Pourquoi les Égyptiens ne veulent plus de blé français... au profit du russe

Par Marina Torre  |   |  538  mots
La France n'a fourni que 540.000 tonnes sur les 3,7 millions achetées par l'Egypte pour le début de la campagne 2013-2014.
Le premier importateur de blé au monde dédaigne le grain français qu'il juge trop humide. La concurrence des autres pays exportateurs, notamment la Russie qui pratique un lobbying intense, entre également en jeu.

Le blé français? Pas terrible... Du moins, aux yeux des responsables de l'Autorité générale chargée de l'approvisionnement égyptienne (GASC). L'organisme qui importe le grain à la base de l'alimentation de la population n'a pas officiellement banni les stocks français. Mais, rapporte le Wall Street Journal, en interdisant l'achat de grains contenant plus de 13% d'humidité, il bloque de fait toute importation en provenance de France car le blé vendu par cette dernière en contient 13,5% selon les chiffres officiels de FranceAgrimer. 

De fait, mardi dernier, l'importateur a déclaré avoir acheté 240.000 tonnes de blé, dont 180.000 en provenance de Russie et 60.000 des Etats-Unis. Mais rien en provenance de l'Hexagone. 

Premiers fournisseurs de l'Egypte: la Roumanie, Ukraine et Russie 

Pour les exportateurs français, cela signifie un manque à gagner après une saison jugée décevante.  La France n'a en effet fourni que 540.000 tonnes sur les 3,7 millions achetées par le pays pour le début de la campagne 2013-2014, selon des chiffres du ministère de l'Agriculture. La Roumanie en a fourni 1,4 million de tonnes, la Russie et l'Ukraine environ 830.000 tonnes chacune. S'il est possible de sécher ce blé, cela nécessite un stockage et des opérations coûteuses préjudiciables à la compétitivité du blé français. 

Officiellement, l'argument pour défendre ce changement dans le cahier des charges porte sur les quantités d'eau "achetées" par l'importateur lorsque le blé est plus humide.

"Lobby russe"

L'explication non officielle est tout autre. Sébastien Poncelet, consultant au sein du cabinet de conseil indépendant Agritel, indique:

"Il est possible que le lobby des exportateurs russes aient soufflé au GASC l'idée de ce durcissement des contraintes". 

La Russie, grande rivale de la France dans ce secteur, qui avait vu son blé se faire détrôner par le grain français. Mais, une "récolte meilleure que prévue à l'automne", la chute du rouble, auxquels il faut ajouter "la décision de l'Etat russe de ne pas acheter un stock" ont accru la pression pour trouver des débouchés à cette production. 

Un précédent

Un tel changement brusque du cahier des charge en Egypte a déjà pénalisé les exportateurs de blé français. En 2009, le GASC a ainsi décidé, officiellement pour des raisons sanitaires, que tous les stocks de blés en provenance d'un pays devaient embarquer par le même port. Or, en France, Rouen, le premier port céréalier n'a pas les capacités pour accueillir des navires pouvant embarquer les quantités transportées en Égypte. Les bateaux doivent prendre le reste de leur chargement dans les ports de Dunkerque et La Palisse (La Rochelle). "On y voyait déjà un coup du lobby russe", commente Sébastien Poncelet. 

Premier importatrice de blé du monde, l'Égypte est à cet égard très dépendante de ses fournisseurs. En juillet dernier, en pleine tourmente après la chute de l'ex-président Mohammed Morsi, le pays a frôlé la pénurie. Un risque finalement évité grâce à des prêts, notamment en provenance de l'Arabie saoudite. 

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