La Bundesbank rappelle Paris à l'ordre sur l'euro

Par Romaric Godin  |   |  694  mots
La Buba ne veut pas de politique de change
"Bild Zeitung" rapporte une phrase d'un banquier central allemand qui s'inquiète de la volonté des gouvernements français d'affaiblir l'euro. La fin du rêve d'une "'politique de change" de l'euro pour Paris.

La Bundesbank recadre la France. La banque centrale allemande s'inquiète de la volonté française de voir l'euro s'affaiblir. Le quotidien populaire Bild Zeitung relate ainsi les propos d'un « banquier central de haut rang de la Bundesbank » : « Nous sommes inquiets lorsque la politique française revient à la mentalité des années 1970, bien avant que le franc devienne une monnaie stable. » La Bundesbank a refusé de commenter cette citation, mais les informations de Bild sont souvent solides.

Une fin de non-recevoir au gouvernement français

C'est donc là un rappel à l'ordre évident qu'effectue la banque centrale allemande au gouvernement français : il n'y aura pas de politique de dépréciation de l'euro. Paris avait pu, en effet, interprété les avancées de la Buba concernant la politique d'assouplissement quantitatif (QE) de la BCE comme une façon d'accepter implicitement un affaiblissement de l'euro. Arnaud Montebourg l'avait du reste affirmé lors d'une interview sur France 2 le 3 avril.

La Bundebank préfère la maîtrise de l'inflation à la politique de change

En réalité, c'était faire preuve d'un optimisme bien imprudent. Si la Bundesbank a accepté le principe du QE pour conjurer le risque de déflation, c'était d'abord une stratégie pour tenter de faire remonter les anticipations d'inflation. Pour la Buba, la priorité reste la politique monétaire, pas la politique de change. Elle est en cela fidèle au fameux « triangle d'incompatibilité de Mundell » qui indique qu'il est impossible, lorsque les capitaux sont libres, de mener à la fois une politique de change et une politique monétaire. Or, la Buba veut continuer à maîtriser l'inflation, elle repousse donc toute logique de politique de change pour relancer l'activité. L'action sur l'euro ne peut donc être que ponctuelle, pas centrale.

Un euro fort qui ne gêne pas l'Allemagne

Certes, un QE à l'européenne affaiblirait mécaniquement l'euro, mais rappelons que plusieurs autres forces tendent à soutenir l'euro fort : les politiques d'austérité qui réduisent les besoins de financement et favorise un modèle basé sur les exportations, les tensions dans les émergents et une politique monétaire américaine encore bien plus expansionniste que celle de la BCE. Rappelons également que l'économie allemande profite d'un euro à ses niveaux actuels : la situation de quasi-monopole des produits allemands sur le marché des biens intermédiaires et l'affaiblissement des prix à l'importation favorisent les bénéfices des entreprises allemandes. A l'inverse, un euro trop faible réduirait cet avantage, sans vraiment apporter de gains de parts de marché.

L'article 219 semble inapplicable

Contrairement à ce qu'affirment les dirigeants français, il n'y aura donc pas d'inflexion européenne sur la politique de change de l'euro. De fait, l'influence possible des politiques français sur l'euro est très faible. La seule influence serait l'utilisation de l'article 219 du Traité de fonctionnement de l'UE qui autorise le Conseil à « formuler des orientations générales de politique de change. » Mais on voit mal le Conseil accepter ces orientations, notamment le gouvernement allemand qui prendrait ainsi le contre-pied de sa banque centrale. De fait, le message envoyé via Bild avait sans doute une fonction dissuasive pour l'Elysée et Matignon : inutile d'essayer d'utiliser l'article 219. Au reste, cet article demeure une arme peu convaincante, puisque la BCE demeure indépendante et que ces orientations doivent demeurer soumises aux objectifs de stabilité de prix. Autrement dit, ce seront de simples vœux pieux que la BCE peut ignorer.

Pas de coup de pouce pour Paris

Pour Paris, ce coup de semonce de la BCE sonne le glas de sa stratégie officielle : faire des économies pour obtenir un euro moins fort. La France va devoir réduire ses déficits, sans broncher ni négocier. Elle a, du reste, commencé à le faire. Quant à l'euro, s'il finit par baisser, le gouvernement français n'y sera pour rien. Et ce ne sera pas le fruit d'une politique de change, mais plutôt d'une politique monétaire. Restera néanmoins à savoir si cette baisse sera suffisante. Si c'est le cas, Paris pourra toujours prétendre y être pour quelque chose pour des raisons politiques. La réalité serait néanmoins différente.