Pourquoi l'Allemagne bloque l'union bancaire

Par Romaric Godin  |   |  757  mots
Wolfgang Schäuble n'est guère pressé de mettre en place un mécanisme commun de résolution bancaire.
L'Europe est incapable d'avancer sur l'union bancaire. Berlin, en réalité, n'en veut pas, car elle y voit une forme "d'union des transferts."

Les rencontres de l'Eurogroupe et de l'Ecofin ne sont plus aussi intenses que jadis, maintenant que la crise s'est (temporairement ?) apaisée. Mais la gouvernance européenne ne s'en est guère améliorée. Les réunions de la fin de semaine dernière sont venues encore le prouver. Ces réunions n'ont rien pu décider en effet sur ce qui devraient être la première priorité des gouvernements européens aujourd'hui : l'union bancaire.

Rien de décidé

Les ministres des Finances se sont cependant empressés de ne rien décider sur le sujet. Pas de mécanisme de résolution unique, pas de garantie commune des dépôts. Rien d'autres qu'une énième déclaration de bonne volonté. Comment expliquer que cette union bancaire, jadis si impérieusement nécessaire, soient désormais si lente à naître ? La réponse est comme souvent à chercher du côté de Berlin.

L'Allemagne a façonné la supervision unique

Depuis les premières heures du projet, l'Allemagne freine des quatre fers. En 2012, elle avait imposé un calendrier long, portant la mise en place de cette union au-delà des élections du 22 septembre 2013. Elle avait également exigé que la supervision unique soit limitée aux banques de plus de 30 milliards d'euros de bilans, ce qui excluait de fait la majorité des secteurs des caisses d'épargne et des banques mutualistes allemandes. Elle avait donc imposé à l'Europe une union à sa façon.

« Briser le lien entre risque souverain et bancaire »

Mais si Berlin a consenti - non sans limitations et sans réticences - à voir ses banques scrutées par la BCE, il en va autrement lorsqu'il s'agit de payer. Autrement dit lorsqu'il s'agit de mettre en place un mécanisme permettant au MES d'intervenir pour aider directement les banques. Pourtant, c'était là le seul objet de l'union bancaire : « briser le lien entre le risque souverain et le risque bancaire. » Mais c'est ici précisément que la discussion bloque.

L'Allemagne freine

L'Allemagne a déjà beaucoup obtenu. Elle a imposé à ses partenaires, qu'une « solution privée » soit trouvée avant une solution « publique. » Et que celle-ci se fasse d'abord via les Etats concernés avant le MES. Autrement dit, Wolfgang Schäuble a déjà commencé à détricoter l'union bancaire.

A quoi bon en effet avoir une supervision commune si les États sont toujours responsables avant le MES de la recapitalisation des banques ? Mais sans doute ne faut-il pas chercher dans la logique ce qui ne relève que de l'intérêt.

Toujours plus de conditions

Ce qui est piquant, c'est que même cette double assurance ne suffit pas à Berlin à avancer sur le mécanisme de résolution. Elle freine toujours. Il est vrai que, du coup, la « solution privée » pose un autre problème, celui de la garantie unique des déposants à 100.000 euros. Car si l'on accorde une telle garantie, on réduit la « surface financière » de la solution privée et, surtout, on oblige à une solidarité inter-européenne entre les déposants. Ce que Berlin, qui y voit une forme "d'union des transferts", ne veut à aucun prix.

Les fausses excuses de l'Allemagne

Du coup, l'Allemagne bloque les discussions. Elle se cache aujourd'hui derrière les interminables discussions de coalition (Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe, a avoué qu'on n'avancera pas tant que « l'Allemagne n'aura pas de gouvernement »). Alors même que les partis allemands se sont mis d'accord sur la poursuite de la politique européenne allemande.

Demain, elle se cachera derrière une « nécessaire révision des traités » défendue depuis longtemps par Wolfgang Schäuble, ou derrière la cour de Karlsruhe… Elle trouvera sans cesse un moyen de freiner une union bancaire qui conduit, dans l'esprit des conservateurs à l'Union des transferts.

Une Union bancaire a minima

L'élection allemande du 22 septembre, en confirmant Angela Merkel et en donnant près de 5 % des suffrages au parti anti-euro, a sans doute signé l'arrêt de mort de l'union bancaire telle qu'on l'imaginait. La mauvaise volonté allemande va conduire à une solution minimale, réduisant à rien l'action du MES. Le lien entre risque souverain et bancaire ne sera pas brisé.

Or, les stress tests de la BCE l'an prochain pourront peut-être mettre à jour des difficultés bancaires qu'il faudra alors vite résoudre. Les États devront alors le faire seuls, donc par des mesures d'austérité et un appel classique au MES. C'est sans doute cela la nouvelle solidarité européenne, telle qu'elle est perçue à Berlin.