Comment l'Argentine espère profiter de l'embargo russe sur les produits alimentaires

Par Jonathan Baudoin  |   |  564  mots
Le secteur agricole argentin compte bien profiter de l'embargo russe sur les produits européens et nord-américains pour s'exporter, relançant une économie en difficulté.
Les 19 et 20 août se tiendra à Moscou une réunion entre les ministres de l'industrie et de l'agriculture argentins et leurs homologues russes pour développer des accords d'échanges entre les deux pays, l'Argentine voulant tirer profit de l'embargo russe sur les produits européens et nord-américains.

L'embargo russe sur les produits alimentaires européens, nord-américains ou encore australiens pourrait faire des heureux. Notamment l'Argentine, qui dépêche des ministres à Moscou pour négocier pendant deux jours (les 19 et 20 août) des accords commerciaux avec la Russie.

Un effet d'aubaine

Le volet économique de la crise ukrainienne, avec des sanctions économiques de part et d'autre entre les pays occidentaux et la Russie, ouvre des opportunités à d'autres économies émergentes. Il s'agit de 18,2 milliards de dollars, soit 13,6 milliards d'euros de produits occidentaux que la Russie compte réorienter, et prioritairement vers l'Amérique latine, comme le souligne la Chambre de commerce et d'industrie argentino-russe, une institution dont l'objectif est de développer les échanges entre Moscou et Buenos Aires.

Les ministres argentins de l'Industrie, Débora Giorgi, et de l'Agriculture, Carlos Casamiquela, sont ainsi envoyés à Moscou pour signer des contrats d'exportation argentins. Des contrats qui pourraient rapporter gros. Dans les colonnes du journal espagnol El País, le président du Centre de l'industrie laitière, Miguel Paulón, estime que le veto russe sur les exportations européennes de produits laitiers "pourrait signifier une hausse de 20% des exportations totales du secteur laitier argentin." D'autres secteurs agricoles tels la pêche, la viticulture, la viande, ou les fruits frais pourraient également tirer parti d'une intensification des échanges avec la Russie.

Relancer l'économie

En outre, cette aubaine représente pour l'Argentine un moyen parmi d'autres de relancer son économie, et notamment d'accroître les réserves de la Banque centrale argentine, celles-ci s'étant réduites de 5% en 2013, pour atteindre 21,6 milliards d'euros.

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Enfin, ce voyage à Moscou intervient alors que l'Argentine et les Etats-Unis s'affrontent à la barre à propos de la dette argentine.

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Concurrence sud-américaine

L'Argentine n'est pas le seul pays du continent sud-américain à vouloir se saisir de l'opportunité russe. Son voisin brésilien, le pays le plus important du sous-continent, voit 90 usines de viande autorisées à pouvoir exporter de la viande de tête de bétail, de poussin et de porc vers Moscou. Au Chili, 12 entreprises locales sont autorisées à exporter des produits de la pêche -poissons, fruits de mer-.

Les services diplomatiques latino-américains travaillent d'arrache-pied pour convaincre le Kremlin de négocier des accords commerciaux avec eux. Par exemple, l'Équateur négocie avec la Russie des accords pour "renforcer et diversifier" les exportations équatoriennes en Russie, selon l'ambassadeur de l'Équateur à Moscou, Patricio Chávez Zavala.

Se substituer à l'Europe

L'objectif des pays latino-américains est de remplacer l'Europe aux yeux des russes. Difficile mais pas impossible puisque certains pays, tels le Brésil, l'Argentine, le Chili ou encore l'Uruguay faisaient déjà de la concurrence sur le marché russe, d'après l'hebdomadaire latino-américain América Economía.

Les pays de l'Union européenne se méfient de cette poussée d'intérêts latino-américains en Russie, et critiquent le positionnement fait par ces pays, parlant "d'injustice". Ce à quoi Rafael Correa, le président de l'Équateur, a répondu la semaine dernière:

"Nous n'avons besoin de la permission de personne pour vendre des produits alimentaires pour des pays amis. À notre connaissance, l'Amérique latine ne fait pas partie de l'Union européenne."