Pourquoi la France intéresse la Chine ?

Par Romain Renier  |   |  845  mots
La France dispose d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Or les relations de la Chine avec les États-Unis sont complexes, et son allié russe a mauvaise image. La France fait donc office d'ami fréquentable, d'autant plus utile qu'il peut servir ses intérêts en Afrique. (Photo : Reuters)
Pour la France, la Chine a un intérêt économique. L'intérêt de Pékin pour l'Hexagone est en partie économique, mais séduire la France est aussi un enjeu diplomatique.

Le président chinois Xi Jinping est arrivé mardi soir à Lyon pour une longue visite d'Etat de trois jours sur le territoire français. Au programme : grands contrats, commémoration de la reconnaissance de la Chine populaire par Charles de Gaulle en 1964 et visite à Lyon. L'objectif pour la France, martelé depuis le début de la semaine, est de rééquilibrer ses échanges commerciaux, pour le moins déséquilibrés, avec la Chine.

Une goutte d'eau pour l'économie chinoise

L'intérêt est double. D'un côté, la deuxième économie mondiale possède les plus importantes réserves en devises au monde, qu'elle cherche à diversifier. Une aubaine pour les entreprises françaises en mal de liquidités qui cherchent à se développer. De l'autre, la Chine opère actuellement une transition vers une économie de marché abritant une importante classe moyenne.

A ce titre, un bon nombre d'expertises françaises, de l'agroalimentaire à la banque et assurance, en passant par les métiers de l'environnement et le nucléaire, ou encore la pharmacie, sont susceptibles d'intéresser les Chinois. En témoignent de nombreuses acquisitions et prises de participations ces dernières années, dans le but de mettre la main sur une technologie donnée, ou de destiner la production à son propre marché.

Mais la France n'a que 1% de parts de marchés en Chine, contre 5% pour l'Allemagne. Et les investissements en France représentent moins de 1% des investissements chinois à l'étranger. Bref, sur le plan économique, la France est une goutte d'eau dans l'économie chinoise.

Un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU

En revanche, la France, où ont été formés des anciens dirigeants comme Zhou Enlai, ou l'instigateur du socialisme de marché et père spirituel de Xi Jinping, Deng Xiaoping, est toujours considérée comme une grande puissance diplomatique. De fait, contrairement à l'Allemagne, la France dispose d'un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Une aubaine à plusieurs égards pour Pékin.

En effet, si les États-Unis et la Chine se tiennent sur le plan économique, l'un en achetant les produits de l'autre, l'autre en finançant sa dette, les relations diplomatiques sont pour le moins compliquées. Une diplomate parle d'amour-haine. Les États-Unis, en ligne avec leur allié japonais, tentent de plus en plus d'imposer leur marque en Asie du Sud-est, chasse gardée historique de la deuxième économie mondiale.

Les relations entre la Chine et le Japon sont par ailleurs exécrables pour deux raisons : le souvenir des invasions japonaises dans les années 1930 est toujours très vif, et les tensions au sujet des îles Senkaku/Diaoyu ont atteint leur paroxysme ces derniers mois. Dans ce contexte, Washington est régulièrement obligé de faire preuve de fermeté vis à vis de Pékin.

Un "ami fréquentable"

Les dirigeants chinois ont par ailleurs du mal à se positionner sur la crise ukrainienne. Officiellement alliée à la Russie au sujet de la Syrie par exemple, la Chine est aussi très sensible à la question de l'intégrité territoriale, notamment parce qu'elle craint le mouvement indépendantiste tibétain, et ne peut soutenir Moscou au sujet de la Crimée. Raison pour laquelle, sans voter pour la résolution proposée par les États-Unis sur la question, elle a fait le choix de s'abstenir et de se départir d'un "ami" à l'image détestable sur la scène internationale. Ainsi, se rapprocher de la France permet à la Chine d'avoir un véritable "ami fréquentable" dans l'opinion internationale, confie une diplomate proche des deux parties.

Une amitié d'autant plus intéressante que la Chine fait depuis plusieurs années de l'Afrique son grenier à matières premières. Mais, consciente que la sécurité sur ce continent, qui attire tout les convoitises, est un enjeu crucial pour la bonne marche du commerce, elle fait confiance à la France.

Lune de miel

Cette visite en grandes pompes du président chinois Xi Jinping est donc aussi l'occasion de rappeler les morceaux d'histoire commune entre la France et la Chine. Notamment en commémorant les cinquante ans de la reconnaissance par le général de Gaulle de la République populaire de Chine. L'ancien président français avait été le premier chef d'État occidental à le faire.

Et, en cette lune de miel entre la France et le président chinois qui, de Lyon à Versailles, aurait lui-même rédigé le menu de sa visite dans l'Hexagone, les intérêts de la France pour la manne que représente la deuxième économie au monde devraient éviter que la viste ne soit "gâchée" par un accrochage diplomatique sur les questions des Droits de l'Homme et du Tibet, comme ce fut le cas auparavant. Pourtant, dés son arrivée au pouvoir, le président Xi Jinping, grand réformateur de l'économie, a assis son pouvoir d'une main de fer sur le plan politique.

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