploitation du TGV est bien soumise aux principes du service public, les services TGV ne constituent pas des services couverts par un ou plusieurs contrats de service public » au sens du droit communautaire. En particulier, la France ne pourrait opposer l'atteinte à l'équilibre économique du TGV pour refuser l'ouverture d'une liaison internationale, ou en cabotage, par autocar. Par ailleurs, le TGV est déjà largement en concurrence avec le transport aérien libéralisé ", précise le texte.

Big-bang ou pétard mouillé ?

Sachant que les entreprises ne s'intéresseront qu'aux seules liaisons rentables, le big-bang attendu pourrait être modeste. Selon l'ARAF, les liaisons les plus demandées sont : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Strasbourg, Paris-Lille, Paris-Rennes, Paris-Nantes, Paris-Bayonne, Paris-Rouen et Paris-Poitiers. De nouvelles liaisons entre les métropoles régionales verront-elles le jour, dans la foulée de la réforme territoriale ? Qui sait ?

Reste à savoir ensuite quelle place laisseront principaux acteurs du marché - Transdev, Keolis et RATP se partagent actuellement 50% du marché - aux 5.000 PME du secteur....

Fabien Piliu
Commentaires 23
à écrit le 06/06/2015 à 9:05
Signaler
" ...big bang ou petard mouillé ..." et si ? ce n'etait tout simplement que du réalisme efficace ? il suffit de regarder la réalité chez nos voisins ...; mais , arretons de dire que celà va concurencer le TGV : c'a c'est bidon et juste des argum...

à écrit le 14/01/2015 à 22:05
Signaler
voir les comment pressente la région Aquitaine la ligne Oloron Bedous en vallée d' Aspe et les commentaires

à écrit le 12/01/2015 à 19:22
Signaler
Même le Préfet des Pyrénées-atlantiques n'a pas su répondre à ma question pour savoir quel était l'argument pour justifier de l'utilité publique d'un projet consistant de dépenser 120 millions de travaux pour transporter en train les 2 passagers véhi...

à écrit le 12/01/2015 à 18:20
Signaler
C'est une bonne idée. Et tout ceux qui avancent l'argument écologique ont raison sur les flux entre métropoles mais tort pour les zones rurales. Aujourd'hui, un Paris-Rodez, c'est 9h par train en passant par Toulouse et entre 90 et 130 euros. En voit...

le 06/06/2015 à 9:12
Signaler
bon exemple ; essayez donc de faire Rennes / Nantes ...: environ 110 kms ...; changement de train ( donc attente de correspondance) à Redon ...; ou encore : Paris / Tulle ... mais moi , je croyais que la SNCF proposait dejà depuis longtemps l'...

à écrit le 12/01/2015 à 11:23
Signaler
je trouve que mr Macron a raison dans beaucoup de cas et je lui demande de jeter un coup d' oeil dans ce qui se passe actuellement dans la vallée d' Aspe avec la gabegie annoncée concernant la réouverture de ce morceau de ligne Oloron Bedous ( 25 k...

à écrit le 12/01/2015 à 8:14
Signaler
Le transport ferroviaire , peu pratique, est aujourd'hui le moyen de transport le plus cher alors qu'il devrait être logiquement le moins cher par rapport au covoiturage ou même par rapport à l'avion. Cherchez l'erreur. La Sncf monopole public soumi...

à écrit le 11/01/2015 à 18:03
Signaler
Favoriser le transport par cars, cela pollue beaucoup moins et c'est plus sûr que le train. Une véritable idée de génie, n'est ce pas monsieur Macron.

à écrit le 11/01/2015 à 10:20
Signaler
... écologique...!

à écrit le 10/01/2015 à 23:53
Signaler
Suite a la liberalisation des transports routiers en 2013 et l apparition de nombreuses compagnies privées cars, la Deutsche Bahn ( SNCF) estime ses pertes a 40 millions en 2013. Entre temps plusieurs grandes compagnies dont l ADAC se sont r...

à écrit le 10/01/2015 à 18:31
Signaler
Combien de voyageurs quotidiens de Clermont-Ferrand à Périgueux ?

à écrit le 10/01/2015 à 18:03
Signaler
Il ne faut pas oublier que de nombreux territoires sont laissés à l'abandon, c'est la conséquence d'un processus de metropolisation commencé dans les années 80 (la décentralisation vers les metropoles de province s'est fait au détriment du developpem...

le 10/01/2015 à 20:32
Signaler
si on considère que le bus est moins cher que le train en cout d' exploitation si la demande n'est pas suffisante pour remplir un train sur des lignes secondaires que le bus est plus écolo que 50 voitures. Alors vive le bus.

le 11/01/2015 à 10:47
Signaler
La désertification des régions et localités est du justement le fait de la non pérennisation des transports et de la communication !

à écrit le 10/01/2015 à 15:00
Signaler
Des autocars,pour faire voyager nos compatriotes ,come au US,dans un bus de fabrication étrangère. Où est la manufacture qui s'appelle Autocar de France?????

le 10/01/2015 à 20:27
Signaler
L 'usine de car est à Annonay (Ardèche)

le 10/01/2015 à 20:35
Signaler
a Annonay (Ardèche)

le 11/01/2015 à 8:56
Signaler
Elle s'appelle heuliez bus elle est dans les deux sèvres mais les capitaux qui la font tourner ne sont pas moins majoritairement français. C'était la seule activité rentable du groupe heuliez avant qu'il ne soit dépecé.

à écrit le 10/01/2015 à 12:20
Signaler
On comprend que les USA favorise ce moyen de transport par manque infrastructure ferroviaire mais l'Europe n'en manque pas et en détruit pour en devenir qu'une simple copie!

le 10/01/2015 à 12:53
Signaler
au USA l' avion et souvent moins cher pour les grandes distances car tout est low cost en lignes intérieures. Pour les petites distances, on prend son gros 4x4. les greyhounds pour les intermédiaires et pour les pauvres. Il faut des trains partout ...

le 10/01/2015 à 14:51
Signaler
C'est pas une question d'infrastructure... mais de rentabilité. Aux USA la quantité de fret transportée par le rail représente près de 80% du tonnage du fret transporté... pour moins de 10% en France. Même en Allemagne qui bénéficie d'un réseau com...

à écrit le 10/01/2015 à 11:35
Signaler
Paris - X, Paris - Y, et Lyon - Bordeaux, rien ? Il y a des besoins transversaux mais ça doit être "rentable" autant que faire se peut. Au lieu de prendre la voiture, j'ai regardé le train pour aller de Chambéry à Cahors pour Noël, en général, il fau...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.