Nouvelles compétences territoriales : le projet de loi dérape par rapport aux objectifs initiaux

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  805  mots
Après les Sénateurs, ce sont les députés qui ont multiplié les dérogations aux principes qui devaient fixer les responsabilités de chaque collectivité territoriale (Crédits : Reuters)
Le projet de loi "NOTRe", qui doit fixer les nouvelles compétences respectives du bloc communal, des départements, des régions et des métropoles, commence a être complètement dénaturé avec son passage devant le parlement. La résistance des élus locaux a porté un coup fatal à l'objectif initial de clarté.

Alors que le premier tour des élections départementales aura lieu le dimanche 22 mars, les Français ne connaîtront pas les pouvoirs dont disposeront les conseillers départementaux... La faute aux incertitudes grandissantes qui entourent le sort du projet de loi portant « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe).

Au départ, ce projet de loi devait répondre à une question très simple : « qui fait quoi ? ». Ou, dit autrement, quelles sont les compétences respectives des communes, des intercommunalités, des départements, des régions et des nouvelles métropoles ?
Le gouvernement avait un souhait très bien résumé par le secrétaire d'Etat à la réforme territoriale André Vallini: "Aux régions, l'économie; aux départements, la solidarité; au bloc communal, les services publics de proximité".

La résistance des élus locaux


Hélas, ce beau principe a été battu en brèche, victime des conservatismes locaux et de la « peur du changement ». Et ce d'autant plus qu'à quelques semaines d'un scrutin départemental qui s'annonce très difficile pour la majorité, le gouvernement ne souhaite manifestement pas heurter les élus locaux. On sent donc un manque d'entrain pour défendre le texte. On est très loin de la mobilisation générale qui avait prévalu sur le projet de loi Macron sur la croissance et l'activité...

Le texte « NOTRe » n'a cessé d'évoluer. Il a été quasi totalement détricoté par le Sénat. Et depuis son arrivée mi-février devant l'Assemblée nationale, il continue de prednre des « coups » via les quelque 2.000 amendements déposés. Résultat, on s'éloigne de plus en plus de la cohérence de départ. Et le texte va davantage ressembler à un empilage de dérogations locales.

Certes, comme prévu, dans un souci de clarification, la clause de compétence générale, qui permet à une collectivité d'intervenir dans tous les domaines, va disparaître pour les régions comme pour les départements.

Mais, sous l'impulsion d'élus de tous bords, cet objectif est petit à petit rogné.

"C'est une somme d'exceptions à la française que l'on surajoute. A un moment on s'occupe des élus de la montagne, à d'autres de ceux du littoral Tout cela aboutit à un maquis d'organisation territoriale qui sera probablement moins efficace qu'auparavant", constate le chef de file de l'UDI Philippe Vigier.

"C'est une espèce d'imbroglio dans lequel personne ne se retrouve", renchérit son homologue de l'UMP Christian Jacob.

Par exemple, alors que, initialement, il était prévu que la gestion des collèges soit transférée des départements aux régions, finalement, le Sénat en a décidé autrement en gardant la compétence des départements. Et les députés se sont ralliés à cette décision. En revanche les transports scolaires seront, eux, transférés aux régions... Difficile de comprendre.
Idem pour la voirie urbaine qui va rester finalement de la compétence des départements alors qu'elle devait aller aux régions.

Les départements vont garder des compétences économiques


D'autres amendements votés par l'Assemblée ne vont pas simplifier les choses en accordant des dérogations aux départements sur le développement économique - notamment dans le domaine du tourisme -  au moins jusqu'en 2017... Alors que, initialement, ce sont les régions qui devaient piloter toute la politique économique. Mais, là aussi, la défense des intérêts locaux l'emporte...

Et que dire des intercommunalités. Lundi 2 mars, les députés ont aussi multiplié les dérogations au relèvement prévu du seuil des intercommunalités de 5.000 à 20.000 habitants afin d'adapter "les périmètres à la diversité et à la réalité des territoires".
"On va arriver à des chiffres impressionnants de communautés de communes qui pourront s'opposer à ces fusions", a même du déplorer la ministre de la Décentralisation Marylise Lebranchu. "On ne fait pas une grande révolution territoriale. Certains vont sans doute le regretter", a-t-elle admis.

Certains députés commencent d'ailleurs à s'inquiéter du sort du texte de loi.
"C'est un concours de conservatismes. Il ne faudrait pas que le statu quo l'emporte", avertit le chef de file des écologistes François de Rugy.

"Si la loi devient la somme des exceptions locales, alors nous ne faisons plus la loi", regrette le député PS de l'Essonne Carlos da Silva, par ailleurs proche de Manuel Valls.

Il semble loin, le temps où le Président François Hollande présentait cette nouvelle organisation des compétences territoriales comme l'une des réformes structurelles dont la France avait besoin. C'était pourtant il y a à peine plus d'un an, en janvier 2014. Il annonçait aussi la fin des départements pour 2020 afin d'alléger le « mille-feuille » français. A voir.