"L'Algérie reste économiquement et politiquement dépendante de la France"

Par Romain Renier  |   |  494  mots
Pour l'économiste et homme politique Kamal Benkoussa, l'Algérie reste une chasse gardée de la France. Pourtant, selon lui, une plus grande ouverture à d'autres partenaires lui permettrait de mieux se développer. (Photo : Reuters)
Pour Kamal Benkoussa, économiste et candidat malheureux à l'élection algérienne en 2014, la volonté de Laurent Fabius de maintenir la France au rang de premier partenaire économique de l'Algérie est réaliste. Mais cela se fera au détriment du développement du pays qui, selon lui, aurait tout à tirer d'une saine concurrence entre les partenaires du pays.

"La France entend être et rester le Premier partenaire économique de l'Algérie", a martelé lundi le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius, lors d'une visite à Alger. La deuxième économie deuropéenne est encore le principal partenaire économique de l'Algérie, grâce notamment à sa position de premier investisseur dans le pays. Mais elle est désormais talonnée par la Chine qui lui a ravi, fin 2013, sa position de premier fournisseur du pays méditerranéen.

Kamal Benkoussa, économiste diplômé de Dauphine et de HEC Montréal, "partner" chez Goldenberg Hehmeyer & CO. à Londres et candidat malheureux à l'élection présidentielle algérienne en 2014, estime malgré tout que la France est encore en Algérie pour longtemps, tant son influence sur les dirigeants politiques de son pays est grande. Explications.

Que pensez-vous du souhait du chef de la diplomatie française?

Les propos de Laurent Fabius sont réalistes dans la mesure où historiquement l'Algérie est une chasse gardée de la France. Il y a beaucoup de lobbies français qui bloquent l'accès au marché algérien à de nombreux autres pays comme le Royaume-Uni par exemple.

La France ne quittera pas l'Algérie. Elle a pris la mesure du risque lié aux nouveaux arrivants sur ce marché et s'organise en conséquence.

Le partenariat d'exception entre Paris et Alger, et les liens renforcés entre les dirigeants français et algériens vont-ils dans ce sens ? Le ministre des Affaires étrangères algérien a pourtant dit vouloir faire jouer la concurrence entre les partenaires de son pays...

La question est de savoir pourquoi on met en place ces partenariats. Cinquante-deux ans après son indépendance, l'Algérie est encore très dépendante de la France politiquement et économiquement. 

Par exemple, l'Algérie est l'un des plus grands importateurs de blé dur au monde, principalement au bénéfice de la France, alors qu'elle pourrait être autosuffisante. Ce resserrement des rapports entre les deux pays symbolise cette concurrence biaisée entre investisseurs internationaux, alors qu'il faudrait que le marché algérien s'ouvre au reste du monde.

Actuellement, la France importe principalement des hydrocarbures d'Algérie. Dans quels secteurs les deux pays ont-ils intérêts à développer leur coopération ?

De manière globale, l'Algérie a besoin d'acquérir de l'expertise dans de nombreux secteurs de l'économie, et de créer des emplois. L'agriculture est primordiale. Mais le pays pourrait aussi être compétitif grâce à son énergie bon marché. C'est le cas notamment de la production d'aluminium et de la sidérurgie en général qui sont des secteurs très énergivores.

Mais le développement du pays doit aussi passer par plus d'ouverture aux investissements en provenance d'autres pays étrangers. La France pourrait en outre apporter son expertise dans la construction d'hôpitaux, et mettre en place des partenariats universitaires afin de mieux former la jeunesse algérienne.